Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.
Par un jugement n° 2204253 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Quere, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 21 juillet 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la mesure d'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle renvoie en outre à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Un mémoire complémentaire, enregistré le 16 mai 2023, présenté pour Mme B..., n'a pas été communiqué.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellouch,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante comorienne née le 19 décembre 1997, déclare être entrée en France en juillet 2019. Mme B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 21 juillet 2022, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office. Mme B... relève appel du jugement du 18 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... déclare être entrée en France en juillet 2019 sans justifier d'une entrée régulière. S'il ressort des pièces du dossier qu'elle vit avec sa fille née le 1er novembre 2019 et qu'elle vit en concubinage depuis juillet 2021 avec son nouveau compagnon, compatriote en situation régulière sur le territoire français, cette relation de concubinage était récente à la date de l'arrêté attaqué, date à laquelle ce compagnon résidait en France en qualité d'étudiant. Les circonstances qu'il a conclu un contrat à durée indéterminée et qu'elle attend un enfant de lui dont la naissance est prévue en mars 2023, soit postérieurement à la date de l'arrêté litigieux, sont sans incidence sur la légalité de celui-ci et ne peuvent être prises en considération pour apprécier la légalité de l'arrêté du préfet. Dès lors, Mme B..., que le refus de titre de séjour litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de séparer de sa fille, ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts au vu desquels il a été pris. Il n'est pas entaché d'une inexacte application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni ne méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. "
5. Si Mme B... fait valoir qu'elle a un enfant de nationalité française et qu'elle entretient une relation de concubinage stable avec un compatriote en situation régulière, il ressort des pièces du dossier que cette relation avait débuté quelques mois avant l'intervention de l'arrêté litigieux. Alors qu'elle ne justifie pas, à la date de la décision litigieuse, que le père contribue à l'éducation et à l'entretien de sa fille née le 1er novembre 2019, ni qu'il entretient des liens affectifs avec elle, la circonstance que sa fille ait la nationalité française par son père ne suffit pas à caractériser un motif exceptionnel ou des considérations humanitaires susceptibles de justifier son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise au regard de ces dispositions doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
7. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme B... née le 1er novembre 2019 vit avec sa mère à Brest tandis que le père de l'enfant réside à Marseille. Il n'est pas justifié que ce dernier contribue effectivement à son éducation ou à son entretien, ni que l'enfant ait maintenu des relations avec son père. Ainsi qu'il a été dit, le refus de titre n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de sa maman avec laquelle elle a toujours vécu. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour opposé à Mme B... ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de sa fille. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article
3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
8. Les moyens invoqués en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen particulier de sa situation et de l'inexactitude matérielle dont serait entaché l'arrêté litigieux, auxquels Mme B... renvoie la cour, sans critiquer la réponse du tribunal administratif à ces moyens, peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
9. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; ". Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. "
10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des multiples attestations, des prescriptions médicales et des photographies produites par la requérante, que Mme B... contribue à l'éducation et à l'entretien de sa fille depuis sa naissance, nonobstant les allégations en sens contraire du père de l'enfant recueillies dans le cadre de l'enquête diligentée pour suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité. Il ressort de ces mêmes pièces que le père biologique de l'enfant est de nationalité française. Il s'ensuit que l'obligation de quitter le territoire français opposée à Mme B..., qui établit contribuer effectivement depuis sa naissance à l'éducation et à l'entretien de son enfant dont le père putatif est de nationalité française méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. La décision fixant le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office doit être annulée par voie de conséquence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'exécution du présent arrêt qui annule l'arrêté préfectoral en tant seulement qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, implique, non pas qu'il soit enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour mais seulement que le préfet du Finistère réexamine la situation personnelle de Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre à cette autorité d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il rejette la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi ainsi que l'arrêté du 21 juillet 2021 en tant qu'il fait obligation à Mme B... de quitter le territoire et qu'il fixe le pays de renvoi sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.
La rapporteure,
J. Lellouch
Le président,
D. Salvi
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03865