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15/09/2023 | FRANCE | N°23NT00238

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 septembre 2023, 23NT00238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

12 octobre 2022 par lequel le préfet du Morbihan l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2205643 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Le Strat, demande à la co

ur :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 décembre 2022 ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

12 octobre 2022 par lequel le préfet du Morbihan l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2205643 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Le Strat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 12 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

23 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les observations de Me Berthaut, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née en 1982, de nationalité monténégrine, déclare être entrée en France le 6 avril 2018, avec ses quatre enfants mineurs, et elle y a demandé l'asile, le 3 mai 2019. Par une décision du 22 mars 2021, notifiée le 31 mars suivant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté cette demande, après l'avoir instruit en procédure accélérée dès lors que l'intéressée provenait d'un pays d'origine sûr. Le préfet du Morbihan a alors, par un arrêté du 8 juin 2021, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décidé de l'obliger à quitter le territoire français dans les trente jours et a fixé le Kosovo comme pays de destination d'une mesure d'éloignement forcé. Mme A... ayant saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'annulation de cet arrêté, le préfet du Morbihan a, en cours d'instance, modifié l'article 3 de l'arrêté du 8 juin 2021 en substituant le Monténégro au Kosovo comme pays de renvoi par un arrêté du 2 juillet 2021. Par un jugement du 28 juillet 2021, le tribunal a annulé l'article 3 de l'arrêté du 8 juin 2021 et rejeté le surplus de la demande. Par une décision du 28 septembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a rejeté le recours de Mme A... contre la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 mars 2021 refusant de lui accorder l'asile. Par un arrêté du 12 octobre 2022, le préfet du Morbihan a alors obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'issue de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 12 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. Mme A... ne séjournait en France que depuis moins de quatre ans à la date de la décision contestée. Son séjour dans ce pays n'était donc pas ancien et s'expliquait par la durée de la procédure d'instruction de sa demande d'asile et, pour la dernière année, par son maintien sur le territoire en dépit d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre. Elle n'a pas en France de liens personnels ou familiaux d'une particulière intensité, alors même qu'une de ses sœurs y serait présente selon ses allégations. Mme A... se trouve, de plus, sans travail ni revenus tirés d'une activité professionnelle et n'est donc pas insérée en France, notamment au plan professionnel, alors même qu'elle justifie d'une promesse d'embauche comme agent d'entretien qui lui a été faite le 9 novembre 2022, soit postérieurement à la décision contestée. Si ses quatre enfants mineurs résident sur le territoire national et y sont scolarisés, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de les séparer de leur mère. Le mari de la requérante n'est d'ailleurs pas présent en France. Il ne ressort, dès lors, d'aucune pièce du dossier que la cellule familiale de l'intéressée ne pourrait pas se reconstituer hors de France et notamment au Monténégro. Enfin, si Mme A... soutient que ses enfants vivraient et seraient scolarisés de façon précaire dans le cas d'un retour dans leur pays d'origine en raison de leur appartenance à la communauté rom, les documents très généraux qu'elle produit sur les discriminations dont sont victimes les membres de cette communauté au Monténégro ne suffisent pas à l'établir. Il ressort au contraire des éléments produits en défense en première instance que l'accès à l'éducation gratuite et la lutte contre les discriminations sont garantis dans ce pays, qui a mis en œuvre un programme pour accompagner les enfants appartenant aux minorités ethniques. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui précède, que Mme A... et ses enfants seraient exposés à des traitements discriminatoires en cas de retour au Monténégro. Si Mme A... soutient encore qu'elle encourrait des risques de mauvais traitements en cas de retour au Monténégro du fait des réseaux de proxénétisme auxquels elle risque de se trouver soumise, elle n'étaye pas cette allégation d'élément suffisamment probant, alors que, par ailleurs, sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le Monténégro comme pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

Le rapporteur,

X. CatrouxLe président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT00238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00238
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET GAELLE LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;23nt00238 ?
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