Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 26 novembre 2021 du directeur du centre hospitalier de Fougères lui refusant le bénéfice du montant annuel des primes et indemnités attachées aux fonctions exercées dans son corps avant d'être déchargée d'activité pour activités syndicales, spécifiquement l'indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés.
Par une ordonnance n° 2200483 du 14 juin 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 août 2022 et 3 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Boussoum, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 14 juin 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 26 novembre 2021 du directeur du centre hospitalier de Fougères lui refusant le bénéfice des indemnités forfaitaires de dimanches et jours fériés, pour travail de nuit, pour travaux dangereux, incommodes, insalubres ou salissants de 2ème catégorie ;
3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Fougères de lui verser le rappel de son indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés avec un effet au 1er octobre 2017 ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Fougères la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser au syndicat CFDT SANTE - SOCIAUX 35.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a jugé sa demande irrecevable, dès lors qu'elle a régularisé cette demande en rattachant la requête initialement présentée via le compte télérecours d'un tiers à son propre compte télérecours ;
- la décision contestée méconnaît l'article 23 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et des articles 2 et 7 notamment du décret n° 2017-1419 du 28 septembre 2017.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 décembre 2022, le centre hospitalier de Fougères, représenté par Me Lacroix conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de
1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n°92-7 du 2 janvier 1992 ;
- le décret n° 2017-1419 du 28 septembre 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Me Lejars-Riccardi, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... exerce ses fonctions d'aide-soignante au sein du centre hospitalier de Fougères depuis 1998. Elle a été titularisée en cette qualité le 1er décembre 2003. A compter du 1er octobre 2008, elle a été affectée dans le service de pneumologie de l'établissement public. Elle a bénéficié à compter du mois de juillet 2012, d'une décharge d'activité de 70% afin d'exercer des fonctions syndicales. A compter de septembre 2014, elle a bénéficié dans ce même cadre d'une décharge d'activité de 100%. Elle a sollicité le 7 avril 2021, le bénéfice des indemnités forfaitaires de dimanches et jours fériés. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet le 21 avril 2021. Par une décision du 26 novembre 2021, le directeur du centre hospitalier de Fougères a rejeté le recours gracieux formé par l'intéressée contre cette décision. Par une ordonnance du 14 juin 2022, dont Mme B... relève appel, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2021.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 414-2 du code de justice administrative : " Les personnes physiques et morales de droit privé non représentées par un avocat, autres que celles chargées de la gestion permanente d'un service public, peuvent adresser leur requête à la juridiction par voie électronique au moyen d'un téléservice accessible par le réseau internet. / Ces personnes ne peuvent régulièrement saisir la juridiction par voie électronique que par l'usage de ce téléservice ". Aux termes de son article R. 414-3 : " Les caractéristiques techniques de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 et du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 garantissent la fiabilité de l'identification des parties ou de leur mandataire, l'intégrité des documents adressés ainsi que la sécurité et la confidentialité des échanges entre les parties et la juridiction. Elles permettent également d'établir de manière certaine la date et l'heure de la mise à disposition d'un document ainsi que celles de sa première consultation par son destinataire. Un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, définit ces caractéristiques, les exigences techniques qui doivent être respectées par les utilisateurs et leurs modalités d'inscription ". Aux termes de son article R. 414-4 : " L'identification de l'auteur de la requête, selon les modalités prévues par l'arrêté mentionné à l'article R. 414-3, vaut signature pour l'application des dispositions du présent code ".
3. Aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a transmis sa requête, sur laquelle elle avait apposé sa signature, par l'intermédiaire du compte télérecours d'un syndicat professionnel. Le tribunal lui a, dès lors, demandé, par un courrier du 21 février 2022, transmis avec avis de réception, de régulariser, dans le délai de quinze jours suivant la réception de ce courrier, sa requête enregistrée sous le n° 2200483, soit en lui en transmettant un exemplaire signé, soit en s'inscrivant à télérecours ou à télérecours citoyens. Ce courrier précisait également que la requérante avait la possibilité d'ajouter le dossier n° 2200483 à son compte télérecours. Or, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a créé, le 25 février 2022, son compte télérecours citoyens et a rattaché, le même jour, le dossier n° 2200483 à ce compte. Mme B... ayant régularisé sa requête dans le délai imparti par le tribunal, elle est fondée à soutenir que le tribunal a commis une irrégularité en rejetant cette requête par ordonnance comme manifestement irrecevable.
