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23/06/2023 | FRANCE | N°22NT00849

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 23 juin 2023, 22NT00849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier rural des Genêts a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 5 mars 2020 par laquelle la communauté de communes Terre d'Auge a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal, en tant que celui-ci ne désigne pas les trois bâtiments référencés nos 1, 2 et 3 situés sur la parcelle cadastrée section C no 370, sur le territoire de la commune de Branville, comme pouvant faire l'objet d'un changement de destination au titre du 2° du I de l'article L. 151-

11 du code de l'urbanisme.

Par un jugement no 2001347 du 24 janvier 2022, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier rural des Genêts a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 5 mars 2020 par laquelle la communauté de communes Terre d'Auge a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal, en tant que celui-ci ne désigne pas les trois bâtiments référencés nos 1, 2 et 3 situés sur la parcelle cadastrée section C no 370, sur le territoire de la commune de Branville, comme pouvant faire l'objet d'un changement de destination au titre du 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme.

Par un jugement no 2001347 du 24 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mars et 22 juillet 2022, le groupement foncier rural des Genêts, représenté par la SELARL Juriadis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du 5 mars 2020 par laquelle la communauté de communes Terre d'Auge a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal, en tant que celui-ci ne désigne pas les trois bâtiments référencés nos 1, 2 et 3 situés sur la parcelle cadastrée section C no 370, située sur le territoire de la commune de Branville, comme pouvant faire l'objet d'un changement de destination au titre du 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ;

3°) d'enjoindre à la communauté de communes Terre d'Auge de mettre en œuvre toute procédure ayant pour effet de désigner ces bâtiments comme pouvant faire l'objet d'un changement de destination en application des dispositions du 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes Terre d'Auge une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ;

- le plan local d'urbanisme intercommunal contesté est illégal dès lors qu'il s'est fondé sur des critères supplémentaires à ceux du 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme pour désigner les bâtiments pouvant faire l'objet d'un changement de destination ;

- l'absence de désignation des trois bâtiments litigieux parmi ceux pouvant faire l'objet d'un changement de destination est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mai et 25 juillet 2022, la communauté de communes Terre d'Auge, représentée par la SELARL Concept Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du groupement foncier rural des Genêts une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le groupement foncier rural des Genêts ne sont pas fondés et que, en tout état de cause, une régularisation serait possible sur le fondement de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gutton, substituant Me Gorand, représentant le groupement foncier rural des Genêts, et les observations de Me Delaunay, substituant Me Agostini, représentant la communauté de communes Terre d'Auge.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 3 décembre 2015, le conseil communautaire de la communauté de communes Terre d'Auge a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) applicable au territoire de ses 31 communes membres. À la suite de l'extension du périmètre de la communauté de communes, par arrêtés du préfet du Calvados du 28 décembre 2015 et du 7 décembre 2017, portant respectivement le nombre de communes membres à 35 puis 45, le conseil communautaire a, par délibérations du 6 avril 2017 et du 11 janvier 2018, prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) et fixé les modalités de la concertation. Le conseil communautaire a débattu, le 6 décembre 2018, des orientations du projet d'aménagement et de développement durable du futur plan. Le projet de plan local d'urbanisme intercommunal a été arrêté par une délibération du même conseil communautaire du 27 juin 2019. Une enquête publique s'est tenue sur ce projet du 28 octobre au 29 novembre 2019. Par une délibération du 5 mars 2020, le conseil communautaire de la communauté de communes Terre d'Auge a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal. Le groupement foncier rural des Genêts relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération en tant que le plan local d'urbanisme intercommunal ne désigne pas les trois bâtiments référencés nos 1, 2 et 3, situés sur la parcelle cadastrée section C no 370, sur le territoire de la commune de Branville, comme pouvant faire l'objet d'un changement de destination au titre du 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Caen a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu, de façon suffisamment motivée, aux points 6 et 7 de son jugement au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme. Par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " I. - Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / (...) / 2° Désigner, en dehors des secteurs mentionnés à l'article L. 151-13, les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. (...) / (...). " Aux termes de l'article R. 151-35 du même code : " Dans les zones A et N, les documents graphiques du règlement font apparaître, s'il y a lieu, les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole, ou la qualité paysagère du site. "

