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13/06/2023 | FRANCE | N°22NT00858

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 13 juin 2023, 22NT00858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme B... F... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision implicite de l'ambassade de France en Ethiopie rejetant les demandes de visa de long séjour présentées pour Mme B... F... H... et l'enfant G... C... D... en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2104630 du 18 octobre

2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme B... F... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision implicite de l'ambassade de France en Ethiopie rejetant les demandes de visa de long séjour présentées pour Mme B... F... H... et l'enfant G... C... D... en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2104630 du 18 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mars 2022, M. C... D... et Mme B... F... H..., représentés par Me Rodrigues-Devesas, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation, le lien familial invoqué étant établi par les documents d'état civil produits et par les éléments de possession d'état ;

- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 17 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frank a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 18 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... D... et Mme B... F... H... tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision implicite de l'ambassade de France en Ethiopie rejetant les demandes de visa de long séjour présentées pour Mme B... F... H... et l'enfant G... C... D... en qualité de membres de famille de réfugié. M. D... et Mme F... H... relèvent appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, et dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 561-2 à L. 561-5 du même code : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de la demande d'asile ; /2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue. ; / (...) II.- (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". L'article L. 721-3, alors en vigueur, du même code dispose, et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 121-9 du même code que : " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine. Les pièces délivrées par l'office ne sont pas soumises à l'enregistrement ni au droit de timbre ". Il résulte de ces dispositions que les actes établis par l'Office français des réfugiés et des apatrides sur le fondement des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas d'absence d'acte d'état civil ou de doute sur leur authenticité, et produits à l'appui d'une demande de visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, présentée pour les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire dans le cadre d'une réunification familiale, ont, dans les conditions qu'elles prévoient, valeur d'actes authentiques qui fait obstacle à ce que les autorités consulaires en contestent les mentions, sauf en cas de fraude à laquelle il appartient à l'autorité administrative de faire échec. Par ailleurs, la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.

3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, aujourd'hui repris à l'article L. 811-2 du même code, prévoit en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur en première instance, que pour rejeter les demandes de visas présentées pour Mme F... H... et l'enfant G... C... D..., la commission de recours s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité des demandeurs de visas, qui n'ont présenté aucun document d'identité, et partant, leur lien familial avec M. C... D..., ne sont pas établis.

5. D'une part, pour justifier de l'identité de Mme F... H..., et de son lien marital avec M. D..., ont été produits un certificat de mariage établi le 20 mars 2019 par le directeur général de de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en application de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faisant état du mariage le 25 janvier 2010 à Adi Ketina (Erythrée) de M. C... D... et de Mme B... F..., née le 1er janvier 1988 à Ad Ketina de l'union de M. F... H... et de Mme A... E.... Le ministre n'établit pas ni même n'allègue que ce document serait entaché de fraude. Toutefois, les requérants ne produisent ni acte d'état civil ni même document de voyage susceptible de justifier de l'identité de Mme F... H.... Par ailleurs, les éléments de possession d'état produits, qui consistent essentiellement en un certificat de mariage délivré par l'église érythréenne orthodoxe tewahedo, des justificatifs de transferts d'argent réalisés en 2020 et 2022, un certificat d'enregistrement auprès du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations-Unies (HCRNU), des captures d'écran d'échanges électroniques non traduits, et des photographies insuffisamment probantes, ne sont pas suffisants pour établir l'identité de la demanderesse de visa.

6. D'autre part, pour justifier de l'identité de la jeune G... C... D..., ont été produits un certificat de baptême délivré le 20 mai 2013 par l'église orthodoxe tewahedo non signé par le père de l'enfant, quelques photographies et un certificat d'enregistrement auprès du HCRNU. Toutefois, et alors qu'aucun de ces documents ne présente le caractère d'acte d'état civil, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir l'identité de la demandeuse de visa.

7. Il résulte de ce qui précède que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans faire une inexacte application des dispositions précitées, rejeter la demande de visa litigieuse au motif que l'identité de Mme F... H... et de la jeune G... C... D..., et partant, leur lien familial à l'égard de M. D..., n'étaient pas établis.

8. En second lieu, le lien familial n'étant pas établi, ainsi qu'il vient d'être dit, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme F... H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... et de Mme F... H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme B... F... H... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2023.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00858
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-13;22nt00858 ?
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