Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Logonna-Daoulas à leur verser la somme de 130 486,95 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2018 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la délivrance par les services d'urbanisme de la commune de renseignements erronés concernant la constructibilité du terrain cadastré à la section BB sous les n°s 88 et 90 situé au lieu-dit " Rumenguy ".
Par un jugement n° 1805260 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 août 2021 et 14 avril 2023 (ce dernier non communiqué), M. A... B... et Mme C... B..., représentés par Me Saout, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 juin 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner la commune de Logonna-Daoulas à leur verser la somme de 130 486, 95 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2018, avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de renseignements d'urbanisme erronés concernant la constructibilité du terrain situé au lieu-dit " Rumenguy " ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Logonna-Daoulas le versement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;
- l'illégalité des certificats d'urbanisme positifs délivrés les 2 mai et 10 mai 2011 constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune à leur égard ; le secteur au sein duquel se situe le terrain cadastré n'est pas urbanisé, au sens du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, désormais repris à l'article L. 121-8 du même code ;
- les préjudices financiers et le préjudice moral, subis du fait des décisions illégales, peuvent être évalués à une somme totale de 130 486, 95 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, la commune de de Logonna-Daoulas, représentée par Me Lahalle, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. et Mme B... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frank,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Saout, représentant M. et Mme B..., et D..., représentant la commune de Logonna-Daoulas.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont acquis par acte authentique du 17 juin 2011 un terrain situé sur le territoire de la commune Logonna-Daoulas, au lieu-dit " Rumenguy ", cadastré à la section BB sous les n°s 88 et 90, parcelles d'une surface, respectivement, de 1376 m2 et 525 m2. Ces parcelles ont fait l'objet, les 2 et 10 mai 2011, soit préalablement à l'acquisition, de deux certificats d'urbanisme positifs délivrés par le maire de Logonna-Daoulas, lesquels indiquaient que les terrains étaient classés, en application du plan d'occupation des sols de la commune, en zone Uhb constructible, et pouvaient être utilisés pour la construction d'une maison d'habitation. A la suite d'une nouvelle demande formulée le 16 novembre 2017, le maire de Logonna-Daoulas a toutefois délivré le 13 janvier 2018 à M. et Mme B... un certificat d'urbanisme négatif, déclarant désormais que les parcelles ne pouvaient pas être utilisées pour la réalisation d'une opération visant notamment à créer deux lots à bâtir, au motif que le lieu-dit " Rumenguy " ne pouvait pas être qualifié d'agglomération ou de village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Logonna-Daoulas à leur verser la somme de 130 486, 95 euros en réparation des préjudices résultant pour eux des renseignements d'urbanisme erronés concernant leur terrain. Par un jugement du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes rejeté la demande. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le principe de la responsabilité :
2. L'illégalité d'une décision administrative est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration à l'égard de son destinataire s'il en est résulté pour lui un préjudice direct et certain.
3. Aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, issue de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, désormais repris à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment des plans et des photographies produits, que le lieu-dit " Rumenguy ", où sont localisés les terrains appartenant à M. et Mme B..., comportait, en mai 2011, une cinquantaine de constructions dispersées, réparties sur de larges parcelles, et constituait une zone d'habitat diffus séparée du centre-bourg de la commune de Logonna-Daoulas. Dans ces conditions, les parcelles de M. et Mme B... ne se situaient pas en continuité avec une agglomération ou un village existant. Par suite, c'est par une inexacte application des dispositions précitées du code de l'urbanisme que le maire de Logonna-Daoulas, a délivré, les 2 et 10 mai 2011, les certificats d'urbanisme positifs déclarant constructibles les terrains. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Logonna-Daoulas à l'égard de M. et Mme B.... Ces derniers peuvent, dès lors, prétendre à la réparation des conséquences dommageables de ces illégalités fautives, sous réserve de justifier d'un préjudice direct et certain.
En ce qui concerne la réparation des préjudices :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le prix d'acquisition du terrain de M. et Mme B... le 17 juin 2011 s'est élevé à 90 000 euros, et que la valeur vénale de ces parcelles inconstructibles peut être estimée à cette date à la somme de 1 500 euros. Par suite, M. et Mme B... sont fondés à demander que la commune soit condamnée à leur verser la somme de de 88 500 euros, en réparation du préjudice tiré du coût excessif d'acquisition de leur terrain.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les frais d'actes notariés exposés en 2011 pour l'achat des parcelles en litige se sont élevés à 6 850 euros, et que ceux que M. et Mme B... auraient exposés pour l'acquisition des mêmes parcelles non constructibles peuvent être évalués à la somme de 282, 60 euros. Par suite, M. et Mme B... sont fondés à demander que la commune soit condamnée à leur verser la somme de 6567, 40 euros, en réparation du préjudice tiré du coût excessif des frais d'actes notariés engagés pour l'acquisition de leur terrain.
7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le coût de l'emprunt bancaire souscrit par M. et Mme B... pour l'acquisition du terrain litigieux s'est élevé à la somme de 28 917, 46 euros. Par suite, M. et Mme B... sont fondés à demander que la commune soit condamnée à leur verser cette somme, en réparation du préjudice tiré de ces frais bancaires inutilement engagés.
8. En quatrième lieu, les fautes imputables à la commune sont directement à l'origine d'un préjudice moral subi par M. et Mme B..., du fait de l'acquisition d'un bien immobilier sur lequel ils n'ont pas pu réaliser leur projet de construction et de la nécessité d'engager plusieurs procédures pour se faire indemniser. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 1 500 euros.
9. Il résulte de ce qui précède que les préjudices subis par M. et Mme B... en raison des fautes commises par la commune de Logonna-Daoulas s'élèvent à la somme de 125 484, 86 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Logonna-Daoulas doit être condamnée à verser à M. et Mme B... la somme de 125 484, 86 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté en totalité leur demande.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
11. M. et Mme B... ont droit aux intérêts au taux légal de la somme de 125 484, 86 euros à compter du 17 juillet 2018, date de réception par la commune de de Logonna-Daoulas de leur réclamation préalable.
12. En application de l'article 1343-2 du code civil, M. et Mme B... ont droit à la capitalisation des intérêts à compter du 17 juillet 2019, date à laquelle était due pour la première fois une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
13. D'une part les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Logonna-Daoulas demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
14. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Logonna-Daoulas la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B... au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2021 est annulé.
Article 2 : La commune de Logonna-Daoulas est condamnée à verser à M. et Mme B... la somme de 125 484, 86 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2018. Les intérêts échus à la date du 17 juillet 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune de Logonna-Daoulas versera à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., Mme C... B... et à la commune de Logonna-Daoulas.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2023.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet du Finistère, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02310