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05/05/2023 | FRANCE | N°22NT02222

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 mai 2023, 22NT02222


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 février 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2201389 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022, M. C..., représenté par



Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 février 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2201389 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022, M. C..., représenté par

Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 juin 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 25 février 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dès la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- compte tenu de l'impossibilité de bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, le préfet ne pouvait légalement lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ;

- pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée le 12 décembre 2022 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant arménien né le 11 décembre 1995, est entré en France le 15 avril 2018, selon ses déclarations. Le bénéfice de l'asile lui a été refusé par une décision du 28 août 2019 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 27 décembre 2019 de la Cour nationale du droit d'asile. Sa demande de réexamen a été rejetée par une décision du 18 mars 2020 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'intéressé s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire pour raisons médicales valable du 4 mars 2020 au 3 mars 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 1er décembre 2021. Par un arrêté du 25 février 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

3. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C..., le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est appuyé sur un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII du 16 septembre 2021 selon lequel l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et est en état de voyager vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier que le requérant souffre d'une maladie de Willebrand de type 2 sévère, maladie hémorragique héréditaire traitée par voie d'injections à domicile ou en hospitalisation de Voncento(r), un dérivé du sang constitué d'une association de facteur VIII de coagulation et de facteur von Willebrand. M. C... soutient que ce traitement n'est pas disponible en Arménie et produit en appel deux courriers des 27 et 28 juin 2022 du directeur du centre d'hématologie du professeur D... d'Erevan et du secrétaire général adjoint du ministère arménien de la santé, ainsi que deux certificats médicaux établis les 10 juillet et 13 septembre 2022 par le médecin coordonnateur du centre de ressources et de compétence des maladies hémorragiques chroniques (CRC-MHC) de Rennes. Ces documents font notamment état d'une erreur dans le diagnostic porté en Arménie, faute de moyens adaptés, sur la maladie de l'intéressé avant que ce dernier n'entre en France en 2018, relèvent dans des termes circonstanciés l'indisponibilité dans son pays d'origine d'un traitement par injections de concentrés de facteur von Willebrand, indispensables pour stopper les épistaxis abondantes et fréquentes que connaît le requérant et soulignent le danger qu'il encourrait en Arménie du fait de ces épisodes hémorragiques. Compte tenu de ces éléments, qui ne font l'objet d'aucune contestation de la part du préfet d'Ille-et-Vilaine, M. C... doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme établissant l'impossibilité pour lui de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de renouveler le titre de séjour qu'il avait délivré à l'intéressé pour raisons médicales et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a fait une inexacte application respectivement des dispositions de l'article L. 425-9 et du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination que comporte l'arrêté du 25 février 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. C... d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, de délivrer ce titre à M. C... dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à

Me Roilette dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 2201389 du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 25 février 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement dans les circonstances de fait ou de droit.

Article 3: L'Etat versera à Me Roilette la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.

La rapporteure,

C. B... Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT022222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02222
Date de la décision : 05/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-05;22nt02222 ?
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