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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT03497

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT03497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 2201708 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enre

gistrée le 14 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Lelouey, demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 2201708 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Lelouey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2022 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 du préfet du Calvados ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaissent le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés en s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 7 mai 1950 à Dubreka (Guinée), est entrée régulièrement en France sous couvert d'un visa C le 29 novembre 2017 selon ses déclarations. Elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 11 mars 2019 et a bénéficié d'un titre de séjour sur ce fondement pour la période du 8 juillet 2019 au 13 octobre 2021. Elle relève appel du jugement du 7 octobre 2022 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour. Il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour demandé, le préfet du Calvados s'est fondé notamment sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 8 décembre 2021 indiquant que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... bénéficie d'un suivi neurochirurgical pour méningiomes, d'un suivi cardiologique avec traitement par quadrithérapie, d'un traitement suite à une embolie pulmonaire en 2021 et d'un suivi rhumatologique pour une arthrose généralisée. Mme A... soutient qu'elle ne pourra bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine dès lors, d'une part, que les services de rhumatologie sont quasi inexistants en Guinée et que le seul service spécialisé à Conakry est débordé et fait face à un manque de moyens et de matériel, d'autre part, qu'aucune infrastructure n'est adaptée aux personnes en situation de handicap, en outre, qu'elle n'aurait pas accès à un service spécialisé en cardiologie en Guinée dès lors que les cardiologues sont peu nombreux et ne disposent pas du matériel de base permettant de diagnostiquer ou de suivre les patients, enfin, que son traitement médicamenteux, composé d'antihypertenseurs et d'un inhibiteur calcique, n'est pas disponible en Guinée et qu'au-delà de cette indisponibilité, le coût de ce traitement serait trop important pour elle. Toutefois les documents médicaux produits, notamment ceux antérieurs à 2017 faisant état de l'historique de ses pathologies et soins, un certificat du 18 mai 2022 d'un médecin généraliste récapitulant son suivi médical en France et les diverses attestations relatant son suivi neurologique et rhumatologique, ne sont pas suffisamment précis ni circonstanciés pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII sur la disponibilité des soins en Guinée. La requérante n'établit pas davantage que le suivi pluridisciplinaire dont elle bénéficie en France ne pourrait être poursuivi en Guinée alors qu'elle admet l'existence de services en rhumatologie et en cardiologie dans son pays. En outre, s'il ressort de la liste nationale des médicaments essentiels de 2012 établie par la direction nationale de la pharmacie et des laboratoires au sein du ministère de la santé et de l'hygiène publique de Guinée que deux médicaments n'étaient pas commercialisés à cette date en Guinée, il ressort de cette même liste que d'autres médicaments appartenant aux mêmes familles thérapeutiques étaient disponibles dans le pays d'origine de Mme A... alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le traitement prescrit à l'intéressée, au demeurant pour des durées courtes de trois mois selon les ordonnances produites, ne pourrait faire l'objet d'une substitution. De même, si l'intéressée produit des articles de presse en ligne et des documents d'ordre général sur le système de santé et le suivi du handicap en Guinée, elle n'établit pas qu'elle ne disposerait pas des ressources suffisantes pour bénéficier effectivement de son traitement dans son pays d'origine. Enfin, les circonstances qu'elle bénéfice de l'allocation d'adulte handicapée et qu'elle a un taux d'incapacité de 80 % sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la détermination du respect des conditions posées par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

6. En second lieu, Mme A... est veuve et sans charge de famille en France. Elle ne fait état d'aucune intégration particulière ni d'aucun lien social. Elle ne justifie d'aucun obstacle à ce qu'elle poursuive sa vie privée et familiale dans son pays d'origine où réside son fils et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 67 ans. Si elle fait état de la présence en France d'un frère et d'une sœur en situation régulière, elle ne démontre pas y avoir développé des liens d'une intensité telle qu'un retour dans son pays d'origine porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 2 à 6, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

8. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".

9. La circonstance invoquée par Mme A... que la continuité des soins serait nécessairement compromise ne suffit pas à caractériser une circonstance particulière justifiant qu'il soit dérogé, à titre exceptionnel, au délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français. Le préfet du Calvados, en accordant un délai de trente jours et en ne faisant pas usage de la faculté d'accorder une prolongation de délai, n'a donc pas entaché sa décision d'erreur manifeste ni méconnu les dispositions de l'article L. 612-1 cité au point précédent.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Mme A... soutient qu'elle serait soumise à un traitement inhumain et dégradant en cas de retour en Guinée du fait de l'absence de traitement et de l'interruption de ses soins. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, elle n'apporte aucun élément permettant de justifier qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement en Guinée d'un traitement approprié à ses pathologies. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de l'effet de la décision sur sa situation personnelle doivent, par suite, être écartés.

11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, Mme A... n'est pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à Me Lelouey et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03497
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : LELOUEY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt03497 ?
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