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23/06/2023 | FRANCE | N°22NT00266

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 23 juin 2023, 22NT00266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 février 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 15 octobre 2020 de l'autorité consulaire française à Fès (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de retour, ainsi que cette décision du 15 octobre 2020.

Par un jugement no 2104057 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa dema

nde.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 février 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 15 octobre 2020 de l'autorité consulaire française à Fès (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de retour, ainsi que cette décision du 15 octobre 2020.

Par un jugement no 2104057 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier et 12 juillet 2022, Mme B..., représentée par la SELARL Boezec Caron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 3 février 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et individuelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de droit et d'une erreur de fait au regard de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- et les observations de Me Boezec, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née en 1939, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 12 juillet 2020, s'est rendue au Maroc le 16 novembre 2019. Le 7 octobre 2020, elle a sollicité auprès de l'autorité consulaire française à Fès la délivrance d'un visa de long séjour dit " de retour ". Un refus lui a été opposé par une décision du 15 octobre 2020. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie du recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, a rejeté ce recours par décision du 3 février 2021. Mme B... relève appel du jugement du 29 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

2. En premier lieu, la décision de refus contestée précise, après avoir cité les articles L. 211-1 et L. 211-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, que Mme B... ne peut solliciter un visa dit de retour en l'absence de droit au séjour à la date de sa demande de visa, le 7 octobre 2020, sa carte de séjour étant expirée depuis le 12 juillet 2020. Cette décision, qui mentionne les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est dès lors suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante, alors même qu'elle fait pas mention de son état de santé ou de ses attaches familiales en France.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, recodifié à l'article L. 311-1 du même code : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 212-1 du même code, alors en vigueur : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 211-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour (...) sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage ". Il résulte de ces dispositions qu'un étranger titulaire d'un titre l'autorisant à séjourner en France peut quitter le territoire national et y revenir, tant que ce titre n'est pas expiré, en se voyant délivrer un " visa de retour ", lequel présente le caractère d'une information destinée à faciliter les formalités à la frontière.

5. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Entre la date d'expiration de la carte de séjour pluriannuelle d'une durée de quatre ans mentionnée au premier alinéa de l'article L. 313-18, de la carte de résident ou d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an prévu par une stipulation internationale et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande tendant à son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut également justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte ou du titre arrivé à expiration. Pendant cette période, il conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle. "

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... était titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 13 juillet 2018 au 12 juillet 2020. Ce document de séjour, délivré au titre de la " vie privée et familiale " pour une durée de deux ans, n'est pas au nombre de ceux énumérés par le deuxième alinéa de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, contrairement à ce qu'elle soutient, sa carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", délivrée sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'était pas un titre de séjour d'une durée supérieure à un an prévu par une stipulation internationale au sens du deuxième alinéa de cet article L. 311-4. Dès lors, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que son titre de séjour, dont elle n'a au demeurant pas demandé le renouvellement, était encore valable à la date de sa demande de visa, le 7 octobre 2020. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ni fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant le visa sollicité au motif que Mme B... ne disposait pas d'un droit au séjour à la date de sa demande de visa.

7. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., âgée de 81 ans à la date de la décision contestée, résidait en France depuis 2013, d'abord en situation irrégulière puis sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " depuis 2017, et qu'elle était prise en charge par une de ses filles, de nationalité française, à Rouen, où réside également une autre de ses filles française, tandis que sa troisième fille réside à Nantes. Si elle soutient être retournée au Maroc " courant 2020 " afin d'y " gérer certaines difficultés, notamment familiales " pour " y rester deux ou trois mois au maximum ", il ressort du tampon de sortie de son passeport qu'elle a quitté la France pour le Maroc dès le 19 novembre 2019 et qu'elle s'y trouvait depuis quatre mois au moment de la fermeture des frontières, à la fin du mois de mars 2020, en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus. S'il est vrai que l'expiration de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", le 12 juillet 2020, l'a empêchée de revenir en France malgré la réouverture des frontières entre la France et le Maroc ce même mois et l'acquisition d'un billet d'avion pour Paris le 27 juillet 2020, il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc, où résident quatre de ses enfants et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 74 ans. Par ailleurs, si son état de santé nécessite un suivi et un traitement médical régulier, les documents produits ne suffisent pas à établir qu'elle serait dans l'impossibilité de bénéficier d'un tel traitement dans son pays d'origine ou de prendre en charge, avec l'aide éventuelle de ses enfants, le coût de ce traitement d'environ 800 dirhams marocains, ainsi que cela ressort des factures mensuelles d'une pharmacie marocaine. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ses quatre enfants résidant au Maroc seraient dans l'incapacité d'assurer la prise en charge de leur mère au quotidien. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à Mme B... le visa sollicité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que la requête de Mme B... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2023.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLa présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00266
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-23;22nt00266 ?
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