Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler notamment la décision du 23 mars 2022 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n°s 2106244, 2200907, 2201657 du 24 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 novembre 2022 et 16 mars 2023, Mme C... A..., représentée par Me Christian, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 octobre 2022 ;
2°) d'annuler cette décision du 23 mars 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute du jugement ne comporte pas les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, en méconnaissance des dispositions du second alinéa de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le préfet a commis des erreurs de droit et d'appréciation dans l'examen de son droit au séjour au regard de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de son enfant français, tel que prévu par l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce que qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 décembre 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante comorienne née le 1er février 1990, est entrée irrégulièrement en France au plus tard en 2016, selon ses dernières déclarations. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français le 14 juin 2021. Par une première décision du 2 novembre 2021, le préfet du Finistère a rejeté cette demande. L'exécution de cette décision ayant été suspendue par une ordonnance du 3 janvier 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes, le préfet a pris, le 2 février 2022, une deuxième décision de rejet de cette demande. L'exécution de cette décision a elle-même été suspendue par une ordonnance du 10 mars 2022 du juge des référés. Par une nouvelle décision du 23 mars 2022, le préfet du Finistère a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme C... A.... L'intéressée relève appel du jugement du 24 octobre 2022 du tribunal administratif de Rennes en tant seulement qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision, après avoir jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les requêtes enregistrées sous les n°s 2106244 et 2200907, respectivement dirigées contre les décisions précitées des 2 novembre 2021 et 2 février 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 741-8 du même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du même code et du premier alinéa de l'article R. 741-8, les signatures du président-rapporteur de la formation de jugement, du premier conseilleur assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau et du greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ".
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... A... a donné naissance, le 15 août 2017, à un enfant qui a été reconnu le lendemain par un ressortissant français déjà père de onze enfants. Il ressort des termes de la décision contestée refusant à Mme C... A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français que, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas d'absence de justification d'une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant du parent qui n'est pas le demandeur ou d'intervention d'une décision de justice relative à cette contribution, le préfet du Finistère, qui ne s'est pas fondé sur une absence de contribution de l'intéressée à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, a procédé à un examen du droit au séjour de cette dernière au regard du respect de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant. Contrairement à ce que soutient la requérante, d'une part, le préfet n'a pas ajouté des critères aux conditions de délivrance du titre de séjour sollicité en prenant en compte son niveau d'intégration et ses liens personnels en France. D'autre part, le préfet a pu légalement prendre en compte, au titre de l'appréciation de l'intérêt supérieur de l'enfant à rester sur le territoire national, la nature des liens entre ce dernier et son père et, par suite, l'absence de contribution effective du père à son entretien et à son éducation. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Finistère aurait entaché sa décision d'erreurs de droit au regard des dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Mme C... A..., qui serait entrée irrégulièrement en France en 2016, selon ses dernières déclarations, se prévaut de sa qualité de mère d'un enfant français, né en 2017 et de sa vie de couple avec un compatriote qui aurait entamé des démarches en vue d'obtenir la nationalité française et avec lequel elle a eu deux enfants nés le 25 juillet 2018. Toutefois, il n'est contesté ni que le père du premier enfant de la requérante n'entretient pas de lien particulier avec ce dernier, ni que le compagnon actuel de l'intéressée se trouve en situation irrégulière sur le territoire français. La circonstance que ses enfants sont scolarisés à l'école maternelle en France ne fait pas, par elle-même et à elle seule, obstacle à la reconstitution de la cellule familiale de Mme C... A... et à la poursuite de la scolarité des enfants hors du territoire français. Si l'intéressée a occupé un emploi de femme de chambre, d'abord sous contrat à durée déterminée puis sous contrat à durée indéterminée à compter de décembre 2022, cette activité, récente à la date de la décision contestée, ne suffit pas à justifier d'une particulière insertion socioprofessionnelle. Enfin, aucune des pièces du dossier ne tend à établir l'existence d'attaches fortes de la requérante en France. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressée, la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, eu égard à son objet et à ses effets, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, alors que la décision contestée n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de ses enfants nés en France, cette décision ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants de l'intéressée garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que les moyens tirés de ce que la décision contestée portant refus de titre de séjour aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que des dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
11. La requérante ne peut se prévaloir utilement des dispositions de l'article
L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision contestée qui lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et qui ne comporte pas d'obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... A... est rejetée.
Article 2 : présent arrêt sera notifié à Mme B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.
La rapporteure,
C. Brisson Le président,
D. Salvi
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT036042