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26/05/2023 | FRANCE | N°22NT02155

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 26 mai 2023, 22NT02155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme F... G... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel à leur verser la somme de 220 561,01 euros en réparation des préjudices résultant pour eux de l'inconstructibilité de leur propriété située route d'Orléans, sur le territoire de la commune.

Par deux jugements rendus sous le no 1600248 le 19 juin 2018 et le 23 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a, respectivement, sursis à statuer afin que lui soit produit

tout document permettant de déterminer la valeur vénale du terrain dont M. A... e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme F... G... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel à leur verser la somme de 220 561,01 euros en réparation des préjudices résultant pour eux de l'inconstructibilité de leur propriété située route d'Orléans, sur le territoire de la commune.

Par deux jugements rendus sous le no 1600248 le 19 juin 2018 et le 23 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a, respectivement, sursis à statuer afin que lui soit produit tout document permettant de déterminer la valeur vénale du terrain dont M. A... et Mme G... sont propriétaires, puis condamné la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel à leur verser la somme de 217 561,01 euros en réparation du préjudice résultant de l'inconstructibilité de leur propriété.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le no 18NT04526 le 24 décembre 2018 et le 4 avril 2020, la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel, représentée par Me Derec, demande à la cour :

1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif d'Orléans des 19 juin et 23 octobre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... et de Mme G... devant le tribunal administratif d'Orléans, ainsi que leurs conclusions d'appel ;

3°) subsidiairement, de limiter leur indemnisation au remboursement des frais d'acte et des frais financiers et d'assurance exposés entre la date d'acquisition de leur terrain le 28 mai 2008 et l'offre de son rachat par la commune le 1er juillet 2010 ;

4°) de mettre à la charge solidaire de M. A... et Mme G... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance alléguée par M. A... et Mme G... est prescrite ;

- elle n'a commis aucune faute en ne s'opposant pas à la déclaration préalable de lotissement ;

- M. A... et Mme G... n'ont subi aucun préjudice ;

- si celui-ci était retenu, il ne pourrait être supérieur au remboursement des frais d'acte et des frais financiers et d'assurance qu'ils ont exposés entre la date d'acquisition de leur terrain le 28 mai 2008 et l'offre de son rachat par la commune le 1er juillet 2010.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juin 2019, 28 avril 2020 et 6 septembre 2020, M. A... et Mme G..., représentés par Me Tardif, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la somme à laquelle la commune a été condamnée porte intérêts à compter du 21 septembre 2015 avec capitalisation des intérêts ;

3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.

Par un arrêt no 18NT04526 du 9 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé les jugements du tribunal administratif d'Orléans des 19 juin 2018 et 23 octobre 2018 et a rejeté les demandes indemnitaires de M. A... et de Mme G....

Par une décision no 447441 du 4 juillet 2022, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt du 9 octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé à celle-ci l'affaire, qui porte désormais le no 22NT02155.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2022, M. A... et Mme G..., représentés par Me Tardif, concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens et portent à 3 500 euros la somme qu'ils sollicitent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2022, la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel, représentée par la SELARL Derec, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et porte à 3 500 euros la somme qu'elle sollicite au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret du 13 décembre 1952 portant nomenclature des voies à grande circulation ;

