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16/06/2023 | FRANCE | N°22NT01412

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 juin 2023, 22NT01412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eiffage Construction Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la communauté d'agglomération Quimperlé communauté à lui verser la somme de 56 101,12 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts moratoires à compter du 22 janvier 2016 et de la capitalisation de ces intérêts, au titre du solde du marché public correspondant au lot " gros œuvre " de la construction de l'Hôtel de la communauté et des services techniques.

Par un jugement n° 19035

12 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné la communauté d'agg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eiffage Construction Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la communauté d'agglomération Quimperlé communauté à lui verser la somme de 56 101,12 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts moratoires à compter du 22 janvier 2016 et de la capitalisation de ces intérêts, au titre du solde du marché public correspondant au lot " gros œuvre " de la construction de l'Hôtel de la communauté et des services techniques.

Par un jugement n° 1903512 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné la communauté d'agglomération Quimperlé communauté à verser à la société Eiffage Construction Bretagne la somme de 3 145,68 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 10 juin 2016 et de la capitalisation de ces intérêts (article 1er), a mis à la charge de la communauté d'agglomération une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société Eiffage Construction Bretagne (article 3) ainsi que les conclusions de la communauté d'agglomération relatives aux frais liés au litige (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mai 2022 et le 5 janvier 2023, la société Eiffage Construction Bretagne, représentée par Me Duteil, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 10 mars 2022 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire au titre du préjudice lié au retard dans la mise à disposition des plateformes pour un montant de 42 241,08 euros hors taxes (HT), soit

50 689, 30 euros TTC, ainsi que celle au titre du préjudice lié à la prolongation de la mise à disposition du matériel de sécurité pour un montant de 1 888,45 euros HT, soit 2 266,14 euros TTC ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Quimperlé communauté à lui verser la somme supplémentaire de 52 955,44 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 22 janvier 2016 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Quimperlé communauté une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a mobilisé ses moyens matériels et son encadrement dès le 15 septembre 2013 afin d'être prête pour le 18 novembre 2013 et exécuter ses obligations contractuelles ; elle a subi un allongement de l'exécution de ses obligations et non un simple décalage de son intervention du fait des fautes du maître d'ouvrage ; elle retient un quantum de douze semaines de retard indemnisable et non de cinq ;

- le maître d'ouvrage a commis des fautes dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins ainsi que dans la conception et la mise en œuvre du marché ; en effet, l'opération a été lancée à une période contre-indiquée par rapport aux informations figurant dans l'étude de sol et les prestations prévues dans le lot " terrassement / VRD " s'agissant du remblai sur les plateformes des bâtiments ne respectaient pas les préconisations figurant dans le rapport de l'étude de sol ; ces manquements ont entrainé des retards de chantier à l'origine des préjudices qu'elle a subis à hauteur de 42 241,08 euros TTC ; le maître d'ouvrage ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant l'existence d'intempéries assimilables à un cas de force majeure dès lors que les relevés du site de Trégunc mettent en évidence le nombre limité de jours pouvant être considérés comme des " jours d'intempéries " selon les conditions du CCAP ;

- pour être indemnisée de la somme de 42 241,08 euros HT liée au retard dans la mise à disposition des plateformes, elle peut également se prévaloir de l'article 49.1 du CCAG travaux de 2009 dès lors que ce sont les intempéries, et non les retards d'exécution intervenus après le démarrage des travaux, qui ont justifié l'ajournement ordonné le 15 janvier 2014 ;

- la prolongation de la mise à disposition du matériel de sécurité pour la période du 24 avril 2014 au 15 septembre 2015 lui a occasionné un préjudice de 1 888,45 euros TTC ; cette prolongation ne résulte pas seulement de la défaillance du titulaire des lots menuiseries, à la supposer établie ; en effet, le maître d'ouvrage a commis des fautes en ne suivant pas les préconisations de l'étude de sol figurant dans le dossier de consultation des entreprises, en supprimant la prestation relative au revêtement provisoire des voiries futures et de chantier prévu dans le CCTP du lot " terrassement/ VRD " alors que ce revêtement devait assurer une bonne tenue durant le déroulement du chantier et en s'abstenant de prendre des mesures coercitives à l'encontre des entreprise défaillantes malgré ses alertes ;

