Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 30 juillet 2021 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ou la décision implicite de rejet née le 24 novembre 2021.
Par un jugement n°s 2106043 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 février 2023, M. B..., représenté par Me Mouanga Diatantou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 décembre 2022 ;
2°) d'annuler cette décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil.
Il soutient que :
- le préfet ne pouvait légalement se fonder sur l'existence d'une menace à l'ordre public pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision contestée de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Salvi a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 12 juin 1981, est entré en France le 6 mai 2012 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour, valable jusqu'au 26 juin 2012 et s'y est maintenu irrégulièrement à l'expiration de ce visa. Il a fait l'objet, par deux arrêtés des 23 août 2013 et 26 juin 2017, respectivement des préfets du Morbihan et du Finistère, de refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement. Par un nouvel arrêté du 23 juin 2021, le préfet du Finistère a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par l'intéressé le 12 octobre 2020, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour le 22 juillet 2021. Par une décision du 30 juillet 2021, le préfet du Finistère a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 12 décembre 2022 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation cette dernière décision.
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Finistère n'a pas davantage examiné d'office sa demande sur ce fondement. Par suite, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions. Au demeurant, le requérant, qui est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour, ne justifie pas remplir la condition de visa de long séjour prévue par les dispositions de l'article L. 412-1 du même code et applicable pour la première délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 423-1 de ce code.
3. Aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 de ce code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment du bulletin n° 2 de son casier judiciaire que M. B... s'est rendu coupable en mai 2014 de faits de vol avec destruction ou dégradation et en octobre 2015, de faits de vol dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt pour lesquels il a été condamné le 6 mai 2016 par le tribunal correctionnel de Brest à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis. L'intéressé a de nouveau été condamné le 17 juin 2016 par un jugement du même tribunal à une peine d'amende avec sursis pour des faits de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui commis le 11 décembre 2015. Il a encore été condamné le 21 juin suivant à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol, de contrefaçon ou falsification de chèque, et d'usage de chèque contrefait ou falsifié commis au cours des années 2015 et 2016. Une nouvelle peine de deux mois d'emprisonnement a été prononcée à son encontre le 5 mars 2019 pour des faits de vol et d'escroquerie commis en mars 2018. Le requérant a également été mis en cause pour des faits, dont il ne conteste pas la matérialité, de dégradation ou détérioration du bien d'autrui en décembre 2016 et de menace de mort réitérée au cours de l'année 2017. Dans ces conditions, eu égard à la nature des faits commis par M. B..., ainsi qu'à la persistance jusqu'à une période relativement récente de son comportement délictueux, et alors que l'intéressé, marié depuis le 12 juin 2021 à une ressortissante française, ne justifie pas d'une communauté de vie antérieure au mois de juillet 2020, le préfet du Finistère a pu légalement, sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce, estimer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public et qu'il n'y avait pas lieu, pour cette raison, de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 3 doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. M. B..., qui est entré en France en 2012, se prévaut d'une relation de couple qui aurait débuté en 2014 avec une ressortissante française qu'il a épousée le 12 juin 2021 et de sa participation à l'entretien et à l'éducation de l'enfant mineur de cette dernière. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la communauté de vie invoquée qui, ainsi qu'il a été dit au point 4, n'est pas établie avant le mois de juillet 2020, présente un caractère relativement récent et que l'intéressé ne justifie pas de l'intensité des liens qu'il entretient avec l'enfant de son épouse. Le requérant ne justifie pas davantage de l'existence de tels liens avec sa propre fille, née en 2012 et sur laquelle il n'exerce pas l'autorité parentale. En outre, s'il a noué des relations sociales sur le territoire français, y a occupé des emplois dans le secteur de la restauration jusqu'en 2017 et a participé à des activités bénévoles dans sa commune, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a fait l'objet de trois mesures d'éloignement en 2013, 2017 et juin 2021, ne justifie pas, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 4, d'une particulière intégration. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de la menace pour l'ordre public que constitue la présence en France de M. B... et en dépit de la durée supposée de sa présence sur le territoire français, la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, eu égard à son objet et à ses effets, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de ce que la décision contestée portant refus de titre de séjour qui n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de sa fille et de l'enfant de son épouse, aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.
Le président-rapporteur,
D. Salvi L'assesseure la plus ancienne,
J. Lellouch
Le greffier,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT003602