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09/06/2023 | FRANCE | N°22NT00550

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 09 juin 2023, 22NT00550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Bretagne Transports 56 a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été réclamés au titre des années 2013 à 2016 et du rappel de taxe foncière sur les propriétés bâties qui lui a été réclamé au titre de l'année 2016 et, d'autre part, la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre des années 2018 et 2019 et de la cotisation foncière des entrepri

ses mise à sa charge au titre de l'année 2019 à raison de son établissement situé à Guid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Bretagne Transports 56 a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été réclamés au titre des années 2013 à 2016 et du rappel de taxe foncière sur les propriétés bâties qui lui a été réclamé au titre de l'année 2016 et, d'autre part, la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre des années 2018 et 2019 et de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2019 à raison de son établissement situé à Guidel.

Par un jugement n° 2000493, 2000495, 2000496, 2003083, 2003103 du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 février 2022 et 7 mars 2023 la SAS Bretagne Transports 56, représentée par Me Rocaboy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge et la réduction sollicitées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle se prévaut d'une réforme de l'article 1500 du code général des impôts en 2018 selon laquelle lorsque la valeur des installations techniques, matériels et outillages présents dans les bâtiments ou sur les terrains et destinés à l'activité ne dépasse pas un montant de 500 000 euros, ces bâtiments et terrains ne revêtent pas un caractère industriel ;

- certains équipements qui ne sont pas comptabilisés dans le compte 215 du plan général comptable intitulé " Installations techniques, matériels et outillage industriels " doivent être exclus de l'assiette de la taxe foncière des propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises ;

- c'est à tort que le service a qualifié son établissement situé à Guidel d'établissement industriel compte tenu de la place prépondérante de certains équipements ;

- elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des quatorze fiches techniques, publiées sur le site internet " impots.gouv.fr " et relatives au caractère industriel des établissements, et des jugements ou arrêts rendus par la juridiction administrative ;

- elle se prévaut d'une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales résultant des jugements ou arrêts rendus par la juridiction administrative.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 août 2022 et 20 mars 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Bretagne Transports 56 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Perrot,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a assujetti la SAS Bretagne Transports 56, qui exerce une activité de transport routier des produits de la mer et produits frais, à des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés au titre de l'année 2016 et de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013 à 2016 à raison d'un bâtiment à usage de plateforme logistique sous température dirigée exploité par elle à Guidel. Elle a contesté devant le tribunal administratif de Rennes ces cotisations supplémentaires ainsi que les cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés établies au titre des années 2018 et 2019 et la cotisation foncière des entreprises établie au titre de l'année 2019. Elle relève appel du jugement du 30 décembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur la compétence de la cour :

2. Il résulte des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.

3. Par le jugement attaqué du 30 décembre 2021 le tribunal administratif a statué en premier et dernier ressort sur les conclusions de la société requérante relatives aux cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre des années 2016, 2018 et 2019, dès lors qu'il n'a pas statué, par le même jugement, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises concernant les mêmes biens appréciés la même année, qui sont celles versées par cette société au titre des années 2018, 2020 et 2021. La cour n'est donc pas compétente pour statuer sur les conclusions relatives aux cotisations contestées de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à la charge de la société au titre des années 2016, 2018 et 2019. Dès lors, il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de renvoyer au Conseil d'Etat ces conclusions.

Sur les autres conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

S'agissant de la qualification industrielle de l'établissement :

4. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies, à l'article 1496 du code général des impôts pour ce qui est des " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une activité salariée à domicile ", à l'article 1498 en ce qui concerne les locaux autres que ceux mentionnés au I de l'article 1496, les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501 et à l'article 1499 s'agissant des " immobilisations industrielles ".

5. Revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

6. Il résulte de l'instruction que les locaux en litige comprennent une plateforme logistique de 1 966 m² dotée de dix-huit quais de chargement et déchargement des marchandises, d'une station de lavage, d'un local de charge des batteries des équipements de manutention, d'un local de stockage des palettes, d'un atelier de mécanique, de vestiaires et de bureaux. La plateforme logistique est dotée d'équipements frigorifiques permettant de maintenir la température à quelques degrés au-dessus de zéro centigrade, d'un prix de revient total de 457 165 euros. Ce montant intégre les panneaux isothermes installés dans l'extension du bâtiment, et la circonstance que ces panneaux ne seraient pas dissociables de l'immeuble qui les abritent ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient regardés comme des moyens techniques. Les quais comprennent des équipements techniques d'un prix de revient estimé à un montant de 107 100 euros. Par ailleurs, la société requérante utilise également du matériel et de l'outillage de manutention, dont le prix de revient est estimé par elle à 73 274 euros, avec quelques fluctuations selon les années concernées. L'entrepôt abrite des matériels et outillages d'un prix de revient de 25 220 euros de 2012 à 2014, de 26 840 euros en 2015 et 2016, puis de 29 563 euros en 2017 et 49 880 euros en 2018. Le prix de revient total des moyens techniques a été estimé entre 660 000 euros et plus de 700 000 euros selon les années.

