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30/06/2023 | FRANCE | N°23NT00241

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 juin 2023, 23NT00241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Rennes l'a suspendue de ses fonctions à compter du 5 septembre 2021 jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions prévues par le décret du 7 août 2021.

Par un jugement n° 2105774 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. >
Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2023, Mme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Rennes l'a suspendue de ses fonctions à compter du 5 septembre 2021 jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions prévues par le décret du 7 août 2021.

Par un jugement n° 2105774 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Benages, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2022 ;

2°) d'annuler cette décision du 15 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Rennes de lui verser l'intégralité de sa rémunération depuis sa suspension de fonctions ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* une erreur de droit a été commise puisque ses fonctions de formatrice ne l'amènent pas à être en contact avec les soignants ou les patients ;

* en méconnaissance du C de l'article 1er de la loi du 5 août 2021, la suspension n'est pas limitée dans le temps et en vertu de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, cette durée ne doit pas être supérieure à quatre mois ;

* une sanction déguisée a été prise à son encontre ;

* elle aurait dû, dans les 3 jours suivant sa suspension, être convoquée à un entretien afin d'examiner les modalités de régularisation de sa situation ; en l'absence de cet entretien, elle devait être réintégrée ;

* une erreur manifeste d'appréciation a été commise et l'égalité de traitement entre agents a été méconnue puisque des soignants ont été autorisés à travailler tout en étant positifs au covid-19.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2023, le centre hospitalier régional et universitaire de Rennes, représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- A titre principal, la requête est irrecevable dès lors qu'elle méconnaît l'article

R. 411-1 du code de justice administrative dans la mesure où la requête, qui se borne à se référer à ses moyens de première instance, ne comporte pas de moyens d'appel ;

- A titre subsidiaire, aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 - le code de justice administrative.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Lacroix, représentant le CHU de Rennes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., formatrice en soins infirmiers au centre hospitalier universitaire de Rennes a été suspendue de ses fonctions par une décision du 15 septembre 2021 prise par le directeur de cet établissement. Aux termes du jugement du 29 novembre 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du 2° du II du C de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 modifiée par la loi du 5 août 2021 : " Lorsqu'un agent public soumis à l'obligation prévue aux 1° et 2° du A du présent II ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s'il ne choisit pas d'utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés, ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de ses fonctions ou de son contrat de travail. Cette suspension, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent produit les justificatifs requis. / Lorsque la situation mentionnée au premier alinéa du présent 2 se prolonge au-delà d'une durée équivalente à trois jours travaillés, l'employeur convoque l'agent à un entretien afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d'affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation ". L'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dispose que : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : 1° les personnes exerçant leur activité dans a) les établissements de santé mentionnés à l'article L 6111-1 du code de la santé publique (...) / 4° Les étudiants ou élèves des établissements préparant à l'exercice des professions mentionnées aux 2° et 3° du présent I ainsi que les personnes travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels mentionnés au 2° ou que les personnes mentionnées au 3 ". Aux termes du II de l'article 13 de la même loi : " II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics / (...). Aux termes de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 : " (...) B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / (...) ".

3. En premier lieu, les dispositions de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 ayant entendu protéger les personnes accueillies par les établissements de santé qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19, l'obligation de vaccination concerne également les personnels employés par un centre hospitalier même s'ils ne sont pas en contact direct avec les malades dans la mesure où la plupart entretiennent nécessairement, eu égard à leur lieu de travail, des interactions avec des professionnels de santé en contact avec ces derniers et que la cohérence justifiait de soumettre à cette obligation tous les agents qui travaillent régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé. Il s'ensuit que le moyen soulevé par Mme A... et tiré de ce qu'elle ne serait pas concernée par l'obligation vaccinale prévue par les dispositions mentionnées ci-dessus doit être écarté.

4. En deuxième lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 1° du C du II de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans sa version issue de l'article 1er de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dès lors qu'étant cadre de santé exerçant dans un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, sa situation ne peut être régie que par les dispositions, de caractère spécial, du chapitre 2 de la loi du 5 août 2021, en particulier les dispositions citées au point 2, et non par celles qui, comme le texte de la disposition qu'elle cite, relèvent des dispositions générales de la loi.

5. En troisième lieu, la circonstance que Mme A... n'aurait pas, à l'expiration d'un délai de 3 jours suivant le prononcé de la suspension, été convoquée à un entretien avec son employeur afin d'échanger sur les possibilités de régulariser sa situation et de réexaminer ses possibilités de reprendre l'exercice de ses fonctions après avoir été suspendue en raison de sa non-vaccination, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige qui s'apprécie au jour où elle a été prise ; une telle circonstance ne pouvant, en tout état de cause, créer aucun droit à réintégration.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois (...) ".

7. Mme A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 30 de la loi du

13 juillet 1983, notamment le délai de quatre mois qu'elles prévoient, dès lors que la décision de suspension attaquée n'a pas été prise sur le fondement de ces dispositions mais sur celles prévues par le III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, qui ont créé un cas distinct de suspension des agents publics dont la durée n'est pas limitée à quatre mois.

8. Par ailleurs, lorsque l'autorité administrative suspend un agent public de ses fonctions ou de son contrat de travail en application des dispositions rappelées ci-dessus et interrompt, en conséquence, le versement de sa rémunération, elle ne prononce pas une sanction mais se borne à constater que l'agent ne remplit plus les conditions légales pour exercer son activité. Cette mesure, qui ne révèle aucune intention répressive, ne saurait, dès lors, être regardée comme une sanction déguisée.

9. Enfin, à supposer même que certains agents des services hospitaliers auraient été autorisés à exercer leurs fonctions sans être vaccinés, sans que d'ailleurs la requérante ne précise ni la nature des tâches effectuées par ceux-ci, ni le lieu d'exercice de leurs fonctions, ni que la période d'exercice ne correspondrait pas à la dérogation prévue par le second alinéa du point B du I de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, ou que les données de pharmaco-vigilance permettraient d'observer l'existence de certains effets indésirables, voire parfois de risques, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait contraire au principe d'égalité, ni qu'elle serait, de ce fait, entachée d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée par le CHU de Rennes, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHU de Rennes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par Mme A... ne peuvent dès lors être accueillies. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 200 euros qui sera versée au CHU de Rennes au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera au CHU de Rennes la somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier régional et universitaire de Rennes.

Délibéré après l'audience du 15 juin 23023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.

La rapporteure,

C. BRISSON

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00241
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIEES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-30;23nt00241 ?
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