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20/06/2023 | FRANCE | N°21NT01613

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 20 juin 2023, 21NT01613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2019 par lequel le maire de C... a refusé de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie.

Par un jugement n° 2000031 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté, a enjoint à la commune de C... de reconnaître la maladie de Mme A... comme étant imputable au service et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par

une requête et des mémoires, enregistrés les 15 juin 2021, 4 avril 2022 et 26 janvier 2023, la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2019 par lequel le maire de C... a refusé de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie.

Par un jugement n° 2000031 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté, a enjoint à la commune de C... de reconnaître la maladie de Mme A... comme étant imputable au service et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 juin 2021, 4 avril 2022 et 26 janvier 2023, la commune de C... représentée par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 15 avril 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., le maire n'a commis aucune faute et n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; il appartient à l'intéressée d'établir le lien de causalité entre sa pathologie et le service, or elle ne démontre à aucun moment l'existence d'un évènement précis à l'origine de sa maladie ; au contraire, elle a été affectée sur un poste conforme à ses compétences et a bénéficié du soutien de sa hiérarchie et des équipes qu'elle encadrait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Boucher, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Malingue,

- et les observations de Me Boucher, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., recrutée par la commune de C... à compter du 1er mars 1996, exerçait depuis le 1er février 2015, les fonctions de responsable du bureau " études-travaux ". Elle a en outre été chargée d'assurer l'intérim du directeur des services techniques lors de l'admission de celui-ci à la retraite au 1er mars 2016. Mme A... a été placée en congé de maladie à compter du 24 octobre 2016. Ses arrêts de travail ont été prolongés sans discontinuité jusqu'au 23 janvier 2019. Le 17 janvier 2019, l'intéressée a demandé à ce que sa maladie soit reconnue imputable au service. Par un arrêté du 8 novembre 2019, le maire de C... a rejeté sa demande. La commune relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. La commune fait valoir que Mme A... a été affectée sur un poste conforme à ses compétences et qu'elle a bénéficié du soutien de sa hiérarchie et des équipes qu'elle encadrait. S'il est constant que Mme A... est titulaire d'un diplôme d'architecture obtenu en 1982, elle n'a exercé en cette qualité que durant deux années avant de reprendre ses études. Il n'est pas contesté que par la suite, et notamment depuis son recrutement par la commune de C... en 1996, elle n'a occupé que des fonctions administratives. Par ailleurs, si l'intéressée, alors directrice du service éducation, avait exprimé la volonté de changer de fonctions, elle a émis des réserves sur sa capacité à occuper le poste de chef de bureau " études-travaux " (BET) pour lesquels sa candidature n'avait initialement pas été retenue et auquel elle a été finalement nommée le 1er février 2015. Lors de son entretien professionnel d'évaluation qui s'est tenu le 22 décembre 2015, Mme A... a clairement exprimé les difficultés qu'elle rencontrait à encadrer des agents exerçant des fonctions techniques qu'ils maîtrisaient et qui remettaient en cause ses propres compétences. La collectivité a reconnu, dans le compte-rendu d'entretien professionnel, qu'en dépit des stages qu'elle avait suivis, l'intéressée n'avait ni la formation, ni l'expérience pour de telles fonctions, en ajoutant sans ménagement qu'il était " illusoire de penser que Mme A... puisse les acquérir dans un délai raisonnable et compatible avec la prise en charge du BET ". Au cours de cet entretien, Mme A... a exprimé ses craintes quant à l'exercice, alors envisagé, des fonctions de directeur des services techniques (DST) par intérim. Toutefois, en dépit du constat posé au cours de cet entretien professionnel annuel, quelques mois plus tard seulement, elle était désignée pour assurer cet interim, le processus de sélection du nouveau DST n'ayant pas abouti. Mme A... s'est ainsi trouvée dans l'incapacité d'effectuer correctement avec la confiance de son équipe les missions dont elle avait la charge. Si la commune indique que l'intéressée était épaulée par le directeur général des services dans le cadre de la mission d'intérim, notamment lors de réunions, elle ne l'établit pas, pas plus qu'elle n'établit que Mme A..., dont l'investissement ou les capacités managériales n'ont à aucun moment été remis en cause, n'aurait pas eu, durant cette période, une charge de travail accrue.

5. Si la commune de C... souligne par ailleurs que le certificat médical établi le 24 octobre 2016 par le psychiatre qui suivait Mme A... s'est borné à mentionner qu'elle souffrait d'un " burn out ++ ", sans relever le caractère professionnel de sa pathologie, il n'incombait pas à ce médecin de préciser l'origine de sa maladie et encore moins sa qualification juridique, pas plus d'ailleurs qu'à la commission de réforme lors de sa séance du 20 décembre 2019 au cours de laquelle elle devait rendre un avis sur la mise à la retraite de l'intéressée pour invalidité. En revanche, dans son rapport du 24 juin 2019 l'expert désigné à cet effet a reconnu que la pathologie de l'intéressée était la conséquence d'une surcharge de travail et présentait un lien avec le service. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la pathologie dont souffre Mme A... serait liée à un évènement d'ordre privé et personnel dépourvu de tout lien avec le service. Enfin, si la commission de réforme lors de sa séance du 13 septembre 2019, en l'absence de l'intéressée, du médecin de prévention et de tout spécialiste, s'est écartée des conclusions de l'expert, en soulignant l'" impossibilité d'établir le lien de causalité entre le service et la maladie ", les éléments rappelés au point 4 suffisent à établir, indépendamment de toute faute de son employeur, que la maladie de Mme A... présentait un lien direct avec l'exercice de ses fonctions.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 8 novembre 2019 par lequel le maire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... à compter du 24 octobre 2016.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à la commune de C... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de C... ne peuvent dès lors être accueillies. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière le versement à Mme A... de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a supportés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de C... est rejetée.

Article 2 : La commune de C... versera à Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de C... et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 2 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

Le rapporteur,

V. GELARD

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01613
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-20;21nt01613 ?
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