- le décret n° 2009-615 du 3 juin 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tardif, représentant M. A... et Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 octobre 2007, Mme B... D... et Mme E... D... ont obtenu du maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel un certificat d'urbanisme pré-opérationnel positif pour la réalisation d'une habitation mono-familiale sur un terrain A d'une superficie de 5 700 mètres carrés et d'une seconde habitation mono-familiale sur un terrain B d'une superficie équivalente, issus d'une division de terrains situés route d'Orléans à Saint-Denis-de-l'Hôtel. Le 3 avril 2008, Mmes D... ont déposé en mairie de Saint-Denis-de-l'Hôtel une déclaration préalable en vue de la réalisation de deux lots à bâtir sur les mêmes parcelles, cadastrées section ZD nos 17, 20, 21, 22, 23 et 25, correspondant à un terrain d'une superficie de 11 064 mètres carrés. Le projet consistait en l'édification d'une construction à usage d'habitation mono-familiale sur chacun des lots. Par un arrêté du 24 avril 2008, le maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel n'a pas fait opposition à cette déclaration préalable. Le certificat d'achèvement de ce lotissement a été réceptionné par la commune le 16 juin 2008. M. A... et Mme G..., qui ont acquis le 28 mai 2008 le terrain alors cadastré section ZD nos 86, 90, 91 et 92, issu de la division des parcelles ZD nos 17, 20, 21, 22, 23 et 25, ont déposé, le 21 décembre 2009, en mairie de Saint-Denis-de-l'Hôtel une demande de permis de construire, complétée le 18 janvier 2010, portant sur la construction d'une habitation individuelle. Ce permis a été tacitement accordé le 18 mars 2010. Cependant, par un arrêté du 17 mai 2010, le maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel a retiré ce permis de construire tacite et a sursis à statuer sur la demande de permis de construire de M. A... et Mme G.... Puis, par deux arrêtés du 11 juillet 2011 et du 29 novembre 2012, le maire a rejeté leur demande de permis de construire. Par un arrêt no 12NT02773 du 30 avril 2014, la cour administrative d'appel de Nantes, saisie par M. A... et Mme G..., a annulé l'arrêté du 17 mai 2010 en tant que le maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel a sursis à statuer sur la première demande de permis de construire et a rejeté la requête en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision de retrait du permis de construire tacitement accordé le 18 mars 2010. Le 21 septembre 2015, M. A... et Mme G... ont adressé à la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel une réclamation préalable indemnitaire afin d'obtenir réparation du préjudice résultant pour eux de l'inconstructibilité de leur propriété. Par un jugement avant dire droit du 19 juin 2018, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, jugé que l'illégalité de l'arrêté de non opposition à déclaration préalable du 24 avril 2008 était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel, et, d'autre part, sursis à statuer sur les conclusions de la requête afin que lui soit produit tout document permettant de déterminer la valeur vénale du terrain des demandeurs. Par un second jugement, du 23 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la commune à verser à M. A... et Mme G... la somme de 217 561,01 euros. La commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel a relevé appel de ces jugements des 19 juin et 23 octobre 2018. M. A... et Mme G... ont, pour leur part, présenté des conclusions d'appel incident tendant à ce que la somme à laquelle la commune a été condamnée par le jugement du 23 octobre 2018 porte intérêts à compter du 21 septembre 2015 avec capitalisation des intérêts. Par un arrêt no 18NT04526 du 9 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé les jugements des 19 juin et 23 octobre 2018 du tribunal administratif d'Orléans et a rejeté les demandes indemnitaires de M. A... et Mme G.... Par une décision no 447441 du 4 juillet 2022, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt du 9 octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes et lui a renvoyé l'affaire, qui porte désormais le no 22NT02155.

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

En ce qui concerne la faute :

2. Aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté du 24 avril 2008 : " Constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ". Il résulte de l'article L. 442-3 du même code que les lotissements qui ne sont pas soumis à la délivrance d'un permis d'aménager en application du décret pris sur le fondement de l'article L. 442-2 doivent faire l'objet d'une déclaration préalable.

3. Aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme, relatif aux plans locaux d'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté du 24 avril 2008 : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée (...) pour la création de lotissements (...) ". Aux termes de l'article L. 442-1 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ". En vertu des dispositions combinées des articles L. 421-2 et R. 421-19 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction alors applicable, les lotissements qui ont pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire doivent être précédés d'un permis d'aménager lorsqu'ils prévoient la réalisation de voies ou espaces communs ou lorsqu'ils sont situés dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité. En vertu des dispositions combinées des articles L. 442-3 et R. 421-23 du même code, les autres lotissements doivent faire l'objet d'une déclaration préalable. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-6 de ce code : " Le permis (...) d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. " Aux termes de l'article L. 421-7 du même code : " Lorsque les constructions, aménagements, installations et travaux font l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à leur exécution ou imposer des prescriptions lorsque les conditions prévues à l'article L. 421-6 ne sont pas réunies. "

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable portant sur un lotissement situé dans un secteur que ces règles rendent inconstructible, ainsi que lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

