La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2023 | FRANCE | N°23NT00394

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 03 juillet 2023, 23NT00394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2215867 du 4 janvier 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 février et 16 juin 2023, M. A..., représenté

par Me Neraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2215867 du 4 janvier 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 février et 16 juin 2023, M. A..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui comporte des mentions contradictoires et inexactes sur le plan médical, est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas évalué la réalité de sa situation personnelle et de son parcours migratoire ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;

- cette décision méconnaît les stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 dans la mesure où le suivi médical de ses deux pathologies graves ne peut être interrompu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Un mémoire a été produit par le préfet de Maine-et-Loire le 26 juin 2023.

M. A... a produit des pièces, enregistrées le 27 juin 203, non communiquées.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

-le rapport de Mme Gélard,

-et les observations de Me Neraudau.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 4 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. M. A... a déclaré avoir quitté son pays d'origine le 3 juillet 2021. Après un parcours migratoire en Afrique saharienne, ses empreintes ont été relevées en Italie le 5 août 2022 sous le n° IT 2 AG06JV0. Lors de son entretien individuel qui s'est tenu le 24 août 2022, M. A..., qui a indiqué être entré en France le 8 août 2022, a précisé avoir des problèmes de santé sans toutefois avoir pu consulter un médecin. Les autorités italiennes, saisies par la France le 22 août 2022, ont implicitement accepté sa prise en charge au titre de l'asile. L'intéressé produit plusieurs certificats médicaux attestant qu'il est suivi par le service des maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier universitaire d'Angers pour une infection au VIH et à la tuberculose. Le médecin qui prend en charge ce patient confirme que la mise en place de ses traitements médicamenteux est récente et que l'interruption de la trithérapie qui lui est dispensée depuis le mois de novembre 2022 pour lutter contre le VIH " peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ". Ce traitement quotidien implique la réalisation de bilans sanguins réguliers, ainsi que des consultations de suivi au centre hospitalier universitaire d'Angers, ainsi l'établissent les documents produits par le requérant. Par suite, au vu de l'ensemble de ces éléments, M. A... doit être regardé comme établissant qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités italiennes, le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, et en particulier celui se rapportant à la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution de l'arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois, de délivrer à M. A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Neraudau dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2215867 du tribunal administratif de Nantes du 4 janvier 2023 ainsi que l'arrêté du 16 novembre 2022 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert de M. A... auprès des autorités italiennes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à M. A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Neraudau la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2023.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT00394 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00394
Date de la décision : 03/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-03;23nt00394 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award