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21/07/2023 | FRANCE | N°23NT00382

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 21 juillet 2023, 23NT00382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

1er septembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreint à se présenter au commissariat de police d'Angers tous les lundi, mercredi et vendredi pour justifier des diligences accomplies en vue de son départ.

Par un jugement n° 2212700 du 11 janvier 2023, la magistrate désignée par le préside

nt du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

1er septembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreint à se présenter au commissariat de police d'Angers tous les lundi, mercredi et vendredi pour justifier des diligences accomplies en vue de son départ.

Par un jugement n° 2212700 du 11 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2023 M. A..., représenté par Me Smati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et dans l'attente de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision portant obligation de se présenter au commissariat de police d'Angers méconnaît les dispositions de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à celui tiré de ce que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, méconnaît les dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une appréciation manifestement erronée des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de se présenter au commissariat de police d'Angers méconnaît les dispositions de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et est disproportionnée ou entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2023 le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La demande d'asile de M. A... ressortissant guinéen, né le 10 juin 1990, entré irrégulièrement en France le 30 mars 2021 selon ses déclarations, a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 mars 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 juillet 2022. Par un arrêté du 1er septembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et l'a astreint à se présenter au commissariat de police d'Angers tous les lundi, mercredi et vendredi à 10 heures, pour justifier des diligences accomplies en vue de son départ. Par un jugement du 11 janvier 2023, dont M. A... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la magistrate désignée a omis de se prononcer sur le moyen soulevé en première instance et tiré de ce que la décision obligeant M. A... à se présenter au commissariat de police d'Angers tous les lundis, mercredis et vendredis à 10 heures pour justifier des diligences accomplies en vue de son départ méconnaît les dispositions de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen n'était pas inopérant. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision est irrégulier et, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de ce que le jugement a également omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la même décision, à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision portant obligation de présentation au commissariat de police d'Angers, et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, celle fixant un délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les textes dont il est fait application et en particulier le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 541-2 du même code, précise que le requérant ne dispose plus du droit de se maintenir en France après le rejet de sa demande d'asile. Dès lors, cette décision, qui précise également les éléments de la vie privée et familiale de M. A..., est suffisamment motivée.

5. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour pour soins, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'information suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

7. En l'espèce, M. A... verse des copies d'une convocation à un centre médico-psychologique, des certificats médicaux d'un chirurgien-dentiste de Nantes des 6 janvier, 15 avril et 5 mai 2022 et des ordonnances médicales des 22 octobre 2021 et 20 mai 2022 pour des traitements de courte durée. De tels documents ne démontrent pas la réalité d'un état de santé d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

8. Compte tenu du caractère récent de l'entrée de M. A... en France, soit quinze mois à la date de l'arrêté contesté, et de ce qu'il est célibataire et sans charge d'enfants en France alors que son épouse et ses trois enfants résident en Guinée, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Alors que M. A... se prévaut de son activité de travailleur saisonnier dans le domaine agricole, d'une promesse d'embauche en qualité de travailleur temporaire dans ce domaine, de la possibilité d'être employé dans tous les métiers de l'agriculture et de l'exercice d'activités associatives bénévoles, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une appréciation manifestement erronée quant aux conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ et de celle fixant le pays de destination:

10. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence.

Sur la légalité de la décision portant obligation de présentation au commissariat de police d'Angers :

11. Aux termes de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. ".

12. L'arrêté litigieux ne précise pas explicitement la durée pendant laquelle l'obligation de présentation s'applique. Toutefois et en tout état de cause, selon les termes mêmes de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette durée ne peut excéder celle du délai de départ volontaire. Par suite, le moyen soulevé par M. A... selon lequel la durée de l'obligation de présentation aurait dû être indiquée doit être écarté.

13. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation à M. A... de se présenter au commissariat de police d'Angers tous les lundis, mercredis et vendredis à 10 heures pour justifier des diligences accomplies en vue de son départ doit être annulée par voie de conséquence.

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de ces mesures seraient disproportionnées ou entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne s'agit pour l'administration que de s'assurer de l'accomplissement des préparatifs du départ de l'étranger concerné.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de se présenter au commissariat de police d'Angers, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de celle fixant un délai de départ volontaire et de celle fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°2212700 du tribunal administratif de Nantes du 11 janvier 2023 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de présentation au commissariat de police d'Angers est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... présentées devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de la décision portant obligation de présentation au commissariat de police d'Angers et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

Le rapporteur

J.E. GeffrayLa présidente

I. PerrotLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23NT00382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00382
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SMATI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-21;23nt00382 ?
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