Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 4 février 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.
Par un jugement n° 2107417 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 août 2022, 22 novembre 2022 et 1er février 2023, M. B... A..., représenté par Me Danet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 4 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour, ou à tout le moins de réexaminer sa demande en le munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 u code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour qui lui a été opposé procède d'une erreur dans l'appréciation de son identité et de son état civil et d'une inexacte application de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation, le préfet ne s'étant pas prononcé sur sa demande d'autorisation provisoire de séjour afin de lui permettre de terminer son cycle d'études ;
- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2023, le préfet de la
Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juillet 2022.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Blin, substituant Me Danet, représentant M. A..., et celles de M. A..., lui-même.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., se déclarant ressortissant de la République de Guinée né le 8 juin 2002, est entré en France en décembre 2018, accueilli par une famille d'accueil qui l'héberge depuis son entrée sur le territoire et y a suivi sa scolarité. Le 26 octobre 2020, M. A... a sollicité un titre de séjour portant la mention " autorisation provisoire de séjour " prévue par la circulaire du 28 novembre 2012. Par arrêté du 4 février 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office. M. A... relève appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la
Loire-Atlantique s'est fondé sur le caractère frauduleux des documents d'état civil produits, ne lui permettant pas de justifier légalement de son état civil et de son identité dans les conditions prévues par l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et faisant obstacle à ce qu'il puisse prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève également le caractère récent de son entrée en France, le fait que les liens personnels et familiaux qu'il a en France ne sont pas suffisamment intenses pour lui permettre de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale et l'absence de motif exceptionnel.
3. D'une part, aux termes de l'article R. 311-2-2, désormais repris à l'article
R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6, désormais repris à l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. Afin de justifier de son état civil et de son identité, M. A... a produit un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 30 septembre 2019 par le tribunal de première instance de Conakry 3 ainsi que l'acte de transcription de ce jugement. Le préfet de la
Loire-Atlantique estime que ces documents sont apocryphes en s'appuyant sur l'avis défavorable de la cellule spécialisée en fraude documentaire de la police aux frontières de Nantes, qui relève le non-respect du montant d'acquittement du droit de timbre, l'absence de formule exécutoire prévue par l'article 555 du code de procédure civile, économique et administrative guinéen, l'absence de sur-légalisation par l'autorité consulaire française à Conakry et la référence à un article de l'ancien code civil guinéen. Ces éléments sont cependant insuffisants pour établir le caractère frauduleux du jugement supplétif. S'il ressort en outre des pièces du dossier, et notamment du courriel adressé par les services de la police aux frontière à la préfecture, que pour justifier de son état civil et de son identité, le requérant s'est successivement prévalu depuis son entrée en France de deux jugements supplétifs distincts d'acte de naissance rendus le 6 décembre 2018 et le 9 septembre 2019 par le tribunal de première instance de Conakry 3 ainsi que de la transcription de chacun de ces deux jugements pour justifier de son état civil, M. A... a produit pour la première fois en appel un jugement, rendu le 29 juin 2022 par le tribunal de première instance de Conakry 3, annulant le second jugement supplétif d'acte de naissance du 9 septembre 2019 pour ne laisser subsister que celui du 6 décembre 2018 ainsi que la transcription dans les registres de ce dernier jugement, qui établit l'état civil de M. A... en cohérence avec la carte consulaire qui lui a été délivrée. Dès lors, le préfet a entaché sa décision d'une inexacte application de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que M. A... ne justifiait pas de son identité et de son état civil et a commis une erreur d'appréciation en lui opposant des manœuvres frauduleuses pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les autres motifs rappelés au point 2.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 4 février 2021.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement mais nécessairement le réexamen de la situation de M. A.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a, en revanche, pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Danet dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2022 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 4 février 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Danet une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.
La rapporteure,
J. C...
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT02860