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26/05/2023 | FRANCE | N°22NT02881

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 mai 2023, 22NT02881


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2101739 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 septembre 2022 et 11 avril 2023, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tri

bunal administratif de Rennes du 8 juillet 2022 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... A....

Il sou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2101739 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 septembre 2022 et 11 avril 2023, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 juillet 2022 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... A....

Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, c'est sans commettre d'erreur de droit qu'il a rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressée, lequel était soumis à l'obligation de détenir l'autorisation spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand bien même son titre de séjour délivré à Mayotte n'était plus en cours de validité à la date de sa demande.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2023, Mme B... A..., représentée par Me Salin, conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel et demande en outre à la cour d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le moyen soulevé par le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- les dispositions des articles L. 832-2 et R. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont entachées d'inconventionnalité au regard du droit de l'Union européenne dès lors qu'ils méconnaissent le droit de circulation et de séjour reconnu par l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le principe de droit international garantissant l'accès et le séjour dans un Etat membre au ressortissant de cet Etat, ainsi que le droit à la vie privée et familiale, le droit à l'éducation et l'intérêt supérieur de l'enfant, garantis respectivement par les articles 7, 14 et 24 §2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- ces mêmes dispositions sont entachées d'inconventionnalité dès lors qu'elles méconnaissent les stipulations des articles 2 et 3 du protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation pour les ressortissants étrangers parents d'enfant français à Mayotte de présenter un visa de type D crée une discrimination contraire aux stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 2 du protocole n° 4 à cette convention, ainsi qu'à l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- et les observations de Me Salin représentant Mme B... A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante comorienne née le 5 février 1984, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" valable à Mayotte du 24 mai 2018 au 23 mai 2019, est entrée sur le territoire de la France métropolitaine le 18 octobre 2018, selon ses déclarations. L'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 17 juin 2019. Par un arrêté du 15 octobre 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 8 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur régit la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" et prévoit notamment qu'elle est délivrée de plein droit, sauf menace pour l'ordre public, " 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". Le titulaire d'une telle carte de séjour, comme tout étranger séjournant régulièrement sur le territoire, peut en principe, ainsi que l'énonce l'article R. 321-1 du code, circuler librement " en France ", c'est à dire, conformément à ce qui résulte de l'article L. 111-3, en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte.

3. Toutefois, l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limite la validité territoriale des titres de séjour délivrés à Mayotte, en disposant que " les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat à Mayotte, à l'exception des titres délivrés en application des dispositions des articles L. 121-3, L. 313-4-1, L. 313-8, du 6° de l'article L. 313-10, de l'article L. 313-13 et du chapitre IV du titre Ier du livre III, n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte ". En vertu du deuxième alinéa de cet article L. 832-2, " les ressortissants de pays figurant sur la liste (...) des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par le représentant de l'Etat à Mayotte après avis du représentant de l'Etat dans le département où ils se rendent, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier des intéressés hors du territoire de Mayotte et des considérations d'ordre public ". Sous la qualification de " visa ", ces dispositions instituent une autorisation spéciale, délivrée par le représentant de l'Etat à Mayotte, que doit obtenir l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte dont la validité est limitée à ce département, lorsqu'il entend se rendre dans un autre département. La délivrance de cette autorisation spéciale, sous conditions que l'étranger établisse les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour et les garanties de son retour à Mayotte, revient à étendre la validité territoriale du titre de séjour qui a été délivré à Mayotte, pour une durée qui ne peut en principe excéder trois mois.

4. Les dispositions de l'article L. 832-2, qui subordonnent ainsi l'accès aux autres départements de l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte à l'obtention de cette autorisation spéciale, font obstacle à ce que cet étranger, s'il gagne un autre département sans avoir obtenu cette autorisation ou s'il s'y maintient au-delà de la durée pour laquelle elle lui a été accordée, puisse prétendre dans cet autre département à la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions de droit commun et en particulier à la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire telle que prévue à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... A..., mère d'un enfant français, et titulaire à ce titre d'une carte de séjour temporaire délivrée à Mayotte et valable jusqu'au 23 mai 2019, s'est rendue sur le territoire métropolitain de la France le 18 octobre 2018 sans être titulaire de l'autorisation spéciale prévue par les dispositions précitées et s'y est maintenue avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français le 17 juin 2019. Dès lors et sans qu'elle puisse utilement se prévaloir de ce que son titre de séjour délivré par les autorités de Mayotte était arrivé à expiration à la date de présentation de sa demande, l'intéressée ne remplissait pas les conditions pour prétendre à la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" prévue par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, en refusant le titre de séjour sollicité, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions citées au point 3. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a annulé pour ce motif son arrêté du 15 octobre 2020 rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme B... A... en qualité de parent d'enfants français.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... A... en première instance et en appel.

Sur les autres moyens invoqués par Mme B... A... :

7. L'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment le 6° de l'article L. 313-11 et l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait pour lesquels Mme B... A..., en sa qualité d'étranger n'ayant ni sollicité ni obtenu l'autorisation spéciale prévue à l'article L. 832-2 précité et s'étant maintenue sur le territoire métropolitain après l'expiration du titre de séjour délivré à Mayotte, ne peut prétendre au bénéfice des conditions de droit commun de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par suite, cet arrêté, dont il ne ressort pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée, est suffisamment motivé.