5. Aux termes de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation. / (...) / Le plan local d'urbanisme, ou un document d'urbanisme en tenant lieu, peut fixer des règles d'implantation différentes de celles prévues par le présent article lorsqu'il comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, que ces règles sont compatibles avec la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages. / (...). "

6. Il résulte de l'instruction que la route départementale no 960, qui jouxte le terrain appartenant à M. A... et Mme G... où elle est dénommée avenue d'Orléans, correspond à l'itinéraire de l'ancienne route nationale no 152, que le décret du 13 décembre 1952 portant nomenclature des voies à grande circulation classait comme voie à grande circulation sur le tronçon qui suit la rive droite de la Loire, de Briare à Angers. Aucun acte abrogeant le classement n'ayant été produit, cette voie doit être regardée comme ayant conservé ce caractère, indépendamment de ses changements de numérotation et de son transfert. La commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel n'est donc pas fondée à soutenir que le tronçon litigieux de la route départementale no 960 n'aurait été classé comme voie à grande circulation que par le décret du 3 juin 2009 fixant la liste des routes à grande circulation. Par suite, dès lors que le plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel en vigueur en 2008 ne comportait aucune exception à la règle d'inconstructibilité prévue par l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme, celle-ci trouvait à s'appliquer, en dehors des espaces urbanisés de la commune, dans une bande de 75 mètres de part et d'autre de l'axe de l'avenue d'Orléans.

7. Le 3 avril 2008, Mmes D... ont déposé en mairie de Saint-Denis-de-l'Hôtel une déclaration préalable en vue de la réalisation de deux lots à bâtir sur les parcelles alors cadastrées section ZD nos 17, 20, 21, 22, 23 et 25, destinés à la construction d'une maison d'habitation sur chacun des lots, dont le lot no 1 ultérieurement acquis par M. A... et Mme G.... Par un arrêté du 24 avril 2008, le maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel n'a pas fait opposition à cette déclaration préalable. Il résulte de l'instruction que le terrain d'implantation de ce projet de lotissement, d'une superficie de 5 700 mètres carrés et qui était vierge de toute construction, était bordé, à l'ouest, par de vastes espaces naturels boisés, au sud, par de vastes parcelles pour l'essentiel non construites, et, au nord, par la route départementale no 960, au-delà de laquelle s'étendait un espace naturel ne supportant qu'un ensemble de bâtiments isolé. Ce compartiment de terrain était en outre séparé, par le chemin des Grandes Vernelles et une parcelle boisée, des parcelles bâties situées à l'est. Ainsi, le terrain en cause ne se situait pas dans un espace urbanisé de la commune au sens des dispositions précitées de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme.

8. Par ailleurs, il ressort des plans fournis à l'appui de la déclaration préalable que les deux lots projetés étaient classés par le plan d'occupation des sols alors en vigueur en zone ND pour leur partie nord, jouxtant la route départementale, et en zone NDc pour leur partie sud, la plus éloignée de la voie publique. Ces mêmes plans indiquaient que la limite sud des terrains du lot no 1, ultérieurement acquis par M. A... et Mme G..., était distante de 70 à 80 mètres environ de l'alignement de l'avenue d'Orléans située au nord. Le dossier de déclaration préalable indiquait en outre que chaque lot projeté était destiné à la construction d'une habitation mono-familiale, avec une surface hors œuvre nette maximale de 135,5 mètres carrés pour le lot no 1 et de 133,5 mètres carrés pour le lot no 2. L'article ND 7 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel imposait enfin un recul d'au moins 5 mètres des limites séparatives pour l'implantation des constructions. Ainsi, au vu des plans fournis à l'appui de la déclaration préalable et de la description précise du projet, le maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel ne pouvait ignorer, dès 2008, que le lotissement projeté, compte-tenu de la marge de recul de 5 mètres par rapport aux limites séparatives, devait nécessairement conduire à l'implantation de la construction de tout ou partie de chacune des deux maisons d'habitation dans la bande inconstructible de 75 mètres au sud de l'axe de l'avenue d'Orléans. À cet égard, il résulte de l'instruction, notamment des plans versés au dossier, que si les terrains à lotir n'étaient pas intégralement inconstructibles en application des dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme et de l'article ND7 du plan d'occupation des sols, la surface résiduelle constructible du lot no 1 ne permettait pas la construction de la maison d'habitation prévue. D'ailleurs, le lot no 2 supporte désormais une maison d'habitation, autorisée par un permis de construire accordé par arrêté du 23 juin 2008 du maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel, qui est implantée dans la bande inconstructible des 75 mètres de l'axe de l'avenue d'Orléans.

