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21/07/2023 | FRANCE | N°22NT03680

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 juillet 2023, 22NT03680


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de la Faute-sur-Mer, devenue l'Aiguillon-la-Presqu'île, à lui verser la somme de 111 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa chute survenue sur un ponton du port de cette commune le 1er février 2014.

Par un jugement n°1905421 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île à verser à Mme A... la somme de 1 332 euros, a

ssortie des intérêts au taux légal à compter du 23 février 2019, à verser à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de la Faute-sur-Mer, devenue l'Aiguillon-la-Presqu'île, à lui verser la somme de 111 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa chute survenue sur un ponton du port de cette commune le 1er février 2014.

Par un jugement n°1905421 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île à verser à Mme A... la somme de 1 332 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 février 2019, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique la somme de 9,06 euros en remboursement de ses débours et la somme de 110 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, a mis à la charge de la commune les frais d'expertise d'un montant de 700 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2022, Mme B... A..., représentée par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 octobre 2022 en tant qu'il a limité à 1 332 euros la somme que la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île a été condamnée à lui verser ;

2°) de condamner la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île à lui verser une somme de 111 200 euros en réparation des préjudices subis en lien avec sa chute survenue le 1er février 2014, avec intérêts moratoires à compter du 23 février 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île la somme de

2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune imprudence justifiant une exonération de la responsabilité de la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île ;

- ses préjudices doivent être réparés par le versement des sommes de 22 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 75 000 euros au titre du préjudice professionnel et de 3 000 euros au titre du préjudice moral.

Par un mémoire, enregistré le 29 novembre 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée, conclut à ce qu'il soit pris acte qu'elle ne présentera aucune demande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île, représentée par Me Raffin, conclut au rejet de la requête, et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 4 octobre 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a retenu le principe de sa responsabilité et de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne peut être engagée dès lors que :

o le lien de causalité entre la chute et l'état de l'ouvrage public n'est pas établi ;

o le défaut d'entretien normal du ponton ne l'est pas davantage ;

o Mme A... a en toute hypothèse commis une imprudence de nature à l'exonérer de sa responsabilité à l'égard de l'intéressée en empruntant un ponton qu'elle savait en mauvais état par temps de tempête ;

- les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Jamot, représentant Mme A... et celles de Me Berthou, représentant la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er février 2014, vers 17 heures, alors qu'elle souhaitait vérifier l'amarrage de son bateau avant une tempête annoncée, Mme A... a déclaré avoir été victime d'une chute sur le ponton de la commune de la Faute-sur-Mer. Par une ordonnance du 26 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a ordonné une expertise afin d'évaluer les préjudices subis par Mme A... à la suite de cette chute. L'expert a déposé son rapport le 25 janvier 2019. Le 22 février 2019, Mme A... a présenté une réclamation préalable auprès de la commune de la Faute-sur-Mer afin d'être indemnisée des préjudices résultant de cet accident qu'elle évalue à la somme globale de 111 200 euros. Devant le silence gardé par la commune, elle a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une requête tendant à la condamnation de la commune à lui verser cette somme. Mme A... relève appel du jugement du 4 octobre 2022 du tribunal en tant qu'il a limité à 1 332 euros la somme que la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île, venue aux droits de la commune de la Faute-sur-Mer, a été condamnée à lui verser. Par la voie de l'appel incident, la commune demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'elle a été condamnée à verser cette somme à Mme A....

Sur la responsabilité :

2. Pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, l'usager de cet ouvrage doit démontrer devant le juge administratif, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse alors sur elle, il incombe à la collectivité, maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer l'existence d'une faute de la victime ou d'un évènement de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction, notamment du certificat médical établi le 3 février 2014, soit le premier jour ouvré suivant l'accident, du rapport d'expertise du 25 janvier 2019 ainsi que des photographies réalisées dans les suites de l'accident faisant apparaître le soulèvement de deux lattes du ponton qu'il doit être tenu pour établi que Mme A... a fait une chute, le 1er février 2014, sur le ponton du port de la Faute-sur-Mer et que ses blessures à la cuisse gauche et au coccyx présentent un lien direct et certain avec cet ouvrage public, alors même qu'aucun témoin direct n'a assisté à l'accident. Alors que le dommage a pour origine un ouvrage public dont l'entretien incombait à la commune de la Faute-sur-Mer, cette dernière n'apporte aucun élément permettant d'établir l'entretien normal du ponton. Dans ces conditions, la responsabilité de la collectivité est engagée à l'égard de Mme A... en raison du défaut d'entretien normal de cet ouvrage public communal.

Sur l'existence d'une cause exonératoire :

4. Ni le fait que Mme A... présentait un surpoids, ni la circonstance que la vétusté des supports en bois et non des lattes étaient pour partie visible, ne sont de nature à démontrer que l'appelante aurait fait preuve d'imprudence, alors qu'elle ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que les lattes en cause se détachent du reste du ponton. En outre, Mme A... soutient sans être contestée que les conditions météorologiques étaient bonnes lorsqu'elle est montée sur le ponton pour vérifier les conditions d'amarrage de son bateau avant la survenue de la tempête annoncée pour le lendemain. Par suite, aucune faute de la victime n'est de nature à atténuer la responsabilité de la commune.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

5. La requérante demande à être indemnisée d'un préjudice professionnel en faisant valoir qu'elle a subi une perte de chance de prolonger sa carrière dans la fonction publique territoriale. Il résulte de l'instruction qu'elle a cessé son activité professionnelle de directrice de maison de retraite le 3 mars 2015 et n'a pu être reclassée par son employeur sur un poste adapté à son état de santé entrainant sa mise à la retraite pour invalidité. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise judiciaire, qui confirme sur ce point l'expertise réalisée à la demande de la commune, que la luxation postérieure du coccyx n'est pas imputable de manière certaine à l'accident dont Mme A... a été victime en chutant du ponton mais a pu survenir antérieurement à l'accident, le morphotype de Mme A... ayant pu également en être à l'origine. Dès lors, la demande présentée par Mme A... à ce titre doit être rejetée.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

6. Il résulte de l'instruction que Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire en lien avec sa chute du ponton évalué par l'expert judiciaire comme étant de classe I sur la période allant du 1er février au 20 juillet 2014. Il sera fait une équitable appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 300 euros qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune.

S'agissant des souffrances endurées :

7. La chute du ponton de Mme A... a engendré des souffrances physiques et morales évaluées par l'expert à 2 sur une échelle de 7. Il y a lieu d'évaluer à 2 000 euros le préjudice subi au titre des souffrances ainsi endurées par l'intéressée.

8. Mme A... a en outre subi un préjudice moral, distinct des souffrances endurées, résultant du stress provoqué par les démarches qu'elle a effectuées en vain à la suite de son accident et du recours contentieux qu'elle a dû engager. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 500 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a limité à 1 332 euros la somme au versement de laquelle la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île a été condamnée et qu'il convient de porter cette somme à 3 800 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 février 2019, date de réception par la commune de sa demande préalable.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de laisser à la charge définitive de la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 700 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 21 février 2019.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie tenue aux dépens, la somme réclamée au même titre par la commune.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île est condamnée à verser à Mme A... la somme de 3 800 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 février 2019.

Article 2 : Le jugement du 4 octobre 2022 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la commune de l'Aiguillon-la-Presqu'île et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

La rapporteure

J. LellouchLe président

D. Salvi

La greffière

A. Martin

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03680


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03680
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL PUBLI-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-21;22nt03680 ?
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