- elle était fondée à demander le paiement des travaux supplémentaires correspondant aux réservations qu'elle a réalisées pour un montant de 3 145,68 euros TTC et les conclusions d'appel incident de Quimperlé communauté devront par conséquent être rejetées.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 novembre 2022 et le 10 janvier 2023, la communauté d'agglomération Quimperlé communauté, représentée par Me Fekri, conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Eiffage Construction Bretagne ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement du 10 mars 2022 ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la société Eiffage Construction Bretagne le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le courriel du 3 mars 2016 ne constitue pas une commande de travaux supplémentaires du maître de l'ouvrage et, à défaut d'avenant, il appartient à la société Eiffage Construction Bretagne de démontrer le caractère indispensable des travaux ; ce caractère indispensable résulte de la défaillance de l'entreprise et le montant des travaux n'est pas indemnisable ;

- elle n'a commis aucun manquement susceptible d'être à l'origine du retard de mise à disposition de la plateforme ; il en va de même de l'interruption des travaux pendant vingt-et-un jours qui ne sont pas à l'origine du retard allégué ; le retard de mise à disposition de la plateforme résulte des fortes intempéries qui se sont abattues sur le territoire de Quimperlé fin 2013 et début 2014 et cet évènement climatique n'est pas susceptible de caractériser une sujétion imprévue ; il s'agit d'un aléa de chantier non indemnisable ; le montant du préjudice allégué, à savoir la somme de 42 241, 08 euros HT, n'est pas justifié dès lors que la société a subi un décalage de son intervention et non son allongement ; il n'est pas démontré que, du fait de ce décalage, ses moyens humains et matériels ont été mobilisés au-delà des prévisions du marché ;

- s'agissant des installations de chantier, la société Eiffage Construction Bretagne devait, au titre du prix global et forfaitaire du marché, procéder à leur maintien sur la durée totale d'exécution des travaux de sorte que le décalage des travaux n'a aucune incidence ; les mêmes frais généraux auraient été supportés sans ce décalage ;

- le délai de décalage des travaux est seulement de neuf semaines portant sur la période du 18 novembre 2013 au 17 janvier 2014 et le décalage d'intervention indemnisable n'est que de cinq semaines, compte-tenu des intempéries réputées prévisibles fixées à l'article 7.2 du CCAP et des deux semaines de congés de fin d'année prévues par le calendrier d'exécution des travaux ;

- l'indemnisation allouée ne peut être que hors taxes dès lors que la société est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle ne demande que l'indemnisation de difficultés d'exécution et non le paiement de prestations ;

