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18/07/2023 | FRANCE | N°22NT01771

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 18 juillet 2023, 22NT01771


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'ordonner avant dire droit une expertise médicale aux fins de déterminer son taux d'incapacité permanente partielle (IPP), d'annuler la décision du 24 mai 2019 par laquelle la Poste a fixé sa date de consolidation au 16 avril 2018 avec un taux d'IPP de 3 % avec un état antérieur de 2% ainsi que la décision intervenue le 19 septembre 2019 rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement n° 1905438 du 26 avril 2022, le tribunal

administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'ordonner avant dire droit une expertise médicale aux fins de déterminer son taux d'incapacité permanente partielle (IPP), d'annuler la décision du 24 mai 2019 par laquelle la Poste a fixé sa date de consolidation au 16 avril 2018 avec un taux d'IPP de 3 % avec un état antérieur de 2% ainsi que la décision intervenue le 19 septembre 2019 rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement n° 1905438 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2022 et un mémoire enregistré le 6 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Potin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2022 ;

2°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

3°) d'annuler la décision du 24 mai 2019 ainsi que celle du 19 septembre 2019 ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la Poste de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la Poste le versement des sommes de 1 500 et 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative au titre des frais engagés en première instance, puis en appel et de mettre les dépens à la charge de la Poste.

Elle soutient que :

- la procédure suivie devant la commission de réforme est irrégulière ;

- lors de sa séance du 24 mai 2019, cette commission ne comprenait aucun médecin spécialisé en rhumatologie ;

- elle n'a pas été informée que la personne de son choix qui l'accompagnait pouvait être entendue par les membres de la commission en méconnaissance des dispositions de l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- elle a de ce fait été privée d'une garantie essentielle ;

- son dossier administratif ne comportait pas " l'avis complété " de l'expert alors que la décision contestée est fondée sur cet avis qui mentionne pour la première fois un état antérieur de 2 % ; elle a ainsi été privée de la possibilité d'émettre des observations circonstanciées sur ce nouvel avis ;

- la décision du 24 mai 2019 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle n'a pas retrouvé une mobilité complète de son épaule droite, qui reste par ailleurs douloureuse ;

- les contradictions de l'expert qui l'a examiné démontrent que le taux de son IPP est insuffisamment évalué ;

- le taux de 2 % retenu au titre de l'état antérieur ne ressort pas des conclusions de l'expert et se rapporte à son épaule gauche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, La Poste, représentée par Me Ardisson (SELARL ARES) conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- l'arrêté du 9 janvier 1992 (NOR : PTTS9200008A) portant création d'un comité médical et d'une commission de réforme auprès de La Poste et de France Télécom ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cosnard, substituant Me Ardisson, représentant la Poste.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 août 2016, Mme A..., qui exerçait la fonction de factrice, a été victime d'un accident de la circulation lui occasionnant un traumatisme au niveau de l'épaule droite. Cet accident a été reconnu imputable au service. Après avis favorable de la commission de réforme réunie le 24 mai 2019, par une décision du même jour, la Poste a fixé sa date de consolidation au 16 avril 2018, et a retenu un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 3 %. Mme A... a contesté cette décision ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux devant le tribunal administratif de Rennes. Elle relève appel du jugement du 26 avril 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa requête.

Sur la régularité de la procédure suivie devant la commission de réforme :

2. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, applicable pour le fonctionnement des commissions de réforme de la Poste en vertu de l'arrêté susvisé du 9 janvier 1992 alors en vigueur : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération./ Les avis sont émis à la majorité des membres présents./ Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote./ La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.

4. Lors de la réunion de la commission de réforme qui s'est prononcée, le 24 mai 2009, sur le taux d'incapacité permanente partielle dont Mme A... reste atteinte à la suite de son accident du 24 août 2016, seul un médecin généraliste était présent. Il ressort toutefois des pièces du dossier que celui-ci a disposé du rapport rédigé par l'expert médical spécialisé en orthopédie et en traumatologie qui a examiné l'intéressée. Il n'est pas établi que la présence d'un médecin spécialiste aurait été nécessaire pour éclairer l'avis du médecin généralise siégeant lors de cette réunion. Par suite, le moyen tiré de ce que la composition irrégulière de la commission de réforme aurait privée Mme A... d'une garantie ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 : " (...) La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme (...). Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix (...) ".

