Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2114269 du 5 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2022 M. C..., représenté par Me Ifrah, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 du préfet de la Sarthe ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compte de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas suffisamment motivée, est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'examen de son identité, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de cette situation ;
- la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2023, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 26 janvier 2023, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., qui selon ses déclarations est ressortissant malien, né le 25 mars 2000 et entré en France le 8 novembre 2016, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Sarthe, a fait l'objet d'un arrêté du 26 mars 2019, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 janvier 2020 puis par un arrêt de la cour du
24 septembre 2020, par lequel le préfet de ce département lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. S'étant maintenu sur le territoire français, il a sollicité auprès du même préfet son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 décembre 2021, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et a fixé le pays de destination. La demande de M. C... tendant à l'annulation de ce nouvel arrêté a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2022, dont il relève appel.
Sur le moyen commun invoqué à l'appui de la contestation de l'ensemble des décisions attaquées :
2. L'arrêté contesté a été signé par M. E... A..., directeur de la citoyenneté et de la légalité à la préfecture de la Sarthe. Par arrêté du 5 novembre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de cette préfecture, le préfet de la Sarthe lui a donné délégation à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relatifs au refus de délivrance d'un titre de séjour, à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière et à l'interdiction de retour sur le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit être écarté.
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision contestée précise que l'identité de M. C... ne peut être tenue pour établie compte tenu de plusieurs avis défavorables de la police de l'air et des frontières sur les documents d'état-civil que l'intéressé a fournis lors du dépôt de sa demande. Elle vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application et indique les éléments de la vie privée et familiale du requérant tant en France que dans son pays d'origine. Par suite, elle est suffisamment motivée en fait et en droit.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de la décision contestée que le préfet de la Sarthe n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C....
5. En troisième lieu, l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers préalable à la délivrance éventuelle d'un titre de séjour doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
7. Pour justifier son refus de délivrer un titre de séjour à M. C..., le préfet de la Sarthe, en se fondant sur des rapports de la police de l'air et des frontières, a estimé que les documents d'état-civil qui ont été présentés par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour, soit un acte de naissance, un extrait d'acte de naissance, une carte consulaire et un passeport, puis, à la demande des services préfectoraux, un nouvel acte de naissance et un jugement supplétif, ne permettaient pas d'établir son identité. Le service de la police de l'air et des frontières a en particulier, à l'occasion de six rapports distincts, constaté que l'acte de naissance comportait des numéros d'actes différents, ne contenait aucune numérotation de souche en typographie ni les mentions d'imprimeur, présentait une dentelure grossière et irrégulière ainsi que l'existence d'un délai très long entre la date d'établissement de ce document et la date de la naissance. Quant à l'extrait d'acte de naissance, il a été relevé par le même service qu'il comportait notamment de nombreuses ratures, une surcharge d'écritures et un timbre humide de " piètre qualité ". Ces éléments ont conduit le préfet à saisir le 22 septembre 2021 le procureur de la République du Mans sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale pour récidive de tentative d'obtention indue d'un document administratif, fausses déclarations et faux et usage de faux, usurpation d'identité et procédures abusives. De plus, M. C... n'apporte aucune justification quant à la concordance relevée entre ses empreintes digitales et celles de M. F..., ressortissant de nationalité sénégalaise, né le 7 octobre 1993. S'il produit un nouveau document, à savoir un certificat de nationalité, celui-ci doit être regardé comme ayant été établi, comme son passeport et sa carte consulaire, sur la base d'actes frauduleux ou apocryphes compte tenu de ce qui vient d'être dit ci-dessus. Dès lors, c'est à bon droit que le préfet a estimé que l'identité du requérant n'était pas établie et qu'il ne pouvait, pour ce motif, lui délivrer un titre de séjour.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En vertu des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'elle est fondée, comme en l'espèce, sur les dispositions alors mentionnées au 3° de l'article L. 611-1 du même code, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. C... est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. Si M. C... soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucune précision à l'appui de ces moyens permettant d'en apprécier le bien-fondé.
10. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué au soutien des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors que celle-ci n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel M. C... devra être reconduit d'office.
11. Enfin il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ce que le requérant a fait l'objet en 2019 d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. M. C... reprend en appel, sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit, ses moyens invoqués en première instance et tirés d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de cette situation. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ces moyens.
En ce qui concerne la légalité de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
13. M. C... reprend en appel, sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit, son moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.
14. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Sarthe et tirée de la tardiveté de la requête que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.
Le rapporteur
J.E. D...La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03469