9. Dès lors, le maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel aurait dû s'opposer à la déclaration préalable de lotissement ou assortir son arrêté du 24 avril 2008 de prescriptions propres à assurer le respect de la règle d'inconstructibilité prévue à l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme. L'illégalité entachant cet arrêté du 24 avril 2008 est de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel à l'égard de M. A... et de Mme G....

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

10. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites au profit de l'État, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...). " Aux termes de l'article 2 de la même loi, la prescription est interrompue par " toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. " Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. "

11. Le fait générateur du dommage subi par M. A... et Mme G..., tenant au fait qu'ils ont acquis au prix d'un terrain constructible, le 28 mai 2008, un terrain en réalité insusceptible d'être utilisé pour y construire une maison d'habitation de 135,5 mètres carrés de surface hors œuvre nette (SHON), est l'arrêté du 24 avril 2008 par lequel le maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par Mmes D.... Il est constant que cet arrêté du 24 avril 2008 était annexé à l'acte de vente du 28 mai 2008 par lequel M. A... et Mme G... ont acquis le terrain litigieux, et donc que ceux-ci ont eu connaissance de cet arrêté à cette même date. Il résulte de l'instruction que cet arrêté du 24 avril 2008 indiquait, à titre de prescription, que " les constructions devront s'implanter obligatoirement en zone NDc du plan d'occupation des sols ", sans mentionner l'inconstructibilité de la quasi-totalité du terrain d'assiette du projet par application des dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme. D'ailleurs, ainsi qu'il a été dit, un permis de construire une maison d'habitation a été accordé par arrêté du 23 juin 2008 du maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel sur l'autre lot issu de la division autorisée par l'arrêté du 24 avril 2008. Si la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel soutient que M. A... et Mme G... étaient en mesure de comprendre, dès 2009, et même informés, dès 2010, que les dispositions de cet article L. 111-1-4 étaient susceptibles de réduire considérablement les possibilités de construction sur leur terrain, il résulte de l'instruction que ni l'arrêté du 17 mai 2010, retirant le permis tacite précédemment obtenu, ni le courrier daté du 1er juillet 2010 adressé par le maire à M. A... et Mme G... en vue d'acquérir amiablement leurs parcelles, ni enfin la délibération du 24 juin 2010 du conseil municipal de Saint-Denis-de-l'Hôtel chargeant le maire d'obtenir l'accord amiable des propriétaires sur ce projet d'acquisition, n'évoquaient un quelconque motif d'inconstructibilité lié à l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme. En réalité, c'est seulement par un arrêté du 29 novembre 2012 que le maire a opposé, pour la première fois, à M. A... et Mme G... les dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme, pour refuser leur troisième demande de permis de construire. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, M. A... et Mme G... peuvent être légitimement regardés comme ayant ignoré l'existence de leur créance jusqu'à cet arrêté du 29 novembre 2012. Le point de départ de la prescription est donc le 1er janvier 2013. Il s'ensuit que, le 23 septembre 2015, date de réception de leur réclamation préalable indemnitaire, la prescription quadriennale n'était pas acquise. Dès lors, l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune doit être écartée.

En ce qui concerne le lien de causalité entre la faute et les préjudices :

12. En premier lieu, dès lors que M. A... et Mme G... ne se prévalent d'aucune atteinte à un droit acquis du fait de l'autorisation de lotir accordée illégalement à Mme D..., et qu'au demeurant le caractère inconstructible de la quasi-totalité du terrain qu'ils ont acquis ne résulte pas d'une servitude instituée postérieurement à ce lotissement et à l'acquisition du terrain, la commune ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme relatives aux servitudes instituées en application du code de l'urbanisme et à l'atteinte de ces servitudes à des droits acquis.