6. La convocation adressée le 24 avril 2019 à Mme A... lui indiquait qu'elle pouvait consulter la partie administrative de son dossier, accéder à la partie médicale et notamment aux rapports d'expertise et présenter par écrit ses observations. Il lui était également précisé qu'elle pouvait demander, par courrier, à être entendue par la commission, en se faisant ou non assister par une personne de son choix, mais que la commission restait libre d'accéder ou non à sa demande. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission ait jugé utile de faire comparaître Mme A.... Par suite, et alors même que la convocation ne précisait pas que la personne de son choix avait la possibilité de s'exprimer devant cette commission, l'intéressée n'a été privée d'aucune garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. ". Par ailleurs, le dossier médical auquel le fonctionnaire peut avoir accès doit contenir le rapport du médecin agréé qui l'a examiné ainsi que toute pièce médicale fondant sa saisine.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité le 24 avril 2019 auprès du secrétariat de la commission de réforme la communication de son dossier médical. La réponse qui lui a été adressée le 6 mai 2019 indique que les pièces médicales lui sont transmises sous enveloppe close confidentielle. Ce courrier ne comporte aucun inventaire des pièces figurant dans cette enveloppe de sorte qu'il est impossible d'en vérifier le contenu. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, dans son rapport initial, l'expert qui a examiné Mme A... avait fixé son taux d'IPP à 3% pour son épaule droite, sans autre précision, tout en indiquant qu'elle présentait " un état antérieur sous la forme d'une arthrose préexistante ". Dans son complément d'expertise, communiqué par La Poste devant le tribunal administratif, ce spécialiste a proposé de retenir un taux d'IPP de 3% avec un état antérieur de 2%. Si la décision contestée suit ce dernier avis, le procès-verbal de la commission de réforme, qui vise l'ensemble des pièces médicales consultées, ne retient aucun état antérieur. Son avis favorable se limite à valider un taux d'IPP de 3%. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pu contester la prise en compte de son état antérieur devant la commission de réforme, et qu'elle aurait été privée d'une garantie à raison de ce motif.

Sur le taux d'IPP retenu :

9. La radiographie de l'épaule droite de Mme A... réalisée le 29 août 2016 a révélé l'existence d'un " petit bec acromiale avec discrète diminution de hauteur de l'espace sous-acromial " ainsi qu'une " minime ostéophytose inférieure gléoidienne ", sans lésion osseuse post-traumatique. Il n'existait pas davantage de signe radiologique en faveur d'une tendinopathie calcifiante. Lors de sa consultation le 12 juin 2018, l'expert a constaté que la mobilité de l'épaule droite de l'intéressée était normale, même si des douleurs apparaissaient lors de l'exploration sous-acromiale et dans les mouvements contre résistance ainsi que l'absence de lésion osseuse. Les mêmes constats médicaux avaient été faits lors d'une expertise médicale réalisée le 16 mars 2017 dans le cadre d'une demande de travail à mi-temps thérapeutique. Sur la base de ces éléments, après avoir évoqué la possibilité de retenir un taux de 4%, l'expert a proposé de fixer l'IPP afférant à cette infirmité à 3%. Si dans un premier temps, il avait évoqué, sans l'évaluer, un état antérieur sous la forme d'une arthrose préexistante, le complément d'expertise produit au dossier, signé par ce même médecin, retient un taux d'IPP de 3% avec un état antérieur de 2 %. S'il est constant que la requérante a été victime d'un autre accident de service le 14 avril 2000, lui occasionnant un traumatisme de l'épaule gauche, l'expert ne s'est pas mépris sur l'épaule concernée par l'accident du 24 août 2016, quand bien même il a indiqué que les radiographies de l'épaule gauche datant du 23 septembre 2015 confirmaient la présence d'une " arthrose omo-humérale évoluée ". En effet, alors que sur la base des déclarations de Mme A..., le médecin du travail a mentionné dans un certificat du 9 octobre 2018 l'apparition d'une " excroissance arthrosique au niveau de la clavicule droite, qui n'était pas notée auparavant ", l'IRM de l'épaule droite de Mme A... réalisée au mois de novembre 2017 a permis de confirmer une " arthropathie dégénérative acromio-claviculaire ". En conclusion de cet examen, le diagnostic d'une " bursite sous-acromio-deltoïdienne associée à une tendinopathie à prédominance superficielle des tendons du supra-épineux et de l'infra-épineux et intra-tendineuse du sous-scapulaire " a été posé. L'expert, qui a pris en compte les douleurs ressenties par l'intéressée, ses nombreuses séances de kinésithérapie et les infiltrations auxquelles elle a eu recours, a rédigé son rapport au vu de l'ensemble de ces éléments médicaux. Par suite, et alors même que Mme A..., qui est née en 1960, est droitière et qu'un taux de 6 % a été retenu pour sa première infirmité concernant son épaule gauche, en l'absence d'éléments contraires suffisamment probants, la requérante n'établit pas que le taux de 3 % retenu dans la décision contestée serait erroné ou insuffisant. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de La Poste présentée sur le même fondement

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juillet 2023.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01771


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01771
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : POTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-18;22nt01771 ?
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