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02/06/2023 | FRANCE | N°22NT03293

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 juin 2023, 22NT03293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 avril 2021 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande de titre de séjour temporaire pour raisons de santé.

Par un jugement no 2103177 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2022, Mme D..., représentée par Me Douard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d

u tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du préfet d'Ill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 avril 2021 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande de titre de séjour temporaire pour raisons de santé.

Par un jugement no 2103177 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2022, Mme D..., représentée par Me Douard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 22 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, dès lors que les premiers juges ont substitué d'office au motif de la décision contestée un autre motif, qui, de plus, n'a pas été préalablement soumis au contradictoire ;

- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation, au regard des dispositions de l'article 47 du code civil et de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant du caractère non-établi de son identité et méconnaît ces dispositions, compte tenu de l'authenticité de ses documents d'identité.

La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit d'observations.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les observations de Me Douard, représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante congolaise, est entrée en France le 22 juin 2018. Par une demande du 29 juillet 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans un avis du 18 novembre 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a reconnu que l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'aucun traitement approprié n'est disponible dans son pays d'origine. Toutefois, par une décision du 22 avril 2021, le préfet

d'Ille-et-Vilaine a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme D... en raison d'irrégularités entachant les actes d'état civil communiqués à l'appui de la demande. Mme D... relève appel du jugement du 26 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 avril 2021.

2. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...). ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

3. La requérante a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un passeport valide jusqu'au 21 février 2022, un acte de notoriété supplétif à un acte de naissance ainsi qu'une ordonnance d'homologation. Pour écarter comme non authentiques, les documents présentés par l'intéressée pour justifier de son identité, comme A... D..., née le 27 juillet 1976, de nationalité congolaise, le préfet a notamment pris en compte la circonstance que l'analyse par comparaison des empreintes digitales de l'intéressée avec la base de données " Visabio " la faisait apparaitre sous l'identité de Mme B... C..., née le 27 juillet 1976 et de nationalité angolaise. Or, il ressort des pièces du dossier que cette dernière identité est une identité d'emprunt, qui a été utilisée avec l'aide d'un passeur par l'intéressée pour entrer au Portugal. Si le préfet relevait aussi dans la décision contestée que le passeport produit à l'appui de la demande était irrégulier, ce document avait cependant été regardé comme authentique par les services de la police de l'air et des frontières, ces services ayant seulement relevé que le passeport avait été établi, le 22 février 2017, antérieurement à l'acte de notoriété supplétif à un acte de naissance du 3 septembre 2018, homologué par une ordonnance du président du tribunal de paix de Kinshasa/Ngaliema du 20 septembre suivant. Or, antérieurement à l'établissement du passeport, l'intéressée était connue des autorités congolaises comme A... D..., comme il ressort de sa carte d'électeur délivrée le 12 juin 2011, de l'attestation de naissance établie le 25 mai 2012 et de son acte de mariage du 29 décembre 2012. C'est sous cette identité également qu'elle s'est fait connaître des autorités portugaises auprès desquelles elle a sollicité l'asile le 19 avril 2018. Par suite, en relevant que les documents produits par la requérante relativement à son identité étaient dénuées de valeur probante, le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

5. L'exécution du présent jugement implique nécessairement mais seulement que le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la demande d'admission au séjour de Mme D..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et la munisse, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2022 et la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 22 avril 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la demande d'admission au séjour de Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Douard une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2023.

Le rapporteur

X. CatrouxLe président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT03293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03293
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : PENAUD et DOUARD AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-02;22nt03293 ?
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