- la prolongation de la mise à disposition des matériels de sécurité résulte de la défaillance du titulaire du lot " Menuiseries " et non du maître d'ouvrage ; il appartenait à la société Eiffage Construction Bretagne d'exercer une action à l'encontre des autres intervenants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Roche, substituant Me Duteil, représentant la société Eiffage Construction Bretagne, et de Me Fekri, représentant la communauté d'agglomération Quimperlé communauté.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération Quimperlé Communauté a entrepris en 2013 la construction de l'Hôtel de la communauté et des services techniques. Cette opération de travaux publics a été divisée en 22 lots traités par marchés séparés. Le lot n°1 " gros œuvre " a été attribué à la société Eiffage Construction Bretagne par acte d'engagement du 24 septembre 2013 pour un montant de 1 554 000 euros hors taxes (HT). Il a été réceptionné le 27 janvier 2016, avec des réserves, par le maître d'ouvrage, avec effet au 15 décembre 2015, ces réserves étant levées le 25 avril 2016. Estimant avoir subi des surcoûts résultant de retards dans la mise à sa disposition des plateformes, de la prolongation de la durée de mise à disposition par elle de matériels de sécurité et garde-corps provisoires à la suite d'un décalage des plannings de travaux, et de l'exécution, après l'achèvement de ses prestations, de travaux supplémentaires commandés par ordre de service sans conclusion d'un avenant, la société Eiffage Construction Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la communauté d'agglomération Quimperlé communauté à lui verser la somme de 56 101,12 euros toutes taxes comprises (TTC). Par un jugement du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné la communauté d'agglomération Quimperlé communauté à verser à la société Eiffage Construction Bretagne la somme de 3 145,68 euros TTC, au titre du paiement de travaux supplémentaires constitués par la réalisation de réservations pour la pose de grilles d'aération dans les voiles béton et les maçonneries d'agglos, assortie des intérêts moratoires à compter du 10 juin 2016 et de la capitalisation de ces intérêts (article 1er), a mis à la charge de la collectivité une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société Eiffage Construction Bretagne (article 3) ainsi que les conclusions de la collectivité relatives aux frais liés au litige (article 4). La société Eiffage Construction Bretagne relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a été que partiellement fait droit à sa demande, tandis que la communauté d'agglomération Quimperlé communauté demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation des articles 1er et 2 de ce jugement.

Sur les conclusions d'appel principal de la société Eiffage Construction Bretagne :

En ce qui concerne la responsabilité du maître d'ouvrage :

2. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

3. En premier lieu, il est constant que les plateformes voiries et bâtiments devaient être mises à disposition par le titulaire du lot n° 18 " Terrassement et VRD " pour le démarrage du gros œuvre par la société Eiffage Construction Bretagne le 18 novembre 2013. Le chantier a cependant été décalé du 18 novembre 2013 au 3 février 2014 sur ordres de services du maître d'œuvre, le cabinet d'architectes Compère et Cie, notamment en raison de la nécessité d'évacuer les eaux des sols à la suite des intempéries accumulées sur le secteur de Quimperlé, ayant retardé le chantier puis nécessité son arrêt pour la période du 17 janvier au 31 janvier 2014, et de la décision du 3 décembre 2013, après des négociations entre la maîtrise d'ouvrage et le titulaire du lot n°18, prise afin de prévoir, compte-tenu de l'état des sols, un empierrement pour faciliter la circulation des camions de livraisons sur les plateformes, prestation ajoutée au lot n°18 non prévue au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) originel. La société Eiffage Construction Bretagne n'a en conséquence pu commencer ses propres travaux que le 4 février 2014. Elle a alerté le maître d'œuvre à plusieurs reprises, par courriers des 20 novembre 2013, 20 décembre 2013, 13 janvier 2014 et 15 janvier 2014, tout comme la société d'aménagement du Finistère (SAFI), mandataire du maître d'ouvrage, par courrier du 27 janvier 2014, qu'elle évaluerait l'ampleur des préjudices subis du fait des prolongations de délais une fois intervenue la mise à disposition effective des plateformes. Il résulte en outre de l'instruction qu'au stade de la conception du marché, une étude des sols a été réalisée le 29 juin 2012 à la demande et pour le compte de la SAFI, qui fait état de ce que " les terrains renferment une proportion importante de sols fins qui sont sensibles à l'eau d'où des difficultés de circulation des engins en période pluvieuse. Une réalisation de la plateforme en période favorable non pluvieuse est recommandée " et de la nécessité de proscrire " autant que faire se peut, de faire manœuvrer des engins sur la plateforme décapée ", en privilégiant " un remblaiement instantané de la première couche à l'avancement ". Si cette étude a été jointe au dossier de consultation des entreprises, il résulte de l'instruction que l'article 5 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n°18 " Terrassement et VRD ", signé tant par la communauté d'agglomération Quimperlé communauté, assistée par la SAFI, que par le maître d'œuvre, précise que les réunions de coordination, auxquelles elles participent et au cours desquelles devaient être établis les programmes d'ensemble d'exécution des travaux, seraient fixées à l'initiative du maître d'ouvrage sans que ce CCTP ne fasse état des contraintes mises en exergue par l'étude des sols. Il en résulte qu'en s'abstenant de prendre en compte les contraintes liées à l'état des sols pour fixer le calendrier d'exécution des travaux du lot n°8, la communauté d'agglomération Quimperlé communauté a commis une faute notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché et dans sa mise en œuvre, alors même que d'autres cocontractants peuvent être aussi mis en cause, qui a eu pour conséquence le décalage des dates des prestations réalisées par la société Eiffage Construction Bretagne, comme le soutient la requérante.

