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13/06/2023 | FRANCE | N°22NT00605

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 13 juin 2023, 22NT00605


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E..., M. F... C... A... E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 17 juillet 2020 de l'ambassade de France au Congo refusant de délivrer à M. F... C... A... E... et à M. D... E... des visas de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2101250 du 12 juillet

2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E..., M. F... C... A... E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 17 juillet 2020 de l'ambassade de France au Congo refusant de délivrer à M. F... C... A... E... et à M. D... E... des visas de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2101250 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 février 2022, 11 avril 2022, 24 février 2023 et 8 mars 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, MM. B..., D... et F... C... A... E..., représentés par Me Lejosne, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 2 décembre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer les demandes de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) plus subsidiairement, d'enjoindre la réalisation d'une mesure d'expertise génétique sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement à M. B... E... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il n'indique pas les motifs pour lesquels il écarte les documents notamment d'état-civil produits, alors que la charge de la preuve incombe à l'administration ;

- les liens de filiation unissant MM. D... et F... C... A... E... à M. B... E... sont établis par les documents d'état-civil et passeports produits, alors qu'aucune fraude n'est établie ;

- la filiation par possession d'état est établie ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La demande présentée par M. E... au titre de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 28 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- et les observations de Me Lejosne, représentant les consorts E....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E..., ressortissant congolais né le 12 mars 1976 à Brazzaville (République du Congo), a obtenu par une décision du préfet de la Loire-Atlantique du 31 décembre 2019 une autorisation de regroupement familial au profit de ses enfants allégués, les jeunes D... E... et F... C... A... E..., nés respectivement les 9 septembre 2001 et 1er janvier 2003. Par une décision du 17 juillet 2020, les autorités consulaires françaises à Brazzaville ont rejeté les demandes de visas de long séjour présentées par ces derniers au titre du regroupement familial. Par une décision du 2 décembre 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'ils ont présenté contre cette décision consulaire. Par un jugement du 12 juillet 2021 dont MM. B..., F... C... A... et M. D... E... relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 2 décembre 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés. ".

3. En son point 5 le jugement attaqué écarte avec une motivation suffisante les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation, soulevés par M. E... afin d'établir les liens de paternité allégués l'unissant aux jeunes F... C... A... et D... E.... Par suite, et alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des intéressés, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter le recours formé par M. E... contre les refus de visas sollicités au titre du regroupement familial pour MM. F... C... A... et D... E..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le fait que les actes d'état-civil produits ne permettaient pas, après un relevé d'acte, d'établir l'identité des intéressés, et, par voie de conséquence, leur filiation alléguée à l'égard de M. E..., eu égard à l'intention frauduleuse ainsi révélée.

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-6, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ", ce dernier article disposant dans sa version alors applicable que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir l'identité de MM. F... C... A... et D... E..., M. B... E... a produit deux actes de naissance établis les 30 septembre 2001 et 28 janvier 2003. Toutefois, en réponse à des procédures de levée d'acte, les autorités congolaises chargées de l'état-civil ont indiqué que le premier de ces actes était inexistant eu égard à sa numérotation et que le second comportait un numéro de registre erroné, et correspondait à un tiers dans le registre le plus proche. Par ailleurs, eu égard à ce qui précède et compte tenu de son objet, le jugement du 16 mars 2018 du tribunal d'instance d'Igné (Congo) accordant à M. B... E... la tutelle des deux demandeurs de visa, produit pour la première fois en appel, n'est pas davantage de nature à établir l'identité des intéressés et leur filiation. Dans ces conditions, et alors encore que les deux demandeurs de visas se prévalent de passeports délivrés par les autorités congolaises en février et mars 2020, leur identité n'est pas établie.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 311-1 du code civil : " La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. / Les principaux de ces faits sont : / 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ; / 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; / 3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ; / 4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ; / 5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue. ". Selon l'article 311-2 du même code : " La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque. ".

9. Afin d'établir les liens de filiation allégués par possession d'état, M. B... E... se prévaut de l'envoi d'argent à sa mère, qui atteste avoir la garde de MM. F... C... A... et D... E... abandonnés par leur mère, de voyages effectués au Congo, de trois photographies récentes avec les deux intéressés, de copies d'échanges télématiques, ainsi que le jugement du 16 mars 2018 du tribunal d'instance d'Igné lui accordant la tutelle des deux demandeurs de visa avec l'accord de la mère de ces derniers. Ces divers éléments sont toutefois insuffisants pour établir par possession d'état le lien de filiation des deux demandeurs de visa à l'égard de M. B... E....

10. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à l'expertise sollicitée, que MM. B..., F... C... A... et D... E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de MM. B..., F... C... A... et D... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à M. F... C... A... E..., à M. D... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

J. FRANCFORT

La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00605
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : LEJOSNE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-13;22nt00605 ?
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