La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2023 | FRANCE | N°22NT01380

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 juin 2023, 22NT01380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL SRIM Multiservices a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d'Auge à lui verser la somme de 18 479,60 euros, assortie des intérêts moratoires, au titre de prestations exécutées pour lesquelles elle n'a reçu aucun paiement.

Par un jugement n° 2000894 du 7 mars 2022, le tribunal administratif de Caen a condamné la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d'Auge à verser à la société SRIM Multiservices la somme de 18 47

9,60 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 3 avril 2020 (article 1er...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL SRIM Multiservices a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d'Auge à lui verser la somme de 18 479,60 euros, assortie des intérêts moratoires, au titre de prestations exécutées pour lesquelles elle n'a reçu aucun paiement.

Par un jugement n° 2000894 du 7 mars 2022, le tribunal administratif de Caen a condamné la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d'Auge à verser à la société SRIM Multiservices la somme de 18 479,60 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 3 avril 2020 (article 1er) et a mis à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2022, la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d'Auge, représentée par Me Schlosser, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 mars 2022 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société SRIM Multiservices devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de la société SRIM Multiservices une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de la société SRIM Multiservices était irrecevable en l'absence de " différend " au sens du cahier des clauses administratives générales - fournitures courantes et services de 2009 ; de plus, la demande du titulaire est tardive, chacune des pénalités n'ayant pas été contestée dans le délai de deux mois à compter du jour où le titulaire en a été informé ; en outre, le courrier du 11 janvier 2019 de la communauté de communes, tout comme les courriers du 20 février et 3 juin 2019, ainsi que les deux courriels du 4 juillet 2019 et celui du 8 octobre 2019 sont en eux-mêmes des décisions constituant des différends et le titulaire avait deux mois pour les contester ; or, les réponses par mail et par courrier des 21 janvier, 25 février et 21 juin 2019 ne contestent pas les pénalités appliquées et ne peuvent être considérées comme un mémoire en réclamation ; le titulaire ne s'est pas davantage opposé aux pénalités appliquées entre août et décembre 2019 ; même le courrier du 26 décembre 2019 reçu par la communauté de communes, qui se borne à faire état de factures impayées, ne vaut pas réclamation sur les pénalités ; la réclamation du 28 février 2020, dont la communauté de communes a accusé réception le 3 mars suivant, ne peut porter que sur des différends nés après le 28 décembre 2019 mais ne comporte pas le motif et le montant de chaque somme réclamée ;

- les pénalités appliquées par la communauté de communes sont fondées au regard des mails qu'elle a envoyés qui permettent de justifier que la procédure de constat, prévu à l'article 27 du cahier des clauses administratives particulières qui lie la communauté de communes à la société SRIM Multiservices, a été respectée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2022, la société SRIM Multiservices, représentée par Me Chanut, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d'Auge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable dès lors qu'elle a respecté les délais qui lui étaient impartis ; elle a ainsi mis en demeure la communauté de communes de régler les sommes impayées dans un délai de huit jours par un courrier du 24 décembre 2019 ; un différend est né le 2 janvier 2020 au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales - fournitures courantes et services de 2009 ; elle a formé réclamation le 28 février 2020 ; sa demande était chiffrée et justifiée par les factures transmises ;

- elle a répondu à toutes les réclamations émises par la communauté de communes dans un délai de 48 heures, y compris lorsqu'elle a été mise en demeure et a fait valoir son désaccord concernant les constats d'inexécution du marché invoqués par la communauté de communes ; les pénalités appliquées sont injustifiées ; la collectivité n'a pas respecté les formalités de mise en œuvre permettant au titulaire d'être informé et d'intervenir, le cas échéant, lorsque la qualité d'une prestation est contestée, ainsi qu'il est prévu à l'article 27 du cahier des clauses techniques particulières ; les documents émanant de la collectivité n'identifient pas les sites et les dates en cause de telle sorte que le titulaire n'est pas en mesure de connaître l'objet de chaque pénalité ; aucune pénalité ne pouvait être appliquée pour défaut de communication de badgeages de mars à juillet 2019 pour le montant total de 8 450 euros ; les pénalités pour " prestation mal effectuée " ne font pas l'objet d'un constat permettant de dater et de localiser la prestation concernée et ne sont ainsi pas justifiées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Lescaillez, substituant Me Chanut, représentant la société SRIM Multiservices.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Normandie Cabourg Pays d'Auge (CCNCPA) a conclu le 18 décembre 2018 avec la société SRIM Multiservices un marché public portant sur la réalisation de prestations de nettoyage des locaux avec fourniture de consommables ménagers et sanitaires des sites de la communauté de communes, prenant effet au 1er janvier 2019 et d'une durée d'un an, renouvelable trois fois. Pendant l'exécution des prestations du marché, la collectivité a cependant relevé des dysfonctionnements et a, à plusieurs reprises, mis en demeure la société SRIM Multiservices d'y remédier afin de respecter ses engagements contractuels. Des réunions de mise au point se sont également tenues entre le président de la communauté de communes, le responsable de l'agence SRIM Multiservices et les responsables de secteur. Estimant ne pas avoir obtenu satisfaction, la CCNCPA a appliqué des pénalités de retard, imputées sur les factures présentées par la société SRIM Multiservices, et a décidé de ne pas reconduire le marché pour 2020. Les prestations ont ainsi pris fin le 31 décembre 2019. Par un jugement du 7 mars 2022, dont la CCNCPA relève appel, le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à payer à la société SRIM Multiservices la somme de 18 479,60 euros, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 3 avril 2020, au titre de " factures impayées ".