4. Il ressort des pages 187 et suivantes du rapport de présentation du plan local d'urbanisme intercommunal litigieux que les auteurs de ce plan ont décidé de faire usage de la faculté, offerte par le 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, de désigner les bâtiments situés en zone agricole, naturelle et forestière qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dans l'objectif de " permettre leur préservation dans le respect de leurs caractéristiques [originelles] et ainsi, favoriser le maintien de l'identité rurale du territoire ". Un travail d'inventaire des bâtiments susceptibles de faire l'objet d'une telle désignation a été effectué avec les élus sur l'ensemble du territoire de la communauté de communes Terre d'Auge et a conduit les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal à sélectionner, parmi de nombreux bâtiments répertoriés dans un reportage photographique, 352 bâtiments qui ont été désignés par le document graphique du règlement comme pouvant faire l'objet d'un changement de destination. Il ressort de ce même rapport de présentation que la sélection des bâtiments désignés s'est fondée sur plusieurs critères tirés de leur " belle qualité architecturale notamment par l'usage de matériaux anciens traditionnels ", de ce qu'ils ne sont pas déjà à destination d'habitation principale, qu'ils " présentent des dimensions suffisantes pour être transformés vers une vocation d'habitation " et " ne sont pas situés en zone de risque ". Le rapport ajoute que " la présence des réseaux a également été un critère pris en compte, via une étude réalisée par Enedis ", conduisant à ne retenir " en règle générale " que " les bâtiments n'engendrant pas d'extension de réseaux ", avec quelques exceptions pour les communes désireuses de " contribuer financièrement au renforcement des réseaux afin de participer à la sauvegarde de ce patrimoine ".

5. En premier lieu, si le 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme subordonne la désignation de bâtiments pouvant faire l'objet d'un changement de destination à la condition que ce changement ne compromette pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal définissent des critères d'appréciation destinés à justifier leur choix d'identification des bâtiments pouvant faire l'objet d'un changement de destination. À ce titre, les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal contesté ont pu légalement retenir un critère lié à la qualité architecturale des bâtiments concernés, alors même que, depuis leur modification par la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, les dispositions désormais codifiées au 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ne subordonnent plus la désignation de ces bâtiments comme pouvant faire l'objet d'un changement de destination à la condition qu'ils présentent " un intérêt architectural ou patrimonial ". Par suite, le moyen tiré de ce que la communauté de communes Terre d'Auge aurait illégalement ajouté des conditions supplémentaires aux dispositions du 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme doit être écarté.

6. En second lieu, les trois bâtiments possédés par le groupement foncier rural des Genêts au Lieu Blot sont classés par le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal en zone Np1, c'est-à-dire en zone naturelle protégée, en dehors des secteurs de taille et capacité d'accueil limités identifiés par le plan. Il est constant que ces trois bâtiments, à colombages et toit pentu, sont de style normand typique du Pays d'Auge. Il ressort des pièces du dossier que ces bâtiments, vendus au groupement foncier rural des Genêts par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) de Basse Normandie par acte de vente conclu le 4 septembre 2015, étaient destinés à un usage agricole, l'acquéreur s'étant d'ailleurs engagé, aux termes de cet acte, à conserver pendant dix ans la destination du bien vendu. Pour autant, il n'est pas soutenu par la communauté de communes Terre d'Auge que leur changement de destination compromettrait l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. Par ailleurs, si la communauté de communes, qui a pris en compte, pour désigner les bâtiments pouvant faire l'objet d'un changement de destination, la présence des réseaux, se prévaut de l'extrait d'une étude réalisée par la société Enédis pour soutenir que le raccordement des trois bâtiments litigieux au réseau public de distribution d'électricité nécessitait, non un simple branchement, mais une extension du réseau sur une longueur de 120 mètres, il ressort d'un plan établi par la société ERDF le 26 mai 2016, annexé au plan local d'urbanisme intercommunal, que le Lieu Blot était, à cette date, et donc avant même la prescription de l'élaboration de ce plan, desservi par une ligne électrique basse tension qui aboutissait au milieu des trois bâtiments en cause.

7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ces trois bâtiments sont situés au sein du périmètre de protection rapprochée du point de captage d'eau potable " Le pré à l'eau ", c'est-à-dire au sein d'une " zone de risque ", ce qui a d'ailleurs conduit les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal à classer la parcelle cadastrée section C no 370 en zone Np1, qui obéit à des règles de constructibilité plus strictes qu'en zone N. Par suite, et à supposer même que l'arrêté du préfet du Calvados du 14 septembre 2006 portant déclaration d'utilité publique du captage du Pré à l'eau puisse être interprété comme n'interdisant pas les constructions nouvelles destinées à héberger les personnes, sous réserve de certaines conditions, et que le changement de destination de bâtiments existants puisse ne pas être assimilé à une construction nouvelle au sens de cet arrêté, les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne désignant pas, pour le motif tiré de l'existence de ce risque, les trois bâtiments dont le groupement foncier rural des Genêts est propriétaire sur la parcelle cadastrée section C no 370 comme pouvant faire l'objet d'un changement de destination en application du 2° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le groupement foncier rural des Genêts n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation du groupement foncier rural des Genêts, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Terre d'Auge, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le groupement foncier rural des Genêts demande au titre des frais exposés par lui à l'occasion du litige soumis au juge.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement foncier rural des Genêts la somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes Terre d'Auge au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du groupement foncier rural des Genêts est rejetée.

Article 2 : Le groupement foncier rural des Genêts versera à la communauté de communes Terre d'Auge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement foncier rural des Genêts et à la communauté de communes Terre d'Auge.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2023.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLa présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00849
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-23;22nt00849 ?
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