13. En second lieu, il ressort de l'acte de vente du terrain litigieux que M. A... et Mme G... l'ont acquis en tant que terrain à bâtir en vue de l'édification d'une maison d'habitation, au vu des termes et prescriptions de l'arrêté du 24 avril 2008 de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement, annexé à l'acte de vente. Ce terrain est insusceptible, eu égard à la configuration en triangle et au caractère très limité de sa surface constructible, d'être utilisé pour la construction de la maison d'habitation projetée. Dès lors, l'illégalité de l'arrêté du 24 avril 2008 tenant à l'absence d'opposition à la déclaration préalable de lotissement et à l'absence de prescriptions propres à assurer le respect de la règle d'inconstructibilité prévue à l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme, est directement à l'origine du dommage subi par M. A... et Mme G... lié au fait qu'ils ont acquis, au prix d'un terrain constructible, un terrain en réalité inconstructible pour la quasi-totalité de sa surface et, en tout état de cause, insusceptible d'être utilisé pour la construction d'une maison d'habitation telle que prévue par l'autorisation de lotir.

En ce qui concerne la faute de la victime :

14. La circonstance que M. A... et Mme G... n'ont pas donné suite à la proposition, faite le 1er juillet 2010, d'acquisition amiable de leur terrain par la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel, postérieurement au retrait, le 17 mai 2010, du permis de construire qui leur avait été tacitement accordé, n'est pas constitutive d'une faute des victimes de nature à exonérer la commune de sa responsabilité.

En ce qui concerne les préjudices :

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... et Mme G... ont acquis leur terrain, en tant que terrain à bâtir, pour un montant de 110 000 euros. Si la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel soutient que ce terrain a été acquis à un prix surévalué, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation, alors que France Domaine, saisie par la commune dans le cadre de sa proposition d'acquisition amiable du terrain, a estimé la valeur vénale de ce terrain, en tant que terrain constructible, à 114 000 euros en 2010. Par ailleurs, au regard de deux estimations produites par M. A... et Mme G..., non sérieusement contestées par la commune, la valeur vénale du terrain, désormais inconstructible en raison de son classement en zone N par le plan local d'urbanisme de Saint-Denis-de-l'Hôtel, doit être évaluée à 3 000 euros. S'il est vrai que ce terrain n'était, à la date de son acquisition par M. A... et Mme G..., pas totalement inconstructible, il ne résulte pas de l'instruction que la surface alors constructible, eu égard à son caractère extrêmement limité et à sa configuration en triangle, était susceptible d'être utilisée pour la construction d'une maison d'habitation, et donc que la valeur vénale initiale du terrain était supérieure à 3 000 euros. M. A... et Mme G... peuvent prétendre à l'indemnisation de ce chef de préjudice à hauteur de 107 000 euros.

16. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A... et Mme G... se sont acquittés, pour l'achat de leur terrain, de droits de mutation à hauteur de 5 599 euros, ainsi que de frais financiers liés à leur emprunt immobilier pour un coût de 104 962,01 euros.

17. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des préjudices subis par M. A... et Mme G... s'élève à la somme de 217 561,01 euros.

Sur les intérêts :

18. M. A... et Mme G... ont droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 217 561,01 euros à compter du 23 septembre 2015, date de réception de leur demande par la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel.

Sur les intérêts des intérêts :

19. La capitalisation des intérêts a été demandée le 23 juin 2019. À cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

20. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser à M. A... et Mme G... la somme de 217 561,01 euros, d'autre part, que M. A... et Mme G... sont fondés à demander que cette somme porte intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2015 et que les intérêts échus à la date du 23 juin 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date soient capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... et Mme G..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel la somme globale de 1 500 euros à verser à M. A... et Mme G... au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel est rejetée.

Article 2 : La somme de 217 561,01 euros que la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel a été condamnée à verser à M. A... et à Mme G... par l'article 1er du jugement du 23 octobre 2018 du tribunal administratif d'Orléans portera intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2015. Les intérêts échus à la date du 23 juin 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel versera à M. A... et Mme G... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme F... G... et à la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2023.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLa présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT02155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02155
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : TARDIF

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-26;22nt02155 ?
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