Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2102968 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2022, M. A... B..., représenté par Me Cabioch, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 6 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, puis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 425-9 du même code ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait ; elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 devenu L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît le principe constitutionnel du respect de la dignité humaine, ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention relative aux droits des personnes handicapées ; elle méconnait l'article L. 313-14 devenu L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour ; elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle méconnaît le principe du contradictoire prévu à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; elle méconnaît le principe constitutionnel du respect de la dignité humaine, ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention relative aux droits des personnes handicapées ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés et se rapporte également à ses écritures de première instance.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- et les observations de Me Power, substituant Me Cabioch, représentant M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 26 juin 1975 à Sour Elaaz (Maroc) déclare être entré en France le 31 janvier 2014. Il relève appel du jugement du 11 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, que le requérant reprend en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle du requérant.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Dans son avis du 3 septembre 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. A... B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, enfin que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... souffre d'une pathologie cardiaque chronique pour laquelle il a été opéré en 2014 au centre hospitalier universitaire de Nantes et que son état de santé nécessite une visite annuelle chez le cardiologue avec une surveillance d'imagerie, une prise de sang mensuelle et un traitement médicamenteux composé d'un anticoagulant et d'un béta-bloquant. Contrairement à ce que soutient M. A... B..., il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux qu'il produit et des documents d'ordre général sur le système de santé marocain, que le traitement nécessaire à sa pathologie ne serait pas disponible au Maroc. S'il soutient qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à son coût qui n'est pas remboursé en totalité par l'assurance maladie obligatoire marocaine, il ne justifie pas de sa situation d'impécuniosité alors qu'il a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 24 ans au moins selon ses propres dires. Il n'établit pas davantage au surplus qu'une fois revenu et établi au Maroc, il ne remplirait pas les conditions de revenu et de résidence fixées par la réglementation marocaine pour obtenir la carte attestant de sa qualité de démuni non assuré social ouvrant droit à un accès gratuit au soins, identique au panier de soins de l'assurance maladie obligatoire française. Dans ces conditions, alors même que M. A... B... s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé par la maison départementale des personnes handicapées de Loire-Atlantique pour la période du 29 mai 2015 au 31 mai 2020, le moyen tiré de ce que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui s'est maintenu irrégulièrement en France en dépit d'une précédente mesure d'éloignement, est célibataire et sans enfant à charge. Il n'exerce aucune activité professionnelle et est hébergé dans un centre d'hébergement d'urgence depuis 2014. Rien ne fait obstacle à ce qu'il retourne au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et où il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales. Dans ces conditions, eu égard à ses conditions de séjour en France, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de séjour a été pris. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que les points 7 et 8, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
10. En sixième lieu, les éléments de la vie personnelle du requérant, tels que décrits au point 8, ne caractérisent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, M. A... B... ne justifie pas non plus de l'existence de motifs exceptionnels lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement des dispositions de cet article. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de cet article.
11. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'une erreur de fait.
12. En huitième lieu, si le requérant soutient que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est contraire au principe de la dignité humaine inscrit dans la Constitution française, il n'assortit ce moyen, à le supposer opérant, d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il doit par suite être écarté.
13. En neuvième lieu, l'intéressé ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une décision portant refus de titre de séjour.
14. En dernier lieu, la circonstance que le requérant ait obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par les autorités françaises en mai 2015 ne lui donne aucun droit au séjour en France. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le requérant peut bénéficier effectivement au Maroc d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnait les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et notamment ses articles 1er, 3, 4, 7, 21 et 26 ainsi que le préambule de la convention relative aux droits des personnes handicapées et ses articles 3, 7 et 11.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
15. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... B... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
16. En deuxième lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans le cas prévu au 3° où elle fait suite à un refus de titre de séjour. Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
17. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français soit entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé.
18. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance du principe constitutionnel du respect de la dignité humaine, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la convention relative aux droits des personnes handicapées doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 12 à 14.
19. En dernier lieu, en vertu de leurs termes mêmes, les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur que le législateur a entendu déterminer dans ce code l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme inopérant.
Sur la décision fixant le pays de destination :
20. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... B... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
21. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination, que le requérant reprend en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 20 du jugement attaqué.
22. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., à Me Cabioch et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2023.
La rapporteure,
L. CHOLLET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02145