Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de la jeune C... F... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Dakar (République du Sénégal) refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à l'enfant C... F... B..., en qualité de membre de famille de réfugiée.
Par un jugement n° 2109373 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mai et 7 juillet 2022, Mme D... A..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale C... F... B..., représentée par Me Anglade, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 18 août 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à l'enfant C... F... B... le visa sollicité, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à défaut, de procéder au réexamen de la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation ; l'identité et le lien de filiation de la demandeuse sont établis par les actes d'état civil produits et par la possession d'état ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Par une décision du 1er juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes (section administrative) a accordé à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frank a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme D... A... tendant à l'annulation de la décision du 18 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Dakar (République du Sénégal) refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à sa fille alléguée, C... F... B..., en qualité de membre de famille de réfugiée. Mme A... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. ". Aux termes de l'article L. 561-5 du même code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ". Aux termes de l'article L. 434-3 de ce code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; / 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Lorsque la venue d'une personne en France a été sollicitée au titre de la réunification des membres de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits pour justifier de l'identité et, le cas échéant, du lien familial de l'intéressé avec la personne protégée.
3. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de visa présentée pour l'enfant C... F... B..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que l'identité de la demandeuse de visa, et partant, le lien familial avec Mme A..., ne sont pas établis, d'autre part, de ce que la demande de visa ne comporte pas de jugement de délégation de l'autorité parentale au bénéfice exclusif de la mère alléguée de l'enfant.
5. D'une part, pour justifier de l'identité de l'enfant, et de son lien de filiation avec Mme A..., ont été produits, devant les autorités consulaires puis en cours d'instance, les copies littérales d'un acte de naissance n°221/2005 dressé le 15 juillet 2005 par l'officier d'état civil de la commune de Balingore (Sénégal), faisant état de la naissance de l'enfant C... B... le 9 juin 2005, de l'union de M. E... B... et de Mme D... A.... Toutefois, et ainsi que le relève le ministre de l'intérieur, les mentions portées sur les copies de cet acte ne sont pas identiques, notamment en ce qui concerne l'identité de la personne déclarante. La requérante n'apporte aucune explication concernant une telle incohérence, alors que l'article 47 du code sénégalais de la famille prévoit que " les copies littérales sont la reproduction exacte de l'acte original tel qu'il a été dressé ou rectifié et des mentions marginales ". En outre, l'une des copies de l'acte de naissance produite par Mme A..., qui mentionne que l'acte a été dressé sur déclaration de la mère, est contraire à l'article 52 du même code qui prévoit que " le nom du père ne peut être indiqué que s'il fait lui-même la déclaration ". Par ailleurs les photographies, les relevés d'échanges par messagerie électronique, non datés, les transferts d'argents réalisés au cours des années 2021 et 2022, ainsi que la fiche familiale de de référence de Mme A..., ne suffisent pas à établir l'existence d'un lien de filiation par la possession d'état. Dans ces conditions, et eu égard, notamment, aux nombreuses anomalies démontrant l'absence de caractère probant des documents d'état civil produits, la commission de recours a pu, sans faire une inexacte application des dispositions précitées, rejeter la demande de visa litigieuse au motif que l'identité et le lien de filiation de l'enfant C... B... n'étaient pas établis.
6. D'autre part, et en tout état de cause, la requérante ne conteste pas le motif tiré de ce que la demande de visa ne comporte pas de jugement de délégation de l'autorité parentale du père de l'enfant, au bénéfice exclusif de Mme A..., qui se présente comme la mère de celui-ci.
7. En second lieu, le lien familial n'étant pas établi, ainsi qu'il vient d'être dit, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peuvent qu'être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à Mme C... F... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juillet 2023.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
La greffière,
H. EL HAMIANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22NT01651