Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le président de l'Université de Nantes l'a suspendu à titre conservatoire de ses fonctions.
Par un jugement n° 1805497 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2022, M. B..., représenté par Me Huriet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ne résulte d'aucune pièce qu'à la date de cette décision il aurait entretenu un climat de discorde alors qu'il s'est borné à s'interposer entre " une foule en colère " et des agents de l'Université ;
- sa suspension pour une durée de 4 mois est manifestement disproportionnée ; elle l'a empêché de participer à la préparation de l'année universitaire, d'apporter ses conseils aux doctorants qu'il encadrait et l'a privé d'échanges avec ses collègues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2022, Nantes Université, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel expérimental, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 ;
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 18 mai 2018, dans le cadre de la contestation de la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (dite " ORE "), des manifestants ont bloqué l'accès aux salles des examens universitaires délocalisés sur le site de la Beaujoire et dans la halle du Service universitaire des activités physiques et sportives (SUAPS). Ces actions ont rendu impossible le déroulement des épreuves et plusieurs agents de l'Université chargés de l'organisation administrative des examens ont été pris dans un mouvement de foule étudiant comportant des éléments d'agressivité, jusqu'à l'arrivée des forces de l'ordre. Par un arrêté du 23 mai 2018, le président de l'Université de Nantes a prononcé la suspension à titre conservatoire des fonctions de M. B..., maître de conférences en (ANO)...(/ANO). L'intéressé relève appel du jugement du 8 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée :
2. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement ". La suspension d'un enseignant-chercheur, sur la base de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.
3. La décision contestée précise que des personnels de l'Université chargés de l'organisation administrative des épreuves ont été pris à partie le 18 mai 2018 par un groupe de plusieurs dizaines de personnes dont faisait partie M. B.... Si l'intéressé soutient qu'il n'a pas participé à une action d'intimidation " violente ", il ne conteste, ni avoir été présent sur les lieux à ce moment précis, ni avoir demandé à plusieurs reprises aux agents encerclés de répondre aux invectives des étudiants. Il n'est pas davantage contesté que l'Université a été contrainte de mettre en place une cellule psychologique à l'attention des personnels pris à partie et il ressort des pièces produites que plusieurs plaintes ont été déposées par ces derniers à l'encontre de M. B... à raison des faits intervenus aux abords de la halle du SUAPS le 18 mai 2018 à partir de 10 heures. En outre, si par un communiqué de presse du jour même le président de l'Université a indiqué que les étudiants avaient procédé à des blocages, soutenus " par quelques enseignants-chercheurs ", il n'a à aucun moment désigné les professeurs en cause. En revanche dans son courriel du 22 mai 2018, M. B... a informé l'ensemble de ses collègues qu'il était personnellement visé, tout en ajoutant que, dans la mesure où il n'était pas mis à pied à titre conservatoire, ils pourraient se forger leur propre conviction. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le président de l'Université a pu légitimement estimer, à la date de la décision contestée, que les faits reprochés à M. B... présentaient un caractère de vraisemblance et de gravité suffisant pour justifier sa suspension à titre conservatoire.
4. Le requérant soutient par ailleurs que la mesure de suspension prononcée à son encontre l'a empêché, en raison de sa durée, de participer à la préparation de l'année universitaire, d'apporter ses conseils aux doctorants qu'il encadrait et l'a privé d'échanges avec ses collègues. Il ne conteste toutefois pas le fait qu'il n'avait pas la qualité de directeur de thèses mais seulement de co-encadrant des étudiants, qui, du seul fait de la mesure de suspension, n'ont pas été privés de tout accompagnement dans leurs recherches. De plus, si l'arrêté indiquait que cet enseignant-chercheur était suspendu " jusqu'à l'issue de la procédure disciplinaire contradictoire et au plus tard le 1er octobre 2018 ", il ressort des pièces du dossier que dès le 20 juillet 2018, la section disciplinaire du conseil académique de l'Université de Nantes s'est réunie et qu'en vertu des dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation sa suspension aurait pu être prononcée pour une durée allant jusqu'à un an. Dans ces conditions, la suspension dont M. B... a fait l'objet, qui avait seulement pour objet de restaurer et préserver, dans l'intérêt de l'ensemble des agents de l'Université et des étudiants, la sérénité nécessaire au déroulement des examens, et ne constitue en aucun cas une sanction disciplinaire, serait entachée d'illégalité à raison notamment de sa durée.
5. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au Président de l'Université de Nantes.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2023.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. BONNIEU
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01024