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15/09/2023 | FRANCE | N°23NT00434

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 septembre 2023, 23NT00434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de destination et interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2205925 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 f

vrier 2023, M. B..., représenté par Me Thebault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de destination et interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2205925 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2023, M. B..., représenté par Me Thebault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 22 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination et interdiction de circulation en France pendant trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation, dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de la violation des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il n'a pas visé, ainsi qu'au moyen tiré de ce que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et que l'arrêté est entaché en conséquence d'une inexacte application du 2° de l'article L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux ressortissants européens en vertu de l'article L. 253-1 du même code ;

- elle est entachée d'une inexacte application du 2° de l'article L. 251-1 en estimant que sa présence constituerait une menace actuelle pour l'ordre public ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de circulation en France pour une durée de trois ans est disproportionnée au regard de sa situation ; elle est entachée d'une inexacte application de l'alinéa 6 de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2023.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant portugais né le 14 juin 1998, déclare être entré en France en 2009. Incarcéré au centre pénitentiaire de Rennes-Vezin depuis le 4 août 2021, il a fait l'objet, par arrêté du 22 novembre 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine, d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de circulation sur le territoire français pendant trois ans. M. B... relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 253-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu du livre II applicable aux citoyens de l'Union européenne : " Outre les dispositions du présent livre, sont également applicables aux étrangers dont la situation est régie par le présent livre les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...). " Aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat de scolarité établi pour l'année 2009-2010 de M. B..., des deux jugements en assistance éducative rendus en 2011 et 2013 par la juge des enfants du tribunal de grande instance de Rennes, des bulletins de paie et certificats de travail de l'intéressé, de l'enquête sociale réalisée dans le cadre de la poursuite pénale de l'intéressé, de l'attestation de sa sœur et de son audition par les services de police, que la présence habituelle en France du requérant, né le 14 juin 1998, doit être tenue pour établie depuis la fin de l'année 2009, soit depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Dans ces conditions, le préfet d'Ille-et-Vilaine ne pouvait, sans méconnaître les dispositions citées ci-dessus du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obliger l'intéressé à quitter le territoire français.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, notamment celui tenant à l'irrégularité du jugement, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 novembre 2022, portant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, les décisions refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et lui interdisant de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la situation de M. B.... Il y a lieu, dès lors, de lui enjoindre de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.

Sur les frais liés au litige :

6. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Thebault dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er décembre 2022 et l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 22 novembre 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M. B... et de statuer à nouveau sur son cas dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Thebault, avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

La rapporteure,

J. Lellouch

Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00434
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : THEBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;23nt00434 ?
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