Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités maltaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ensuite, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 700 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour ledit conseil de renoncer à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2208854 du 2 août 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 août 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler cet arrêté du 20 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre une attestation de demandeur d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et celles de l'article 13 du règlement général de protection des données ont été méconnues
- les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit car il indique à tort que sa demande d'asile serait en cours d'examen alors que la réponse des autorités maltaises du 17 mai se fonde sur les rejets de sa demande d'asile ;
- l'arrêté de transfert est entaché d'un défaut d'examen révélant une " erreur manifeste d'appréciation " ; tous les rapports internationaux estiment que Malte ne traite pas correctement les demandeurs d'asile et que les conditions de détention sont inhumaines ; le droit au recours effectif de l'article 47 du règlement Dublin est atteint ;
- l'arrêté de transfert méconnait, " par ricochet ", l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales et le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 2 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et informe la cour que la date limite d'exécution du transfert de l'intéressé, qui a été déclaré en fuite, a été reportée au 2 février 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les observations de Me Neraudau, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant soudanais, né le 1er janvier 1991 à Abda Ragil (Soudan) est entré irrégulièrement en France le 20 avril 2022. Sa demande d'asile a été enregistrée le 16 mai 2022 par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait précédemment sollicité l'asile auprès des autorités maltaises le 5 septembre 2019. Saisies le 17 mai 2022 sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les autorités maltaises ont le jour même accepté de reprendre en charge l'intéressé. Par un arrêté du 20 juin 2022, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. A... aux autorités maltaises responsables de l'examen de sa demande d'asile M. A... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 2 août 2022 du magistrat désigné qui a rejeté sa demande. Le préfet informe la cour que la date limite du transfert de l'intéressé qui a été considéré en fuite a été reportée au 2 février 2024.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, si M. A... fait valoir que l'accord des autorités maltaises est fondé sur l'article 18-1 b) du règlement Dublin III et non sur les dispositions de l'article 18-1 d) et conteste l'appréciation portée sur ce point par le premier juge, ce moyen, relatif au bien-fondé du jugement attaqué, ne peut être utilement invoqué pour en contester la régularité. D'autre part, il ne ressort pas du jugement attaqué que ce dernier serait entaché d'une omission à statuer sur certaines conclusions ou à examiner certains des moyens développés. Par suite, le jugement qui est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune omission à statuer est régulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ".
4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
5. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 16 mai 2022, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, et qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents ont été remis au requérant en langue arabe qu'il a déclaré comprendre, avec l'assistance d'un interprète de la société ISM Interprétariat assermenté en arabe soudanais, ainsi qu'il ressort du compte-rendu de l'entretien individuel sur lequel il a apposé sa signature sans formuler d'observation. Si M. A... soutient que ces brochures étaient rédigées en arabe littéraire et non en arabe soudanais, il ne ressort pas des éléments du dossier que cette circonstance aurait conduit à ce qu'il ne soit pas en mesure de comprendre les informations qui lui ont été délivrées dans les conditions rappelées ci-dessus ni de communiquer. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration l'aurait privé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
6. En deuxième lieu, l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données dispose que : " 1. Lorsque des données à caractère personnel relatives à une personne concernée sont collectées auprès de cette personne, le responsable du traitement lui fournit, au moment où les données en question sont obtenues, toutes les informations suivantes : / a) l'identité et les coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, du représentant du responsable du traitement ; / b) le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données ; / c) les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel, ainsi que la base juridique du traitement ; / d) lorsque le traitement est fondé sur l'article 6, paragraphe 1, point f), les intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers ; / e) les destinataires ou les catégories de destinataires des données à caractère personnel, s'ils existent ; et / f) le cas échéant, le fait que le responsable du traitement a l'intention d'effectuer un transfert de données à caractère personnel vers un pays tiers ou à une organisation internationale, et l'existence ou l'absence d'une décision d'adéquation rendue par la Commission ou, dans le cas des transferts visés à l'article 46 ou 47, ou à l'article 49, paragraphe 1, deuxième alinéa, la référence aux garanties appropriées ou adaptées et les moyens d'en obtenir une copie ou l'endroit où elles ont été mises à disposition ; / 2. En plus des informations visées au paragraphe 1, le responsable du traitement fournit à la personne concernée, au moment où les données à caractère personnel sont obtenues, les informations complémentaires suivantes qui sont nécessaires pour garantir un traitement équitable et transparent : / a) la durée de conservation des données à caractère personnel ou, lorsque ce n'est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée ; b) l'existence du droit de demander au responsable du traitement l'accès aux données à caractère personnel, la rectification ou l'effacement de celles-ci, ou une limitation du traitement relatif à la personne concernée, ou du droit de s'opposer au traitement et du droit à la portabilité des données ; / c) lorsque le traitement est fondé sur l'article 6, paragraphe 1, point a), ou sur l'article 9 point a), l'existence du droit de retirer son consentement à tout moment, sans porter atteinte à la licéité du traitement fondé sur le consentement effectué avant le retrait ; / d) le droit d'introduire une réclamation auprès d'une autorité de contrôle ; (...) 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 ne s'appliquent pas lorsque, et dans la mesure où, la personne concernée dispose déjà de ces informations ".
7. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Il en va de même de l'invocation de la méconnaissance des dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Dans ces conditions, la circonstance que M. A... n'aurait pas reçu l'information prévue par ces dispositions avant le relevé de ses empreintes est sans incidence sur la légalité de la décision portant transfert auprès des autorités maltaises. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
9. Les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, et en particulier les agents recevant les étrangers au sein du guichet unique des demandeurs d'asile, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été reçu en entretien par un agent de la préfecture de la Loire-Atlantique le 16 mai 2022. Le procès-verbal d'entretien mentionne que l'entretien a été mené par un agent habilité de la préfecture de la Loire-Atlantique et ce procès-verbal est signé des initiales de l'agent en question, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. En outre, il ressort des termes même de cet entretien que l'intéressé a été interrogé de manière approfondie sur son parcours migratoire et sur sa situation de famille durant son entretien individuel en indiquant également ne pas avoir de problèmes de santé et en mentionnant la présence d'un cousin résidant à Nantes. La circonstance, à la supposer établie, qu'il n'aurait pas été interrogé sur les raisons de son départ du Darfour et de sa fuite de Malte ne suffit pas à caractériser la méconnaissance des exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, citées au point précédent dès lors qu'il ne démontre pas en quoi il aurait été empêché d'en faire état de façon spontanée. Aucun élément du dossier ne permet enfin d'affirmer que les conditions de l'entretien, tenant notamment aux garanties de confidentialité, n'auraient pas été respectées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet de Maine-et-Loire méconnaîtrait les dispositions sus rappelées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses ce jugement qui est entaché d'une omission à statuer raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
12. M. A... soutient qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe des défaillances affectant le système d'asile maltais au sens de l'article 3-2, 2ème alinéa du règlement Dublin III. Il expose avoir été retenu, à son arrivée à Malte, pendant trois mois dans un centre de détention à Marsa puis pendant un an dans le centre semi-ouvert de Hal Far dans des conditions déplorables et insalubres et sans avoir eu aucune information sur sa situation, avant de se retrouver à la rue totalement démuni. Il ajoute également qu'il risque de subir de graves persécutions en cas de renvoi par ricochet au Soudan.
13. D'une part, si les rapports d'ONG et des institutions européennes versés au débats, établissent, de manière générale, que les conditions d'accueil et de vie des demandeurs d'asile dans les " centres de détention " sont médiocres en raison notamment de la surpopulation et des conditions sanitaires et d'hygiène insuffisantes, ces documents ne permettent pas de tenir pour établi que les autorités maltaises, lesquelles ont donné leur accord explicite à la reprise en charge de l'intéressé, seraient dans l'incapacité structurelle d'examiner et de traiter la demande d'asile présentée par M. A... dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que Malte est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, il convient de rappeler que la décision de transfert de l'intéressé aux autorités maltaises ne constitue pas une mesure d'éloignement vers le Soudan. Il ne ressort sur ce point d'aucun élément du dossier que les autorités maltaises auraient opposé un refus à sa demande d'asile et que le requérant ferait l'objet d'une mesure d'éloignement en direction de son pays d'origine. Enfin, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le transfert du requérant pour le traitement de sa demande d'asile comporterait, par lui-même, un risque réel pour l'intéressé en violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
15. Si M. A... revient sur son parcours d'exil éprouvant lors de la traversée de la Lybie notamment du fait de mauvais traitements - incarcération arbitraire et violence - qu'il aurait subis, ces circonstances ne suffisent pas établir qu'il serait dans une situation de vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté de transfert contesté du 22 juillet 2021 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2022 décidant son transfert aux autorités maltaises. Par suite, sa requête ainsi que ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22NT03132 2