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13/06/2023 | FRANCE | N°22NT02452

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 13 juin 2023, 22NT02452


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ribs Immobilier, M. C... D... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le maire de Ploemeur (Morbihan) a refusé de délivrer à la société Ribs Immobilier un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de sept lots à bâtir sur les parcelles cadastrées à la section DW sous les nos 162, 163, 165 et 166, situées rue des Chasseurs, ainsi que la décision implicite portant rejet du recours gracieu

x formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1905255 du 17 juin 2022, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ribs Immobilier, M. C... D... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le maire de Ploemeur (Morbihan) a refusé de délivrer à la société Ribs Immobilier un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de sept lots à bâtir sur les parcelles cadastrées à la section DW sous les nos 162, 163, 165 et 166, situées rue des Chasseurs, ainsi que la décision implicite portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1905255 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 25 juin 2019 du maire de Ploemeur ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté, et a enjoint au maire de Ploemeur de délivrer le permis d'aménager sollicité, le cas échéant assorti de prescriptions, dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, la commune de Ploemeur, représentée par Me Vos, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SARL Ribs Immobilier, M. C... D... et Mme E... D... devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la SARL Ribs Immobilier, de M. C... D... et de Mme E... D..., le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le motif de refus de délivrance du permis d'aménager, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ; le schéma de cohérence territoriale du Pays de Lorient, dans sa version applicable, n'identifie pas le lieu-dit " Saint-Bieuzy ", au sein duquel se situe le projet, comme une agglomération ou un village ; l'espace au sein duquel se situe le terrain d'assiette du projet ne présente pas un nombre et une densité significatifs de constructions, et ne peut être regardé comme urbanisé ;

- les autres moyens soulevés à l'appui de la demande de première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, Mme B... A..., venant aux droits de M. et Mme D..., décédés les 26 juillet et 22 décembre 2022, représentée par Me Talmon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Ploemeur le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, annulé, à la demande de la SARL Ribs Immobilier, de M. C... D... et de Mme E... D..., l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le maire de Ploemeur a refusé de délivrer à la société Ribs Immobilier un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de sept lots à bâtir sur les parcelles cadastrées à la section DW sous les n°s 162, 163, 165 et 166, situées rue des Chasseurs, ainsi que la décision implicite portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté et, d'autre part, enjoint au maire de Ploemeur de délivrer le permis d'aménager sollicité, le cas échéant assorti de prescriptions, dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision. La commune de Ploemeur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer le permis d'aménager sollicité, le maire de Ploemeur s'est initialement fondé sur le motif tiré de ce que le projet méconnaissait l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, en ce qu'il se situait en dehors des espaces urbanisés de la commune.

3. D'une part, l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme dispose que les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues par le même code. En vertu du premier alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, les dispositions du chapitre relatif à l'aménagement et à la protection du littoral sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l'environnement. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, ajouté par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre [relatif à l'aménagement et protection du littoral]. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants.

6. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.

7. En l'espèce, le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays de Lorient, dans sa version applicable approuvée le 16 mai 2018, prévoit que " Les agglomérations sont définies / a) soit comme des ensembles urbains d'une taille significative (dont les centralités principales des communes), disposant d'une mixité de fonction avec un cœur d'habitat dense et regroupé, comprenant des services, des commerces, des activités économiques, des équipements, / b) soit comme des zones d'activités de grande taille, qui compte tenu de l'emprise foncière occupée par les activités déjà présentes sur le site est suffisamment significative pour faire regarder ce secteur comme présentant, eu égard à la configuration particulière d'une zone d'activité économique, un caractère urbanisé. / Les villages sont définis comme des entités bâties combinant / a) la présence d'un noyau ou d'une trame urbaine traditionnelle ou hiérarchisée, / b) la présence d'un nombre suffisant de constructions hérité de la centralité passée du site et caractérisées par une densité significative, / c) la présence, active ou passée, de lieux de vie et d'équipements permettant au site de se développer et de jouer un rôle actif dans le projet communal et non pas constituer une simple opportunité de quelques constructions. ". Le même point du DOO précise que les plans locaux d'urbanisme " organisent l'extension de l'urbanisation en continuité des agglomérations et villages " et " apprécient à leur échelle, les limites externes des agglomérations et villages (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans et photographies produits, que le terrain d'assiette du projet est situé au sein du lieu-dit " Saint-Bieuzy ", lequel s'inscrit dans le prolongement du lieu-dit " Le Rhun ", sur le territoire de la commune de Trégastel. Le secteur comporte environ cent cinquante constructions organisées de manière dense autour d'une même voie de circulation. La zone forme un ensemble urbanisé et cohérent caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions. La circonstance que le point 1.4.1 du DOO du SCOT du Pays de Lorient approuvé le 16 mai 2018, n'identifie pas le secteur englobant les lieux-dits " Saint-Bieuzy ", et " Le Rhun " comme un village ou une agglomération au sens des dispositions citées au point 4, n'est pas de nature à établir qu'il ne formerait pas un ensemble urbanisé, compte tenu notamment des autres dispositions du schéma de cohérence territoriale déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés ainsi que de la latitude laissée par ce document aux auteurs des plans locaux d'urbanisme pour apprécier les limites externes des agglomérations et villages. Par suite, en refusant le permis d'aménager litigieux, le maire de Ploemeur a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

9. L'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. Pour établir que les décisions contestées étaient légales, la commune de Ploemeur a invoqué, dans son mémoire en défense de première instance communiqué à la société Ribs Immobilier et aux consorts D..., la circonstance que l'accès au projet litigieux était de nature à porter atteinte à la sécurité publique, et méconnaissait ainsi les articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et Ub 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

11. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

12. Aux termes de l'article Ub 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Ploemeur : " (...) Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique, éviter tout danger et permettre de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie, de la protection civile, de protection des piétons et d'enlèvement des ordures ménagères. Toutefois, un accès ne peut avoir une largeur inférieure à 3 mètres. Tout accès dangereux pour le public sera interdit. ".

13. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'accès au projet suppose d'emprunter sur quelques mètres, avant d'accéder à la voie interne au lotissement, le chemin de Korn et Houet, qui présente une largeur suffisante d'environ 4 mètres. Ce chemin, qui dessert déjà plus d'une dizaine d'habitations, est lui-même accessible par la route départementale 163, au niveau de laquelle la voie est rectiligne et la vitesse est limitée à 50 kilomètres par heure. Dans ces conditions, l'accès au projet ne présente de risque ni pour la sécurité des usagers de la rue, y compris des cyclistes, ni pour celle des personnes utilisant ces accès. La commune n'établit pas, ni même n'allègue, que l'accès des engins de lutte contre l'incendie aux différents bâtiments envisagés serait impossible par le même chemin, lui-même accessible depuis la voie départementale, qui présente des caractéristiques suffisantes pour permettre la circulation de ces véhicules.

14. Il suit de ce qui précède que la demande de substitution de motifs sollicitée par la commune, et tirée de ce que le projet litigieux méconnaît les articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et Ub 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, ne peut être accueillie.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Ploemeur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 25 juin 2019 du maire de Ploemeur ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté, et a enjoint au maire de Ploemeur de délivrer le permis d'aménager sollicité, le cas échéant assorti de prescriptions.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la commune de Ploemeur et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière le versement de 1 500 euros à Mme A... au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Ploemeur est rejetée.

Article 2 : La commune de Ploemeur versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Ploemeur, à Mme B... A... et à la SARL Ribs Immobilier.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2023.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT02452


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02452
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL LVI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-13;22nt02452 ?
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