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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT03741

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT03741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

17 juin 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement no 2203125 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejet

é sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2022, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

17 juin 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement no 2203125 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Baudet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 17 juin 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et de sa demande d'admission au séjour ;

- la décision de refus de titre de séjour est entaché d'un détournement de pouvoir ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas été entendu avant l'intervention des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, de refus de départ volontaire et d'interdiction de retour ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de délai de départ n'a pas été signée par une autorité compétente ;

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée un examen particulier de sa situation ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation et de fait ;

- la décision d'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et n'a pas été précédée un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

26 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-tunisien ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien, qui avait séjourné en France en 2011 et dont la demande d'asile avait été définitivement rejetée en 2012, est entré irrégulièrement en France à nouveau en 2017 selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 1er juin 2018 à la suite de son interpellation par la police. Il a sollicité en 2018, puis le 12 octobre 2021, la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 17 juin 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 26 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé et de sa demande avant de prendre le refus de titre de séjour en litige. A ce dernier égard, M. A... a présenté une demande de titre de séjour seulement en raison de sa situation médicale, puis a rempli le dossier médical confidentiel qu'il a adressé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la circonstance que l'imprimé de renseignement d'état-civil mentionne la présence de ses frères en France n'est pas de nature à établir qu'il aurait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale ou au titre de motifs exceptionnels. Il en va de même de la circonstance qu'il a complété une fiche " vie privée et familiale " et qu'il a envoyé un courrier du 10 juin 2022, quelques jours avant l'édiction de l'arrêté contesté " à la préfecture qui se bornait à indiquer que " il conviendra également d'étudier une demande de titre de séjour vie privée et familiale (L. 423-23 du CESEDA) ou d'admission exceptionnelle au séjour compte tenu de sa situation personnelle ". Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé et de sa demande doit, dès lors, être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er avril 2022 concernant le requérant que si l'état de santé de M. A... nécessitait, à cette date, une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En se bornant à produire divers documents relatifs à une intervention chirurgicale d'ablation d'un clou de fémur droit réalisée en décembre 2021, l'intéressé n'établit pas l'exceptionnelle gravité que présenteraient les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale en 2022. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi, alors même que le requérant a déposé sa demande de titre en séjour le 1er août 2018 et a résidé depuis lors en France sous couvert de récépissés de demande de titre de séjour.

6. En quatrième lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveau, les moyens invoqués en première instance, tirés de ce que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, qu'elle méconnaît les articles L. 423-23 et

L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que son droit d'être entendu avant l'intervention des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, de refus de départ volontaire et d'interdiction de retour a été méconnu, que la décision de refus de délai de départ volontaire n'a pas été signée par une autorité compétente et que la décision d'interdiction de retour est insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., dont le séjour en France n'était pas ancien, à la date de l'obligation de quitter le territoire français en litige, était célibataire, sans charge de famille en France. Il se trouvait dans ce pays sans travail, ni ressources. S'il avait des frères dans ce pays, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches personnelles ou familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents. Dans ces conditions, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de M. A... doivent être écartés.

9. En sixième lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision refusant un délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français en litige ne peut qu'être écarté.

10. En septième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

11. L'arrêté contesté vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout en précisant que, ainsi qu'il résulte des dispositions citées au point précédent, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français, s'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation et que ce risque peut être en l'espèce regardé comme établi, dès lors que l'intéressé s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise le 1er juin 2018. Par suite, la décision de refus de délai de départ volontaire est suffisamment motivée et il ressort de cette motivation qu'elle a été prise après un examen particulier de la situation du requérant. Compte tenu de la soustraction à une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet de la Loire-Atlantique dont s'est rendu responsable M. A..., alors même qu'il s'est vu délivrer un récépissé le

17 octobre 2018 par le préfet d'Ille-et-Vilaine, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article

L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de fait ne peuvent qu'être écartés.

12. En huitième lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant un délai de départ volontaire en litige ne peut qu'être écarté.

13. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) " et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dépourvu de liens anciens avec la France, en dépit de la présence de frères dans ce pays, a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ainsi que de condamnations pénales et d'inscription au fichier des antécédents judiciaires tenant à des infractions à la législation sur les stupéfiants et au port réitéré d'armes de catégorie 1 ou 4. Par suite, le préfet a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant une interdiction de retour d'un an à l'encontre de l'intéressé. Pour les mêmes raisons, et eu égard également à ce qui a été dit au point 8, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

Le rapporteur,

X. CatrouxLe président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT03741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03741
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BAUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt03741 ?
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