Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2202909 du 20 septembre 2022, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 janvier et 7 avril 2023 M. A..., représenté par Me Dahani, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les deux arrêtés du 4 mars 2022 du préfet de la Sarthe ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le magistrat désigné, en estimant que, s'il a produit des certificats de scolarité de 1999 à 2009 au sein de différents établissements à Saint-Laurent-du-Maroni dans le département de la Guyane, ces éléments ne permettaient pas d'établir sa résidence habituelle compte tenu " de la localisation de Saint-Laurent-du-Maroni par rapport au Surinam ", a porté atteinte au principe du contradictoire dès lors que la localisation des établissements scolaires fréquentés par M. A... dans cette commune n'a jamais été débattue ; le jugement est irrégulier ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet, en examinant son comportement comme étant constitutif d'une menace à l'ordre public, a commis une erreur d'appréciation ;
- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a été prise sans un examen de sa situation personnelle, est insuffisamment motivée, méconnaît les dispositions des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est illégal du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, présente un caractère disproportionné et méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, le préfet de la Sarthe conclut à un non-lieu à statuer du fait de l'abrogation de fait de l'arrêté contesté par l'arrêté intervenu le
13 mars 2023 ou, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
16 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les observations de Me Dahani, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant du Surinam, né le 2 décembre 1990, relève appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, de l'arrêté du même jour par lequel le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Si le préfet de la Sarthe soutient que l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel il a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans a été abrogé de fait par l'intervention de son arrêté du 13 mars 2023, dont les termes sont au demeurant identiques, il n'a cependant pris aucun acte d'abrogation. Dès lors, il y a lieu de statuer sur l'ensemble des conclusions dirigées contre l'arrêté du 4 mars 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. M. A... soutient que le magistrat désigné, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a estimé que, s'il avait produit des certificats de scolarisation au sein de différents établissements à Saint-Laurent-du-Maroni dans le département de la Guyane de 1999 à 2009, ces éléments ne permettaient pas d'établir sa résidence habituelle compte tenu " de la localisation de Saint-Laurent-du-Maroni par rapport au Surinam ", et qu'un tel argument, qui n'a pas été débattu, constitue une violation du débat contradictoire. Toutefois, le magistrat désigné s'est borné à se fonder sur un critère objectif de nature géographique dont il n'y avait pas lieu de débattre. Alors même que la question de la localisation des établissements scolaires fréquentés par M. A... dans cette commune n'a jamais été débattue, le jugement, en retenant ce critère, n'a pas porté une atteinte au principe du contradictoire et n'est pas irrégulier.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination en cas de reconduite d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :
S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...). ".
5. Le certificat de fréquentation scolaire de M. A... dans le département français de la Guyane entre 1999 et 2003 n'établit pas l'existence d'une résidence habituelle de l'intéressé en France avant l'âge de treize ans. L'attestation de sa grand-mère selon laquelle elle a hébergé M. A... à Saint-Laurent-du-Maroni entre 1991 et 2010 n'est pas corroborée par des documents administratifs ou officiels permettant de démontrer la résidence habituelle du requérant en France durant cette période et donc avant treize ans. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. M. A... a été condamné en métropole à plusieurs reprises à des peines d'emprisonnement et incarcéré du 16 décembre 2016 au 25 juillet 2018 et du 24 février 2021 au 7 mars 2022 pour notamment des infractions à la législation sur les stupéfiants. Au regard de ces éléments, le préfet de la Sarthe, en estimant que son comportement est constitutif d'une menace à l'ordre public, n'a pas commis une erreur d'appréciation.
7. M. A..., qui est célibataire et sans enfant et réside en métropole, ne démontre pas qu'il a des attaches particulièrement intenses en France, et notamment dans le département de la Guyane même si sa mère titulaire d'une carte de séjour temporaire, qui a été valable jusqu'au 8 décembre 2021, et son père, titulaire d'une carte de résident, valable jusqu'au 8 février 2029, y résident. S'il fait état de sept demi-frères ou demi-sœurs, dont quatre, nés à Cayenne en 2000, 2002, 2005 et 2009, sont de nationalité française, il n'établit aucune relation suivie avec eux. M. A... ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française. Ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Même si M. A... a obtenu en 2010 un brevet d'études professionnelles de techniques du gros œuvre du bâtiment, en 2018 un titre professionnel d'agent magasinier, un certificat d'aptitude à la conduite en sécurité et une formation d'opérateur en façonnage, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle compte tenu des multiples condamnations pénales, notamment d'emprisonnement, dont l'intéressé a fait l'objet.
S'agissant de la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
10. Compte tenu des condamnations pénales dont M. A... a fait l'objet, qui ont été rappelées au point 6, le préfet de la Sarthe n'a pas méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation.
11. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence.
S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.
13. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
S'agissant de la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
14. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
15. Le préfet de la Sarthe, en indiquant que " compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la durée de l'interdiction de retour de deux ans ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale ", et en explicitant préalablement les caractéristiques de la situation de M. A... au regard notamment de son séjour irrégulier en France depuis 2017, de ses condamnations pénales, de son comportement menaçant l'ordre public et de son refus d'exécuter une précédente mesure d'éloignement, a suffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français au regard des critères énumérés à l'article L. 612-10.
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français que le préfet de la Sarthe n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de prendre cette décision.
17. M. A... reprend en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit ses moyens invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné, d'écarter ces moyens.
18. En l'absence de circonstances humanitaires au regard de la situation personnelle de M. A..., la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. A... doivent être rejetés.
20. La décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans doit être annulée par voie de conséquence.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
21. Le préfet de la Sarthe n'a pas pris de décision refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'illégalité de cet arrêté du fait de l'illégalité d'une telle décision est inopérant.
22. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
23. M. A... reprend en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit ses moyens invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du caractère disproportionné de l'assignation de résidence. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné, d'écarter ces moyens.
24. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.
Le rapporteur
J.E. GeffrayLa présidente
I. PerrotLa greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00186