4. En deuxième lieu, la société Eiffage Construction Bretagne ne justifie pas que le préjudice lié à la prolongation de la mise à disposition des matériels de sécurité et garde-corps provisoires à la suite du décalage du planning des travaux résulterait d'une faute du maître d'ouvrage ou de son mandataire, et non, comme l'a d'ailleurs constaté le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics (CCIRA) dans son avis du 16 mai 2019, d'un retard imputable à l'entreprise en charge de la pose des menuiseries extérieures, dont les prestations, insuffisantes ou défectueuses, ont dû faire l'objet d'une expertise. Il résulte d'ailleurs d'un courrier du 15 juillet 2015 qu'elle a adressé à la SAFI qu'elle admet que le seul fait générateur de cette prolongation est le sinistre sur les ouvrants de l'Hôtel de communauté. Sa demande d'une somme de 1 888,45 euros HT à ce titre doit être par suite rejetée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 49.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG travaux) : " L'ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. / Le titulaire, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement. ". Sur le fondement de ces stipulations l'entrepreneur a droit à être indemnisé des frais que lui impose la garde du chantier ajourné, ainsi que de l'ensemble des préjudices subis du fait de l'ajournement, à condition toutefois d'établir la réalité de ses préjudices ainsi que leur lien avec l'ajournement, lequel est régi par les stipulations spécifiques précitées et doit être distingué des simples retards d'exécution. La société Eiffage Construction Bretagne ne peut utilement en invoquer le bénéfice dès lors que n'est pas intervenue en l'espèce une décision d'ajournement au sens de ces stipulations mais la notification par le maître d'ouvrage délégué, la SAFI, d'un ordre de service n° 2 du 15 janvier 2014 prescrivant une interruption de chantier de deux semaines, du 17 au 31 janvier 2014, en raison de fortes intempéries sur la région de Quimperlé perturbant et retardant l'accomplissement des travaux du lot " terrassement / VRD ", qui rendaient nécessaires d'évacuer les eaux de ruissellement et de remettre en forme la plateforme en cours de réalisation, et un ordre de service n° 3 du 4 février 2014 notifiant la reprise des travaux à partir du lendemain 5 février.

En ce qui concerne les préjudices :

6. La société Eiffage Bretagne Construction doit apporter la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un préjudice propre aux retards du chantier imputable à la faute de la collectivité maître d'ouvrage ou du maître d'ouvrage délégué dont celle-ci doit répondre.

7. En premier lieu, la requérante ne justifie pas de l'impact financier sur les moyens humains d'encadrement du chantier en se bornant à produire un tableau récapitulatif des sommes versées au chef de chantier principal, au chef de chantier n°2 et au conducteur de travaux, pour la période de novembre 2013 à février 2014, à défaut d'établir que ces personnes n'ont pas effectué d'autres prestations pour son compte pendant cette période.

8. En deuxième lieu, s'agissant des pertes financières liées aux moyens matériels qui auraient été immobilisés sur le chantier pendant la période de novembre 2013 à février 2014, la société Eiffage Construction Bretagne ne justifie de son préjudice qu'à hauteur de 7 305 euros TTC en produisant des factures de location de matériels du 31 janvier et 25 mars 2014 émises par des tiers indiquant la dénomination du chantier. En revanche, il y a lieu d'exclure des justificatifs produits toutes les factures ne mentionnant pas l'adresse du chantier, ainsi que la facturation interne à la société qui est dénuée de valeur probante.

