Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.
Par un jugement n° 2204130 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Clairay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 7 juillet 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative, en ce qui concerne sa réponse au moyen tiré de l'inexacte application des dispositions des articles L. 423-1 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les articles L. 423-1 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il est entaché d'erreur de droit et a ajouté une condition à l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en opposant qu'elle n'avait pas contesté la décision de classement sans suite ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellouch,
- et les observations de Me Clairay, représentant Mme B..., en présence de l'intéressée.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante brésilienne née le 5 avril 1975, est entrée en France le 28 mai 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a épousé en France, le 16 juin 2018, un ressortissant français. Elle a sollicité le 30 juillet 2020 un titre de séjour en faisant valoir qu'elle avait été victime de violences conjugales de la part de son époux. Par arrêté du 7 juillet 2022, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible en cas d'éloignement d'office. Mme B... relève appel du jugement du 9 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de ses termes mêmes que le jugement attaqué répond aux exigences de motivation de l'article L. 9 du code de justice administrative, s'agissant de sa réponse au moyen tiré de l'inexacte application des dispositions combinées des articles L. 423-1 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de son arrêté, que le préfet du Finistère a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de prendre l'arrêté litigieux.
4. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; (...) ". Aux termes de l'article L. 423-5 du même code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies. "
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a déposé le 21 février 2019 une main courante pour signaler l'abandon du domicile conjugal en exposant que son départ était lié aux violences dont elle se déclarait victime de la part de son conjoint. Elle a adressé en novembre 2019 une plainte pour des faits de violences par conjoint au Procureur de la République, lequel a décidé de procéder au classement sans suite de l'affaire après rappel à la loi par officier de police judiciaire pour des infractions de violences habituelles n'ayant pas entraîné d'incapacité supérieure à huit jours par conjoint du 1er octobre 2018 au 1er mars 2019 et de menaces de mort réitérées par conjoint commises au cours de la même période. Au regard de ces éléments et alors même que l'affaire a été classée sans suite à la suite de cette mesure alternative aux poursuites, la rupture de la vie commune entre Mme B... et le ressortissant français avec lequel elle était mariée doit être regardée comme étant imputable à des violences conjugales. En estimant le contraire, le préfet du Finistère a commis une erreur d'appréciation.
6. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. Pour établir que le refus de titre de séjour litigieux était légal, le préfet du Finistère invoque, dans son mémoire en défense de première instance auquel il renvoie la cour, et qui a été communiqué à Mme B..., un autre motif, tiré de ce que ce que le lien conjugal était rompu puisque le juge aux affaires familiales avait prononcé le divorce des époux par jugement du 14 mars 2022.
8. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées ci-dessus que lorsque la rupture de la vie commune est imputable à des violences conjugales subies après l'arrivée en France et avant la délivrance d'un premier titre de séjour, le titre de séjour prévu par l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est délivré sous réserve que les autres conditions soient remplies, et notamment celle d'être marié avec un ressortissant français. Il s'ensuit que le motif tiré de ce que le lien conjugal était rompu à la date de l'arrêté litigieux est de nature à fonder légalement le refus de titre de séjour au regard des articles L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il résulte de l'instruction que le préfet du Finistère aurait pris la même décision s'il s'était initialement fondé sur ce motif. Dès lors qu'elle ne prive pas la requérante d'une garantie liée au motif substitué, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs ainsi sollicitée.
9. L'illégalité du refus de titre de séjour n'étant pas établie, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., divorcée de son époux de nationalité française depuis mars 2022, est entrée en France en mai 2018, soit un peu plus de quatre ans avant l'intervention de l'arrêté litigieux. La requérante fait valoir sa vie de couple avec un autre ressortissant français depuis juillet 2020. Toutefois, les attestations peu circonstanciées produites pour établir cette relation et le caractère encore récent de celle-ci à la date de l'arrêté litigieux ne permettent pas de considérer qu'à cette date, l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'égard de Mme B..., qui n'est pas dépourvue d'attaches au Brésil où résident ses trois enfants majeurs, porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts au vu desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2022. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.
La rapporteure,
J. Lellouch
Le président,
D. Salvi
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03834