8. Si la décision contestée relève que le passeport présenté par Mme B... A... est dépourvu de visa de long séjour ou de type D, le refus de titre de séjour trouve son fondement non dans l'absence de possession d'un visa de long séjour mais dans le fait que, titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte et, ne justifiant pas du visa spécifique prévu par les dispositions de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, l'intéressée ne remplissait pas les conditions prescrites pour pouvoir prétendre en métropole à la délivrance du titre de séjour qu'elle sollicitait, prévu par le 6° de l'article L. 313-11. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en se fondant sur un défaut de présentation d'un visa de long séjour ou de type D ne peut qu'être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté trouve son fondement non dans l'absence de possession d'un visa de type D mais, dans le fait que, titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte et, en outre, ne justifiant pas de l'autorisation spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, Mme B... A... ne remplissait pas les conditions prescrites pour pouvoir prétendre en métropole à la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait, prévu par le 6° de l'article L. 313-11 du même code. Par suite, l'intéressée ne peut utilement invoquer une violation du principe de non-discrimination qui résulterait de l'exigence de possession d'un tel visa.

10. Aux termes de l'article 18 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité (...) et aux termes de l'article 20 du même Traité : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " et qu'aux termes de l'article 21 du même Traité : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. ".

11. Ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes pour que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publique. La requérante n'apporte toutefois aucun élément de nature à justifier qu'elle remplirait ces conditions, à la date de la décision contestée, à l'égard de ceux de ses enfants mineurs vivant sur le territoire métropolitain.

12. Ainsi qu'il a été dit, Mme B... A..., titulaire d'une carte de séjour "vie privée et familiale" délivrée à Mayotte, ne remplissait pas les conditions requises pour obtenir en métropole la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait ces dispositions ne peut qu'être écarté.

13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

14. Si Mme B... A... fait valoir qu'elle est arrivée à Mayotte en 2001, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne résidait en métropole que depuis deux ans à la date de l'arrêté contesté. En outre, si elle se prévaut de la présence sur le territoire métropolitain de ses trois plus jeune enfants, nés entre 2008 et 2019, dont l'un est de nationalité française, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer, le cas échéant, à Mayotte où résidaient, à la date de l'arrêté, ses deux filles aînées, l'une étant de nationalité française, ainsi que les pères de ses cinq enfants, dont l'un est également ressortissant français. Si l'un de ses enfants s'est vu accorder par une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées d'Ille-et-Vilaine un droit à une aide humaine mutualisée pour la scolarisation valable de décembre 2019 à juillet 2020, Mme B... A... n'établit pas que son enfant ne pourrait suivre une scolarité satisfaisante hors du territoire métropolitain. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en métropole de l'intéressée, l'arrêté contesté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, eu égard notamment à son objet et à ses effets, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, le moyen tiré de ce que la décision contestée portant refus de titre de séjour, qui n'a par elle-même ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... A... de ses enfants, aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

16. Aux termes de l'article 2 du Protocole n°4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence. / 2. Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien. (....) ". Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, Mme B... A... n'étant pas en possession d'un titre de séjour régulier le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations présente un caractère inopérant.

17. Aux termes de l'article 3 du même Protocole n°4 : " 1. Nul ne peut être expulsé, par voie de mesure individuelle ou collective, du territoire de l'Etat dont il est le ressortissant. 2. Nul ne peut être privé du droit d'entrer sur le territoire de l'État dont il est le ressortissant. ". M. B... A... ne faisant pas l'objet d'une expulsion, et n'étant pas de nationalité française, ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance de cette stipulation.

18. Aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ".

19. Si la requérante soutient que les dispositions précitées combinées à celles de l'article 8 de cette même convention ainsi qu'avec les stipulations des articles 20 et 21 mentionnées ci-dessus du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, créeraient une discrimination à son encontre vis-à-vis des ressortissants étrangers, l'obligation d'obtenir une autorisation spéciale, prenant la forme d'un visa, pour l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte pour se rendre sur le territoire métropolitain est justifiée par la poursuite d'un objectif d'utilité publique fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi. Par suite, Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse constituerait une discrimination à son encontre au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

20. Aux termes de l'article 2 du protocole additionnel n° 1 à la même convention européenne : " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. (....) ". La décision en litige n'ayant ni pour objet ni pour effet de restreindre le droit à l'éducation des enfants du requérant, ce dernier n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces stipulations prises isolément ou combinées avec celles de l'article 14 de la convention européenne. Pour le même motif, Mme B... A... n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la violation de l'article 14 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui prévoit que " Le droit des parents d'assurer l'éducation et l'enseignement de leurs enfants (...) sont respectés (...) ".

21. Enfin, le moyen tiré de ce que les enfants de Mme B... A... ne pourraient recevoir la protection et les soins nécessaires à leur bien être en méconnaissance des stipulations de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

22. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, au regard de ce qui a déjà été dit, que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 15 octobre 2020. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme B... A..., par la voie de l'appel incident, à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 2101739 du 8 juillet 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par Mme B... A... et ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à pas Mme B... A....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 26 mai 2023.

La rapporteure,

C. Brisson

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT028812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02881
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SALIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-26;22nt02881 ?
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