5. Il y a lieu, dès lors, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur la demande d'annulation :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
4. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale. La demande de Mme B... devant le tribunal doit, dès lors, être regardée comme dirigée tant contre la décision contestée du 26 novembre 2021 rejetant son recours gracieux que contre la décision du 21 avril 2021 lui refusant le bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés.
En ce qui concerne la légalité des décisions des 21 avril et 26 novembre 2021 :
6. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 2 janvier 1992 visé ci-dessus : " Les fonctionnaires et agents des établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires susvisés perçoivent, lorsqu'ils exercent leurs fonctions un dimanche ou un jour férié, une indemnité forfaitaire sur la base de huit heures de travail effectif, dont le montant est fixé par arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre chargé de la santé. ".
7. D'autre part, aux termes de l'article 23 bis alors en vigueur de la loi du 13 juillet 1983 : " I.- Sous réserve des nécessités du service, le fonctionnaire en position d'activité ou de détachement qui, pour l'exercice d'une activité syndicale, bénéficie d'une décharge d'activité de services ou est mis à la disposition d'une organisation syndicale, est réputé conserver sa position statutaire. (...) VI.- Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles le fonctionnaire soumis aux II et III conserve le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et dans lesquelles le fonctionnaire soumis au même II bénéficie d'un entretien sans appréciation de sa valeur professionnelle. ". Les dispositions des II, III et IV de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 prévoient les garanties applicables aux agents qui, pour l'exercice d'une activité syndicale, sont mis à disposition d'une organisation syndicale ou bénéficient d'une décharge d'activité de services et qui consacrent une quotité de leur temps de travail au moins égale à 70 % d'un service à temps plein à l'activité syndicale. L'article 7 du décret du 28 septembre 2017 prévoit que : " L'agent bénéficiant d'une décharge totale ou d'une mise à disposition conserve le montant annuel des primes et indemnités attachées aux fonctions exercées dans son corps ou cadre d'emplois avant d'en être déchargé. (...). / Sont exclues du champ d'application du présent article les primes et indemnités :
(...) / 2° Liées au dépassement effectif du cycle de travail qui ne sont pas versées à l'ensemble des agents du corps ou cadre d'emplois ; / 3° Liées à des horaires de travail atypiques lorsqu'elles ne sont pas versées à la majorité des agents de la même spécialité ou, à défaut, du même corps ou cadre d'emplois (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... exerçait, avant d'être déchargée à 70% puis à 100% de son activité de services, des fonctions d'aide-soignante au sein du centre hospitalier et qu'elle percevait antérieurement à cette décharge l'indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés prévue par le décret du 2 janvier 1992 visé ci-dessus et qui est liée à des horaires de travail atypiques au sens du 3° de l'article 7 du décret du
28 septembre 2017.
9. Elle soutient qu'une majorité des aides-soignants du centre hospitalier de Fougères perçoit cette indemnité. En défense, le centre hospitalier ne conteste pas sérieusement cette allégation et ne produit aucune pièce de nature à la démentir, malgré la demande faite par la cour, le 30 mai 2023, tendant ce qu'il produise tout élément de nature à établir notamment, qu'une majorité de ces agents percevait ou non cette indemnité en 2021. Cette indemnité doit être regardée, dès lors, comme perçue en 2021 par une majorité des aides-soignants de l'établissement public. Par suite, les décisions des 21 avril et 26 novembre 2021 refusant à Mme B... le bénéfice de cette indemnité méconnaissent les dispositions de l'article 7 du décret du 28 septembre 2017 citées au point 7.
10. Il résulte de ce qui précède que les décisions des 21 avril et 26 novembre 2021 doivent être annulées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés soit versée à Mme B... avec un effet au 1er octobre 2017, date d'entrée en vigueur du décret du 28 septembre 2017. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Fougères de procéder à ce versement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
13. Ces dispositions font également obstacle à ce qu'une somme soit versée au syndicat CFDT SANTE - SOCIAUX 35 à ce même titre, dès lors qu'il n'a pas la qualité de partie à la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes et les décisions des 21 avril et 26 novembre 2021 refusant à Mme B... le bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés à compter du 1er octobre 2017 sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier de Fougères de verser l'indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés à Mme B... avec un effet au 1er octobre 2017 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par le centre hospitalier de Fougères sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Fougères.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.
Le rapporteur,
X. Catroux
Le président,
D. Salvi
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22NT026422