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07/07/2023 | FRANCE | N°21NT02167

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 07 juillet 2023, 21NT02167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 juillet 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de libération des liens d'allégeance à l'égard de la France.

Par un jugement n°1807961 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 26 juillet 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2021, le ministre de l'intérieur demande à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 juillet 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de libération des liens d'allégeance à l'égard de la France.

Par un jugement n°1807961 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 26 juillet 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- la décision du 26 juillet 2018 est fondée sur la résidence en France de M. A... et l'absence de projet sérieux d'expatriation ;

- le moyen soulevé en première instance et tiré de l'insuffisance de motivation de sa décision est irrecevable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Bouzid, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer sa demande tendant à la libération de ses liens d'allégeance envers la France, dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 26 juillet 2018, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de M. A... tendant à être libéré de ses liens d'allégeance à l'égard de la France. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., cette décision.

2. Aux termes de l'article 23-4 du code civil : " Perd la nationalité française le Français, même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français. / Cette autorisation est accordée par décret ". Aux termes de l'article 55 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, d'autoriser le demandeur à perdre la qualité de Français. / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder l'autorisation de perdre la qualité de Français, il prononce le rejet de la demande par décision motivée, notifiée à l'intéressé, conformément à l'article 27 de la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité ".

3. Pour refuser d'autoriser M. A... à perdre la nationalité française, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé résidait en France et n'envisageait pas sérieusement de quitter le pays.

4. M. A..., né à Strasbourg en 1957, possède la nationalité française et la nationalité luxembourgeoise. S'il a produit devant les premiers juges une attestation de résidence en date du 7 décembre 2018 par laquelle le bourgmestre de la commune luxembourgeoise de Biwer indique, sur la base des déclarations de l'intéressé, que celui-ci réside désormais dans cette commune, il ressort des pièces produites par le ministre de l'intérieur, notamment de l'attestation sur l'honneur rédigée par M. A... le 7 novembre 2019 à destination de la caisse d'allocations familiales, qu'il était alors propriétaire d'un logement en France qu'il indique, dans cette attestation, occuper à titre principal et d'une résidence secondaire au Luxembourg. M. A... a joint à son attestation des factures de consommation d'eau et d'électricité afférentes à son logement en France. Il en résulte que M. A... résidait effectivement en France à la date de la décision contestée et a d'ailleurs continué de percevoir les prestations sociales dont il bénéficiait. Il s'ensuit que M. A... ne pouvait, alors même qu'il utilisait une ligne de téléphone luxembourgeoise et avait, dans sa demande de perte de la qualité de Français, exprimé divers griefs à l'encontre de la France, être regardé comme s'étant effectivement engagé dans un projet sérieux d'installation au Luxembourg. Dans ces conditions, en refusant, pour le motif énoncé au point 3, d'accorder à M. A... l'autorisation de perdre la nationalité française, le ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Il suit de là que c'est à tort que, pour annuler la décision du 26 juillet 2018 du ministre de l'intérieur, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce qu'elle était entachée d'une telle erreur.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

6. En premier lieu, la décision du 26 juillet 2018, qui se réfère à l'article 55 du décret du 30 décembre 1993, expose que M. A... réside en France et que son dossier ne fait pas apparaître un projet sérieux de quitter le pays. Cette décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que cette décision est insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, en se fondant sur le motif énoncé au point 3, le ministre de l'intérieur, qui n'a pas contrairement à ce qui est soutenu, " conditionné " l'autorisation sollicitée, à l'existence d'une résidence à l'étranger non prévue par les textes, n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 26 juillet 2018 et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. A.... Il y a lieu en conséquence de rejeter les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, présentées par M. A... ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 juin 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

Aline LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT02167002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02167
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SELAS BOUZID AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-07;21nt02167 ?
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