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG FCS) applicable au marché en cause : " (...) / 2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / 3. Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception du mémoire de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ". Aux termes de l'article 27 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) relatif aux pénalités pour manquement : " Par dérogation à l'article 14 du CCAG-FCS, des pénalités sont appliquées au prestataire en cas de non-respect des engagements contractuels. / Le constat opéré pour déterminer la pénalité sera effectué par le service maîtrise d'ouvrage et signifié au prestataire par courriel le jour même. / Le titulaire s'engage à intégrer dans sa facture mensuelle les montants des pénalités qui lui sont signifiés. / (...) / Toutes ces pénalités sont cumulables. / Prestations de nettoyage pas ou mal effectuées / Tout dysfonctionnement dans les prestations de nettoyage sera notifié par le pouvoir adjudicateur dans le cahier de liaison. Les dysfonctionnements non corrigés dans un délai de 48 heures feront l'objet d'une pénalité (...). / (...) / Les pénalités sont dues quel que soit leur montant. ".

3. Il résulte de l'instruction, notamment des pièces communiquées en appel par la CCNCPA, qu'en l'absence de cahiers de liaison sur les sites faisant l'objet d'une prestation de nettoyage, elle a informé la société SRIM Multiservices par de nombreux courriels de janvier à décembre 2019 du non-respect de ses engagements contractuels en précisant les lieux et les prestations partiellement ou non effectuées de telle sorte que la société SRIM Multiservices était en mesure de connaître l'objet de chacune des pénalités infligées. A défaut de correction des dysfonctionnements ainsi signalés dans un délai de 48 heures après réception d'un courriel, elle a par ailleurs envoyé à la société SRIM Multiservices par lettres recommandées avec accusés de réception quatre mises en demeure des 11 janvier, 20 février, 3 juin et 11 juillet 2019 informant de la mise en œuvre de pénalités conformément à l'article 27 du CCAP, mais également deux courriels des 7 juin 2019 et 8 octobre 2019 faisant état de l'application de ces pénalités. La réception par la société SRIM Multiservices de ces courriels et mises en demeure doit être regardée comme faisant apparaître pour chacun d'entre eux un différend au sens de l'article 37 du CCAG FCS. La société SRIM Multiservices se borne cependant à soutenir qu'elle " s'est constamment efforcée de répondre précisément à la collectivité dès qu'un mécontentement était formalisé " et qu'elle " a répondu à toutes les réclamations émises par les services de la collectivité, y compris lorsque ces réclamations avaient fait l'objet d'une mise en demeure " sans justifier de l'exécution des prestations et d'actions correctives suite aux courriels reçus, contrairement à ce qu'elle soutient. Elle n'a par ailleurs pas intégré dans sa facturation mensuelle le montant des pénalités qui lui ont été ainsi signifiées et qui étaient dues quel que soit leur montant, sans pour autant en contester l'application par un mémoire en réclamation dans le délai de deux mois courant à compter du jour où sont nés les différends. La CCNCPA, qui pouvait procéder au paiement partiel des prestations facturées en infligeant lesdites pénalités, est ainsi fondée à soutenir que le mémoire de réclamation de la société SRIM Multiservices du 28 février 2020, reçu le 3 mars 2020, était tardif et que sa demande présentée devant le tribunal administratif de Caen aux fins de condamnation de la communauté de communes au règlement de " factures impayées ", correspondant aux seules pénalités, était en conséquence irrecevable.

4. En tout état de cause, la réclamation du 28 février 2020 de la société SRIM Multiservices pour paiement d'une somme globale de 18 479,60 euros TTC ne comporte pas les précisions suffisantes pour déterminer les motifs et le montant de chaque somme réclamée pour la période de janvier à décembre 2019 et se borne à solliciter le montant global sus-rappelé " au titre de plusieurs dizaines de factures non réglées ", après avoir d'ailleurs mis en demeure la communauté de communes par une lettre RAR du 24 décembre 2019 de payer une somme de 22 106 euros. Ce montant n'est en outre pas davantage justifié par la production d'une liste de factures impayées et de lettres de relance alors que la CCNCPA soutient, sans être sérieusement contestée, qu'elle a infligé à la société des pénalités à hauteur de 17 500 euros pour cette période et que le montant des sommes impayées peut correspondre tant à des pénalités qu'à des prestations non effectuées par la société.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la CCNCPA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à verser à la société SRIM Multiservices la somme de 18 479,60 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 3 avril 2020.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société SRIM Multiservices. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société SRIM Multiservices une somme de 1 500 euros à verser à la CCNCPA au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 mars 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société SRIM Multiservices devant le tribunal administratif de Caen et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Il est mis à la charge de la société SRIM Multiservices le versement à la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d'Auge d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Normandie Cabourg Pays D'Auge et à la société SRIM Multiservices.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01380
Date de la décision : 16/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CABINET CHANUT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-16;22nt01380 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award