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05/05/2023 | FRANCE | N°21NT03107

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 mai 2023, 21NT03107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de délivrer à son fils allégué, le jeune A... C..., un visa d'entrée et de long séjour, ainsi que la décision des autorités consulaires.

Par un jugement n°2103701 du 11 octobre 2021, le tribunal admin

istratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de délivrer à son fils allégué, le jeune A... C..., un visa d'entrée et de long séjour, ainsi que la décision des autorités consulaires.

Par un jugement n°2103701 du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 novembre 2021 et 3 janvier 2022, M. B... C..., agissant en qualité de représentant légal du jeune A... C..., représenté par Me Berdugo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen complet et de la dénaturation de sa demande ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen sérieux ;

- il justifie de conditions de ressources et de logement propres à assurer l'entretien et l'éducation de son neveu ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 et de l'article 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 2021 et 10 janvier 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le jeune A... C..., ressortissant tunisien né le 20 juillet 2005, a demandé, le 17 novembre 2020, à l'autorité consulaire française à Tunis la délivrance d'un visa de long séjour afin de rejoindre en France son oncle, M. B... C..., à qui il a été confié par acte de recueil légal dit de " kafala adoulaire " homologué par le tribunal cantonal de Djerba le 17 mai 2019. Le 26 novembre 2020, l'autorité consulaire française à Tunis a rejeté cette demande. M. C... a saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'un recours préalable. Une décision implicite de refus est née le 21 février 2021 du fait du silence gardé par la commission sur ce recours. Par un jugement du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la commission de recours. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par M. B... C... à l'appui de son moyen, ont répondu, au point 5 de leur jugement, au moyen tiré du défaut d'examen de la situation de l'intéressé par la commission de recours. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent./ A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /(...)/ 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 232-4 du même code dispose toutefois : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ait demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires ". En vertu de ces dispositions, les décisions de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises sur recours préalable obligatoire, se substituent aux décisions des autorités consulaires.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé.

7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il ressort des écritures de première instance du ministre de l'intérieur que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour confirmer le refus de visa, sur l'absence de justifications de conditions d'accueil conformes à l'intérêt du jeune A....

9. Il ressort des pièces du dossier que l'acte dit de " kafala " du 16 mai 2019 par lequel le jeune A... a été confié à M. B... C..., son oncle, a été dressé devant notaire et a fait seulement l'objet d'une homologation par le tribunal cantonal de Djerba le 17 mai 2019. Dès lors, l'intérêt supérieur de l'enfant à vivre auprès de la personne à qui il a été confié par une telle " kafala " ne peut être présumé et doit être établi au cas par cas. Il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si le refus opposé à une demande de visa de long séjour pour le mineur est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'exigence définie par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis d'imposition, que M. B... C... justifie d'un revenu fiscal de référence de 20 673 euros au titre des revenus 2019, soit 1 680 euros par mois, et qu'il supporte une charge de loyer mensuelle de 520 euros au titre de l'appartement de 80 m² de type T4 qu'il occupe à Paris avec sa mère âgée de 80 ans, sa fille, âgée de 15 ans, en situation de handicap et sa nièce, sœur du jeune A... qui lui a également été confiée dans le cadre d'un acte de kafala dressé par acte notarié et homologué en 2017. Si M. B... C... fait valoir que sa mère n'est pas à sa charge dès lors qu'elle perçoit une pension de retraite, l'avis d'imposition qui est produit fait état d'un revenu fiscal de référence de 1 873 euros, soit 156 euros par mois. Compte tenu de ce qui précède, M. B... C... ne peut être regardé comme justifiant de conditions d'accueil et de ressources suffisantes pour accueillir le jeune A... en plus des quatre personnes composant le foyer. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parents du jeune A... avec lesquels il a toujours vécu en Tunisie ne seraient pas en mesure de pourvoir à ses besoins et à son éducation, alors que le père du jeune A... dispose d'un emploi en qualité de professeur des écoles et qu'il n'est nullement allégué qu'ils auraient d'autres enfants à charge, le frère et la sœur aînés du jeune A... ayant été recueillis par M. B... C... en France. S'il ressort des pièces du dossier que le père du jeune A... souffre d'insuffisance coronarienne, les allégations selon lesquelles celui-ci serait contraint, de ce fait, de prendre, de façon anticipée, sa retraite ce dont il résulterait une diminution de ses revenus ne sont pas établies. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... A..., qui n'établit pas avoir effectivement contribué à son éducation, ni même lui avoir rendu régulièrement visite, aurait noué une relation personnelle particulière avec le jeune A.... Il en résulte que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ni méconnaître les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 et de l'article 16 de la convention internationale des droits de l'enfant, estimer qu'il n'est pas établi qu'il serait de l'intérêt supérieur de l'enfant de vivre auprès de M. B... A... en France, compte tenu de la présence dans son pays de ses parents et de l'absence de circonstances graves et avérées justifiant la séparation de l'enfant de son environnement familial, social et culturel.

11. En dernier lieu et pour les mêmes motifs, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. C..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.

La rapporteure,

I. D...La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03107
Date de la décision : 05/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-05;21nt03107 ?
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