Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 juin 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 2103550 du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2022 Mme C..., représentée par Me Cabioch, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2020 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique à titre principal, de lui accorder un titre de séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous la même astreinte et, dans cette dernière hypothèse, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 7 jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au profit de son avocat, Me Cabioch, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle n'est pas suffisamment motivée, ce qui révèle qu'elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne lui a pas été transmis avec la décision contestée ;
- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article R. 313-22 du même code ;
- elle méconnaît le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement ou de dégradation, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 3, 6 et 11 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée du même vice de procédure que le refus de titre de séjour ;
- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en méconnaissance des dispositions du code des relations entre le public et l'administration faute pour l'intéressée d'avoir été entendue ou mise en mesure de faire valoir ses arguments ;
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement ou de dégradation, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 3, 6 et 11 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée du même vice de procédure que le refus de titre de séjour ;
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 11 août 2022, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les observations de Me Power, substituant Me Cabioch, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante comorienne née le 25 avril 1987 déclarant être entrée en France en 2015, a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, alors applicable, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 5 juin 2020 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel l'intéressée pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 22 juillet 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Mme C... fait appel de ce jugement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté mentionne, en particulier, la teneur de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 mars 2020 et indique qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que l'intéressée ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il mentionne également, avec une précision suffisante et dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de fait relatives à sa situation personnelle, notamment sa relation avec M. B.... Ainsi, alors même que la décision en cause ne mentionne pas les pathologies de la requérante, les moyens tirés de ce que la décision contestée n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés. En outre, il ne ressort pas de cette motivation que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
3. En deuxième lieu, si la requérante soutient que l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne lui a jamais été communiqué, cette circonstance est sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté, alors d'ailleurs que cet avis lui a été communiqué dans le cadre de la procédure de première instance. En outre, il ressort des pièces du dossier que le médecin qui a établi le rapport médical préalable n'a pas siégé au sein du collège de médecins qui a rendu l'avis. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un certificat de résidence. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un certificat de résidence dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Dans son avis du 27 mars 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier que la requérante souffre de surdité sévère à gauche et légère à droite, qui nécessite un appareillage, et de lombalgies. L'attestation médicale qu'elle produit, du 3 août 2020, ne se fonde que sur les explications de l'intéressée pour en conclure que " un suivi médical aux Comores semble incompatible avec les besoins de Mme C... ". Le certificat médical du 15 novembre 2018 indiquant que son opération de myomectomie par laparotomie en octobre 2018 nécessite un suivi médical régulier pour une durée indéterminée n'établit pas que l'absence de ce suivi entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Enfin, des rapports généraux sur la surdité, d'autres sur la situation des enfants handicapés aux Comores et des attestations de proches ne sont pas de nature à infirmer l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 313-22 du même code doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement ou de dégradation, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 3, 6 et 11 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées doivent être écartés.
8. En troisième lieu, si Mme C... soutient être entrée en France dès 2015, elle ne l'établit pas. Ses parents résident aux Comores, ainsi que l'un de ses frères et l'une de ses sœurs, et elle y a elle-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Les attestations dont elle se prévaut, peu circonstanciées, ne suffisent pas à établir qu'elle entretient en France des liens stables et d'une particulière intensité. Si elle se prévaut de son état de santé, en tout état de cause, le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, pour les motifs indiqués au point 7. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". Le 3° du I de l'article précité est relatif à l'hypothèse où l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté. Il ne ressort par ailleurs ni des pièces du dossier ni de la motivation de cette décision que son édiction n'aurait pas été précédée de l'examen particulier de la situation personnelle de Mme C....
10. En deuxième lieu, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire français manque en tout état de cause en fait, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.
11. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en méconnaissance des dispositions du code des relations entre le public et l'administration faute pour l'intéressée d'avoir été entendue ou mise en mesure de faire valoir ses arguments, que la requérante reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
12. En quatrième lieu, il résulte des points 2 à 8 que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
13. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 7. Il en est de même des moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement ou de dégradation, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 3, 6 et 11 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.
14. En sixième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 7 et 8.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination, que la requérante reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
16. En deuxième lieu, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision fixant le pays de destination manque en tout état de cause en fait, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.
17. En troisième et dernier lieu, il résulte des points 2 à 8 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.
La rapporteure
P. Picquet
La présidente
I. PerrotLa greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02951