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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT03922

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT03922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, par deux recours distincts, d'annuler les arrêtés des 24 et 25 août 2022 pris à l'encontre de chacun d'eux, par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et leur a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et les arrêtés des mêmes jours les assignant à résidence.

Par un jugement nos 2204353, 22043

66 du 2 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, par deux recours distincts, d'annuler les arrêtés des 24 et 25 août 2022 pris à l'encontre de chacun d'eux, par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et leur a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et les arrêtés des mêmes jours les assignant à résidence.

Par un jugement nos 2204353, 2204366 du 2 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Semino, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 septembre 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine des 24 et 25 août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal de leur délivrer des titres de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leurs situations et de leur délivrer des autorisations provisoires de séjour durant cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent

l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles méconnaissent le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'a pas examiné la situation médicale de leur enfant, dont l'état de santé nécessite la prise de corticoïdes qui ne sont pas disponibles en Albanie ;

- les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire méconnaissent les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions d'interdiction de retour de deux ans sur le territoire méconnaissent les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'erreur d'appréciation ;

- les décisions d'assignation à résidence sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen particulier de leurs situations.

La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les observations de Me Berthaut, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants albanais, sont entrés irrégulièrement en France en décembre 2016. Ils ont déposé une demande d'asile enregistrée le 27 janvier 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui a rejeté leur demande le 30 mars 2017. Ils se sont désistés de leur recours devant la Cour nationale du droit d'asile. Les requérants ayant sollicité un titre de séjour en qualité d'accompagnants d'un enfant malade, le préfet

d'Ille-et-Vilaine a décidé de rejeter leur demande par des décisions du 31 mars 2021 et a pris à leur encontre une obligation de quitter le territoire français. Le 24 août 2022, M. A... a été interpellé à Rennes à l'occasion d'une opération de contrôle d'identité et placé en retenue administrative. Par des arrêtés des 24 et 25 août 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris à l'encontre de chacun des requérants, des arrêtés portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant leur pays de renvoi, assortis d'une interdiction de retour de deux ans sur le territoire, et les a assignés à résidence. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du

2 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...). ". Aux termes de son article L. 731-1 : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...). "

3. En premier lieu, les arrêtés contestés portant obligation de quitter le territoire français se réfèrent aux dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont ils font application et font état de ce que les intéressés ont fait l'objet d'un refus de titre de séjour en tant qu'accompagnant d'enfant malade le 31 mars 2021. Les arrêtés portant assignation à résidence se réfèrent aux dispositions du 1° du l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont ils font application et mentionnent les circonstances que les intéressés font l'objet d'obligations de quitter le territoire français sans délai du même jour et que la mise en œuvre de leur éloignement demeure une perspective raisonnable. Les arrêtés contestés comportent, dès lors, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent les décisions portant obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence prises à l'encontre de chacun des requérants et sont, de ce seul fait, suffisamment motivés.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier des termes mêmes des arrêtés contestés que le préfet, qui n'était pas tenu de faire état expressément de tous les éléments des dossiers des intéressés, n'a pas omis de procéder à un examen particulier de la situation de chacun des requérants avant de prendre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence en litige.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Les requérants soutiennent que l'état de santé de leur enfant nécessite la prise de corticoïdes qui ne sont pas disponibles en Albanie, en dehors de sa capitale, et que cette circonstance serait de nature à leur ouvrir droit à la protection contre l'éloignement que prévoient ces dispositions. Toutefois il ressort des avis de l'OFII produits par le préfet, datés des 30 septembre 2019 et 15 juin 2020, que leur enfant malade peut bénéficier de soins adaptés en Albanie, leurs demandes de titre de séjour en qualité d'accompagnants d'enfant malade ayant d'ailleurs été définitivement rejetées par des décisions du 31 mars 2021. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A..., entrés en France en décembre 2016, s'y sont maintenus irrégulièrement après le rejet de leur demande d'asile qui est intervenu le 30 mars 2017, et après, le rejet de leurs demandes de titre de séjour en qualité d'accompagnants d'enfant malade par des décisions du 31 mars 2021. Ils n'avaient pas de liens personnels ou familiaux en France en dehors de la sœur de Mme A... et n'étaient pas intégrés sur le territoire, ne disposant d'aucun moyen de subsistance, ni d'un logement stable dans la mesure où ils sont hébergés par le dispositif du 115 et dépendant de l'aide d'associations. Les obligations de quitter le territoire français ne font pas obstacle au maintien de la cellule familiale dans leur pays d'origine et n'ont pas pour effet, en particulier, de séparer les enfants de leurs parents. Il ne ressort pas des pièces du dossier que leurs enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Albanie du seul fait qu'ils seraient membres de la communauté égyptienne ou que leur enfant qui souffre d'une pathologie chronique ne pourrait être soigné dans ce pays. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation et contraires à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elles méconnaîtraient l'intérêt supérieur de leurs enfants ou seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

8. En dernier lieu, les requérants reprennent en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveau, les moyens invoqués en première instance, tirés de ce que les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire méconnaissent les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et que les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans méconnaissent les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

Le rapporteur,

X. CatrouxLe président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22NT03922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03922
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SEMINO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt03922 ?
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