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05/05/2023 | FRANCE | N°22NT03112

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 mai 2023, 22NT03112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 du préfet des Côtes-d'Armor lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2201982 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 septembre 2022 et 30 jan

vier 2023, M. C..., représenté par Me Calonne du Teilleul, demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 du préfet des Côtes-d'Armor lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2201982 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 septembre 2022 et 30 janvier 2023, M. C..., représenté par Me Calonne du Teilleul, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 juillet 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 9 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui remettre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 800 euros à verser à son conseil.

Il soutient que :

- l'arrête contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- cet arrêté a été pris en violation de son droit d'être entendu tel que protégé par le droit de l'Union européenne ;

- le préfet a estimé à tort qu'il ne justifiait pas d'éléments relatifs à son identité ;

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de des articles L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

La requête et le mémoire ont été communiqués les 27 septembre 2022 et 30 janvier 2023 au préfet des Côtes-d'Armor qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant camerounais né le 12 octobre 1999 et entré irrégulièrement en France le 15 janvier 2016, selon ses déclarations, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Calvados auxquels il a été confié en qualité de mineur étranger isolé par une ordonnance de placement provisoire du 2 mai 2016 du procureur de la République de Caen, puis par un jugement en assistance éducative du 26 mai 2016 du juge des enfants du tribunal de grande instance de Caen. L'intéressé, qui a présenté une demande de titre de séjour le 15 octobre 2017, s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" valable du 3 décembre 2018 au 2 décembre 2019, avant de solliciter, le 13 novembre 2019, un changement de statut et la délivrance d'un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale". Par un arrêté du 28 juillet 2020, le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 9 octobre 2021, le préfet des Côtes-d'Armor a obligé M. C... à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit un retour en France pour une durée d'un an. Le préfet a retiré cette décision le 12 octobre 2021. L'intéressé a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 mars 2022, le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. C'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté, au point 2 de leur jugement, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant.

3. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse uniquement aux institutions et organes de l'Union. Le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un État membre est donc inopérant. Toutefois, il résulte également de cette jurisprudence que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il n'implique toutefois pas systématiquement l'obligation pour l'administration d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, l'étranger soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

4. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, M. C... aurait été privé de la possibilité de présenter des observations, écrites ou orales, ou qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux. D'autre part, s'il est constant que l'intéressé n'a pas été invité par l'administration à présenter, préalablement à l'édiction de la décision l'obligeant à quitter le territoire français prise concomitamment à la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en conséquence de ce refus, ses observations écrites ou orales sur la perspective d'une mesure d'éloignement, il ne pouvait ignorer qu'il était susceptible de faire l'objet d'une telle mesure en cas de rejet de sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

5. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité (...) ".

6. Si le préfet des Côtes-d'Armor a relevé dans son arrêté que le requérant avait produit à l'appui de sa première demande de titre de séjour un extrait d'acte de naissance déclaré non authentique après analyse par les services consulaires français à Douala et qu'il n'avait pas transmis d'éléments " concluants " sur son identité avant de faire l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement par un arrêté du 28 juillet 2020, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de l'arrêté contesté du 9 mars 2022 que le préfet se serait fondé sur ces éléments contextuels, se rapportant à de précédentes demandes de titre de séjour, pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par le requérant. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Côtes-d'Armor se serait fondé à tort sur un défaut de justification par M. C... de son identité ne peut qu'être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".

8. M. C... se prévaut d'une présence de six années sur le territoire français, où il a bénéficié d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, puis d'un contrat de jeune majeur et de son insertion attestée par l'obtention en 2018 puis en 2019 d'un brevet d'études professionnelles puis d'un bac professionnel dans la spécialité " technicien en installation des systèmes énergétiques et climatiques " et par les emplois et perspectives d'embauche dont il justifie. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, qui est hébergé par un tiers, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit du rejet de la demande de titre de séjour qu'il avait présentée en 2019 au titre de la vie privée et familiale et de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet en 2020. La circonstance qu'il a effectué des missions d'intérim dans le domaine de la plomberie au cours des années 2019 et 2020 avant d'occuper un emploi à temps partiel d'ouvrier dans un élevage de volailles et qu'il disposerait de nouvelles propositions pour des missions d'intérim ou pour un emploi de salarié en élevage avicole à prise d'effet au 2 novembre 2021 ne suffit pas à établir l'existence d'une insertion sociale et professionnelle durable en France. Si le requérant, célibataire et sans enfant, soutient en outre que ses parents et l'un de ses frères sont décédés tandis que deux autres membres de sa fratrie résideraient au Mali, il ne justifie ni être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de son existence, ni avoir tissé en France des liens d'une particulière intensité. Dans ces conditions, l'arrêté contesté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet des Côtes-d'Armor n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé.

9. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

10. En se prévalant de sa situation telle qu'exposée au point 8, M. C... n'établit pas que le préfet des Côtes-d'Armor aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que son admission au séjour ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels, au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant notamment au fait que, sous couvert de son titre de séjour étudiant, il a pu travailler.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas davantage examiné d'office sa demande sur ce fondement. Par suite, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Côtes-d'Armor.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT031122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03112
Date de la décision : 05/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CALONNE DU TEILLEUL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-05;22nt03112 ?
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