7. Les moyens techniques recensés au point précédent sont importants au regard de leur consistance et de leur valeur. Par ailleurs, ils permettent le maintien de la chaîne du froid pour les denrées transportées, à l'occasion de leur transbordement d'un camion à un autre, accroissent les capacités de manutention du personnel de quai, représentant durant les années en litige de 15 à 18 personnes pour les dix-huit quais de chargement et déchargement, réduisent les durées de déchargement et chargement et, par suite, le temps de transport total des produits de la mer, et accroissent les volumes pouvant être traités par cette plate-forme logistique. Par suite, et même si certains d'entre eux ne sont pas comptabilisés dans le compte 215 du plan général comptable intitulé " Installations techniques, matériels et outillage industriels ", de tels moyens ou équipements techniques jouent dans leur ensemble un rôle prépondérant dans l'activité exercée par la société requérante. La qualification industrielle donnée par l'administration à l'établissement de Guidel et la méthode d'évaluation de sa valeur locative qui en découle ne peuvent donc être remises en cause.

8. Si la société requérante entend, cependant, invoquer les dispositions du B de l'article 1500 du code général des impôts qui prévoient que, lorsque la valeur comptable des biens utilisés pour l'activité ne dépasse pas 500 000 euros, la qualification industrielle n'est pas retenue, ces dispositions dans leur rédaction résultant de la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2020, soit postérieurement à la mise en recouvrement des impositions contestées, et ne sont pas applicables au litige.

S'agissant des biens d'équipement spécialisés :

9. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.

10. Il résulte de l'instruction, en particulier des éléments factuels rappelés aux points 6 et 7 et des précisions apportées par la société requérante, que les installations frigorifiques, d'une valeur de 371 232 euros, sont spécifiquement adaptées aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement de transport de produits de la mer tant pour maintenir leur fraîcheur que pour préparer ces produits dans les meilleures conditions préalables de transport et de conservation. Il en est de même pour l'immobilisation intitulée " équipements de quais ", d'un montant de 107 100 euros, ces équipements, qui correspondent à des portes automatiques ou sectionnelles, permettant la manutention des marchandises le plus rapidement possible sur les quais afin d'éviter toute perte de température froide. Ainsi, la somme globale de 478 332 euros doit être exclue des bases d'imposition de la cotisation foncière des entreprises à laquelle la SAS Bretagne Transports 56 a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 et 2019.

11. En revanche, ni l'immobilisation intitulée " équipement station carburant ", quand bien même elle concourrait aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel, ni l'immobilisation intitulée " banquettes polyester ", d'un montant de 38 048 euros, ne sont, en l'absence de précisions, spécifiquement adaptées à ces activités.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

12. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des quatorze fiches techniques, publiées sur le site internet " impots.gouv.fr ", et contenues dans le rapport relatif aux modalités d'évaluation et à la sécurisation de la qualification des locaux industriels remis par le gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat , dès lors que ces fiches illustratives, qui visent à expliciter à l'aide d'exemples concrets les critères pris en compte pour qualifier, ou non, un local de local industriel et à rappeler certaines notions et bonnes pratiques, ne constituent pas une instruction de l'administration fiscale ni ne comportent une interprétation de la loi fiscale.

13. Enfin les jugements ou arrêts rendus par la juridiction administrative ne constituent pas un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ou une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du même livre, de sorte que la société requérante n'est pas fondée à s'en prévaloir.

14. Il résulte de ce qui précède que la SAS Bretagne Transports 56 n'est fondée que dans la mesure définie au point 10 à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes relatives aux cotisations foncières des entreprises mises à sa charge au titre des années 2013 à 2016 et 2019.

Sur les frais de l'instance :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SAS Bretagne Transports 56 de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la SAS Bretagne Transports 56 tendant à la décharge des rappels de taxe foncière sur les propriétés bâties mis à sa charge au titre des années 2016, 2018 et 2019 dans les rôles de la commune de Guidel sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Article 2 : Les bases d'imposition aux cotisations foncières des entreprises auxquelles la SAS Bretagne Transports a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 et 2019 sont réduites d'une somme globale de 478 332 euros.

Article 3 : La SAS Bretagne Transports 56 est déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 et 2019 correspondant à la réduction de la base d'imposition prononcée à l'article 2.

Article 4 : Le jugement n°2000493, 2000495, 2000496, 2003083, 2003103 du tribunal administratif de Rennes du 30 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la SAS Bretagne Transports 56 la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Bretagne Transports 56 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2023.

La présidente-rapporteure

I. PerrotL'assesseur

A. Penhoat

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00550
Date de la décision : 09/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : LES CONSEILS D'ENTREPRISES (LCE QUIMPER)

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-09;22nt00550 ?
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