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23/06/2023 | FRANCE | N°22NT03364

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 juin 2023, 22NT03364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement no 2200354 du 15 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2022, M. B..

., représenté par

Me Le Strat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement no 2200354 du 15 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2022, M. B..., représenté par

Me Le Strat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 en l'absence d'identification des trois signataires de l'avis du collège des médecins et du vice de procédure au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans la réponse aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et du défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est privé de base légale dès lors que l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 3 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il n'impose pas au collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont l'autorité préfectorale se borne à reprendre l'avis, de préciser les éléments médicaux sur lesquels se fondent son avis ;

- il méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les observations de Me Le Strat, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant djiboutien né le 1er janvier 1947, est entré en France le 25 décembre 2016 et y a bénéficié de titres de séjour en raison de sa situation médicale. Il en a sollicité le renouvellement. Par arrêté du 27 octobre 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 15 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Le tribunal a relevé au point 3 de son jugement que l'arrêté comportait l'ensemble des considérations de droit et de faits sur lesquelles le préfet s'était fondé. Au point 4 de ce jugement, il a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier que le préfet avait procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a, par suite, suffisamment motivé son jugement, s'agissant de la réponse aux moyens ainsi soulevés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". En ne répondant pas au moyen qu'avait soulevé le requérant et qui était tiré, au regard de ces stipulations, d'un vice de procédure, tenant à n'avoir pas vérifié que l'intéressé serait exposé à des risques notamment de traitements inhumains ou dégradants, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une irrégularité, dès lors qu'un tel moyen était inopérant, les stipulations en cause n'imposant pas aux Etats parties de la convention d'obligations procédurales en la matière.

5. En dernier lieu, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande présentée devant le tribunal, M. B... a invoqué un moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'irrégularité de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII tenant au fait qu'il ne comporte pas la signature des trois médecins composant le collège. Le tribunal administratif de Rennes n'a pas visé le moyen ainsi soulevé et n'y a pas répondu. Son jugement a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite être annulé, en tant seulement qu'il statue sur la demande de M. B... tendant à l'annulation du refus de titre de séjour.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 27 octobre 2021 et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus de sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 octobre 2021 :

7. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour énonce, avec une précision suffisante, les textes qu'elle applique, en particulier les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne en outre les circonstances de fait déterminantes propres à la situation personnelle de M. B.... Ainsi, et alors que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments relatifs à sa situation, et notamment le fait qu'il ait sollicité sa réintégration dans la nationalité française qui est, en soi, sans incidence sur la légalité de la décision en cause à la date à laquelle elle est intervenue, celle-ci satisfait à l'obligation de motivation qui incombe à l'administration, en vertu de l'article

L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. Cette décision étant ainsi suffisamment motivée, il s'ensuit que l'obligation de quitter le territoire français est également motivée en conséquence des dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, cet arrêté, qui vise notamment les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constate qu'il est fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français, qu'il est de nationalité djiboutienne et que compte tenu des éléments portés à la connaissance de l'administration, l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de destination est, de ce seul fait, suffisamment motivée.

8. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté et de l'ensemble des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas omis de procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant de prendre cet arrêté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

10. L'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". De plus, aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions précitées prévoit que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

11. D'une part, le préfet d'Ille-et-Vilaine a produit, en première instance, l'avis émis le 7 septembre 2021 par le collège des médecins de l'OFII. Cet avis se prononce sur l'état de santé de M. B..., la gravité des conséquences qu'aurait un éventuel défaut de prise en charge médicale de sa pathologie, la possibilité d'un traitement approprié dans le pays d'origine ainsi que sur la capacité de l'intéressé à voyager sans risque. Il comporte donc l'ensemble des mentions prévues par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, sans que les médecins aient eu à se prononcer sur la durée des soins en France puisqu'ils sont disponibles dans le pays d'origine de M. B.... Il ressort, de plus, de cet avis qu'il permet d'identifier les trois médecins qui l'ont rendu et qu'il a été signé par eux. Le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis doit donc être écarté, dans ses deux branches.

12. En quatrième lieu, M. B... soutient, pour la première fois en appel, que l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce qu'il prévoit le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires et l'obligation pour l'administration de motiver ses décisions ainsi que les articles 3 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, la motivation de l'avis du collège médical de l'OFII, telle qu'elle est prévue par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 cité ci-dessus, assure une conciliation, qui n'est pas déséquilibrée, entre l'obligation pour l'administration de motiver ses décisions et donner accès aux intéressés à leur dossier administratif, et le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et, en particulier, du secret médical. Il n'a, de plus, pas pour objet, ni pour effet de faire obstacle au droit des intéressés de connaître les motifs des décisions ou d'accéder aux dossiers qui les concernent. Il n'empêche pas, en effet, les demandeurs d'une admission au séjour pour raisons de santé de lever le secret médical les concernant, de verser au débat contradictoire tous les éléments pertinents concernant leur état de santé et d'obtenir la communication, après l'avoir sollicitée, du dossier médical de l'OFII les concernant. Le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 méconnaîtrait l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 3 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou le principe d'égalité des armes ne peut donc qu'être écarté.

13. En cinquième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour qu'elles prévoient, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut également refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptées, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

14. Il ressort de l'avis du collège médical de l'OFII qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, M. B... peut y bénéficier d'un traitement approprié. En se bornant à faire valoir des éléments, non datés et n'indiquant pas leurs sources, selon lesquels le nombre de personnel soignant et notamment de cardiologues est insuffisant à Djibouti, l'intéressé, dont la cardiopathie ischémique stable et bien compensée fait l'objet d'une surveillance annuelle, ne remet pas en cause cette appréciation et n'apporte pas d'éléments sur l'impossibilité qu'il y aurait pour lui de bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'ordonner à l'OFII et au préfet la communication de tous les éléments sur la base desquels ils se sont fondés pour estimer que les soins étaient disponibles dans le pays d'origine de l'intéressé, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

16. Eu égard à ce qui a été dit au point 14, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

17. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

18. Si un fils du requérant réside en France, ce dernier a le centre des attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où résident son épouse et cinq de ses enfants et où il a vécu jusqu'à l'âge de soixante-dix ans. Dans ces conditions, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. En dernier lieu, dans son arrêt n° 41738/10 rendu en grande chambre le 13 décembre 2016, la Cour européenne des droits de l'homme a dit pour droit que pouvait constituer un traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le fait de procéder à l'éloignement d'une personne gravement malade pour laquelle existent des motifs sérieux de croire que, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, celle-ci ferait face, en raison de l'absence de traitement adéquat dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie.

20. M. B... soutient que l'administration ne s'est pas assurée de ce qu'il pourrait continuer son suivi médical dans son pays d'origine. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'administration a examiné si l'intéressé pouvait être soigné à Djibouti et si le traitement qu'il serait amené à suivre dans son pays d'origine l'exposerait inéluctablement à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou une réduction significative de son espérance de vie. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est fondé ni à demander l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2021 en tant qu'il refuse de l'admettre au séjour, ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande à fin d'annulation de cet arrêté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de destination. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 avril 2022 est annulé en tant qu'il statue sur la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour du 27 octobre 2021.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour du 27 octobre 2021 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.

Le rapporteur

X. CatrouxLe président

D. Salvi

La greffière

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT03364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03364
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET GAELLE LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-23;22nt03364 ?
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