9. En dernier lieu, la société Eiffage Construction Bretagne ne justifie pas des frais généraux dont elle demande l'indemnisation à hauteur de 4 525,83 euros HT. En tout état de cause, ceux-ci consistent en des frais industriels et frais de siège qui auraient été supportés sans le décalage de chantier.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eiffage Construction Bretagne est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande indemnitaire au titre du préjudice lié au retard dans la mise à disposition des plateformes à hauteur de la somme de 7 305 euros TTC.

Sur les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération Quimperlé communauté :

11. Il est constant qu'un ordre de service n° 4 du 27 avril 2015 a été émis par le maître d'œuvre pour notifier à la société Eiffage Construction Bretagne la " nécessité de réaliser dans un délai d'une semaine les réservations manquantes dans les voiles béton et les maçonneries d'agglos suite aux plans de localisation des grilles de ventilation et leurs dimensions transmis par email le 9 mars 2015 par l'entreprise LG Bahuon ". En réponse, par courrier du 27 avril 2015, la société Eiffage Construction Bretagne a indiqué que " Les réservations manquantes sont dues à un manque d'information et/ou de mauvaises informations aux dates de réalisation de nos ouvrages ", et a adressé au maître d'œuvre un devis n° 2 de 2 621,40 euros HT pour ces travaux " complémentaires ". Par ailleurs, il résulte de l'instruction que, selon un courriel du 22 février 2016 adressé par la société requérante au maître d'œuvre, les réservations oubliées sont dues plus précisément à un défaut d'indications du titulaire du lot " Serrurerie " et que la somme de 2 621,40 euros HT devait être déduite du marché de ce lot. La société requérante a également informé la SAFI, par courrier du 9 juin 2015 et par courriel du 3 mars 2016, de ce qu'elle était dans l'attente d'un avenant de régularisation. En réponse, par courriel du 3 mars 2016, la SAFI lui a indiqué " nous attendons le courrier de la MOE que j'ai demandé cette semaine. Ok sur le principe ". Il est constant que les travaux correspondants ont été effectués par la société Eiffage Construction Bretagne.

12. La communauté d'agglomération Quimperlé communauté ne conteste pas sérieusement le caractère indispensable de ces travaux en demandant à ce que la société Eiffage en rapporte la preuve. Si elle soutient qu'il résulte de certaines réservations prévues et contractuellement dues, elle n'en apporte pas la preuve en l'absence notamment des plans correspondants ou de tout document émanant du groupement de maîtrise d'œuvre. Les procès-verbaux de réception ne font d'ailleurs apparaître aucune réserve portant sur ce point. La collectivité ne conteste pas davantage en appel l'évaluation chiffrée à la somme de 2 621,40 euros HT.

13. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération Quimperlé communauté n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la société Eiffage Construction Bretagne la somme de 3 145,68 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 10 juin 2016 et de la capitalisation de ces intérêts, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la communauté d'agglomération Quimperlé communauté. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la collectivité maître d'ouvrage une somme de 1 200 euros à verser à la société Eiffage Construction Bretagne au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La somme que la communauté d'agglomération Quimperlé Communauté a été condamnée à verser à la société Eiffage Construction Bretagne par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 mars 2022 est portée à la somme de 10 450,68 euros TTC, qui portera intérêts dans les conditions prévues par cet article.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 mars 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération Quimperlé communauté ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Il est mis à la charge de la communauté d'agglomération Quimperlé communauté le versement à la société Eiffage Construction Bretagne d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Eiffage Construction Bretagne est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Construction Bretagne et à la communauté d'agglomération Quimperlé communauté.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01412
Date de la décision : 16/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-16;22nt01412 ?
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