Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 23 octobre 2019 par laquelle le président du groupement d'intérêt public (GIP) C... a demandé au président du conseil départemental des F... de le suspendre à titre conservatoire ainsi que l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le président du conseil départemental des F... l'a suspendu de ses fonctions.
Par un jugement n° 2001334 du 19 mai 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 août 2021, 3 mars 2022, et 3 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Delest, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 mai 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 23 octobre 2019 par laquelle le président du groupement d'intérêt public (GIP) C... a demandé au président du conseil départemental des F... de le suspendre à titre conservatoire, et l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le président du conseil départemental des F... l'a suspendu de ses fonctions ;
3°) d'enjoindre GIP C... et au département des F... de procéder à la reconstitution de sa carrière du 12 novembre 2019 au 31 décembre 2019 ;
4°) de mettre à la charge solidaire du GIP C... et du département des F... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le courrier du 23 octobre 2019 par lequel le directeur général du GIP C... sollicite la suspension à titre provisoire est bien un acte décisoire lui faisant grief qu'il est recevable à contester par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
- les griefs formulés à son égard, nullement établis, ne présentaient pas un caractère suffisant de vraisemblance pour justifier la mesure de suspension litigieuse ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'un détournement de pouvoir, en ce qu'elles ont été prises dans le seul but de le mettre à l'écart sans être justifiées par une faute disciplinaire et pour des motifs étrangers à l'intérêt du service ;
- elles sont entachées d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 octobre 2021 et 9 mai 2022, le GIP C... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions à fin d'annulation de la " décision " du 23 octobre 2019 par laquelle le directeur général du GIP C... a sollicité la suspension provisoire de M. B..., qui est un acte préparatoire et non un acte décisoire susceptible de recours, sont irrecevables ;
- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 avril 2022 et 2 novembre 2022, le département des F... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions à fin d'annulation de la " décision " du 23 octobre 2019 par laquelle le directeur général du GIP C... a sollicité la suspension provisoire de M. B..., qui est un acte préparatoire et non un acte décisoire susceptible de recours, sont irrecevables ;
- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Delest, représentant M. B..., de Me Couetoux du Tertre, pour le département des F... et celles de Me Gouret, pour le GIP C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., fonctionnaire territorial du département des F..., a été mis à la disposition du groupement d'intérêt public (GIP) C... à compter du 1er janvier 2014, pour une durée de trois ans, renouvelée le 1er janvier 2017, pour exercer les fonctions de chef du service immunologie virologie PCR du site de E.... Le 23 octobre 2019, le directeur général du GIP Labocea a sollicité du président du conseil départemental des F... sa suspension à titre conservatoire. Par arrêté du 12 novembre 2019, le président du conseil départemental des F... a suspendu M. B... de ses fonctions. M. B... relève appel du jugement du 19 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes rejeté sa demande tendant à l'annulation du courrier du 23 octobre 2019 du directeur général du GIP C... ainsi que de l'arrêté du président du conseil départemental des F... du 12 novembre 2019.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 61 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son cadre d'emplois ou corps d'origine, est réputé y occuper un emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir " et aux termes de l'article 7 du décret du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux : " L'autorité de l'administration d'origine ayant pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire. Elle peut être saisie par l'administration ou l'organisme d'accueil ".
3. Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire territorial mis à disposition demeure dans son cadre d'emploi et que l'autorité de l'administration d'origine exerce le pouvoir disciplinaire. Dès lors, cette autorité est seule compétente pour prononcer une mesure de suspension de fonctions à titre conservatoire, en vertu de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983. Il s'ensuit que le courrier du 23 octobre 2019 par lequel le directeur général du GIP C... a demandé au président du conseil départemental des F... de suspendre M. B... de ses fonctions, qui ne constitue que le premier acte de la procédure pouvant conduire le cas échéant à la suspension de l'intéressé, présente le caractère d'une mesure préparatoire et ne constitue pas par lui-même une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, son irrégularité pouvant seulement être invoquée à l'appui d'un recours dirigé contre la mesure de suspension éventuellement prise.
4. Dès lors, en rejetant comme irrecevables les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de ce courrier du 23 octobre 2019, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) ".
6. La mesure de suspension litigieuse prise à l'égard de M. B... est fondée, d'une part, sur un comportement inadapté sur le plan managérial instaurant un climat anxiogène, voire insupportable, de nature à nuire au bon fonctionnement du service et étant à l'origine d'une dégradation des conditions de travail, et d'autre part, sur des manquements à ses obligations de loyauté et d'obéissance hiérarchique.
7. Eu égard à la nature de la mesure de suspension prévue par les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu'ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l'acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d'un recours en excès de pouvoir contre cet acte.
8. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 23 octobre 2019, le directeur général du GIP C... a adressé au président du conseil départemental des F... un rapport dans lequel il indique, que plusieurs personnes exerçant au sein et hors du service d'immunologie virologie PCR du site de E..., dirigé par M. B..., ont fait état, sous couvert d'anonymat, de comportements inappropriés de celui-ci et ont indiqué avoir peur de ce dernier et de ses réactions. Les éléments ainsi transmis au directeur général du groupement tiennent, d'une part, à des manquements aux obligations de loyauté et d'obéissance hiérarchiques caractérisés par un dénigrement de la direction générale du GIP, un défaut d'adhésion et une opposition larvée aux décisions politiques de ce groupement compromettant ou retardant la mise en œuvre des décisions, et d'autre part, à un comportement inadapté sur le plan managérial tenant à une rétention d'informations qui contribuerait à créer un climat anxiogène voire insupportable au sein du service. La mise à l'écart de M. B... était enfin présentée comme étant un préalable indispensable à la réalisation d'une enquête administrative sereine. Compte tenu des éléments de ce rapport émanant du directeur général de l'organisme auprès duquel M. B... était mis à disposition depuis près de six ans, et des informations dont disposait le département sur son agent, le président du conseil départemental des F... disposait d'éléments lui permettant de considérer que les griefs formulés par l'organisme d'accueil présentaient un caractère suffisant de vraisemblance. A cet égard, si le directeur général du GIP a adressé au département un autre rapport daté du même jour, dans lequel il mettait également en cause l'adjoint de M. B..., les deux courriers comportent les mêmes griefs le concernant et la coexistence de ces deux rapports n'est pas de nature à remettre en cause la vraisemblance des griefs portés à la connaissance du département. Par ailleurs, M. B... ne peut utilement invoquer les témoignages, établis postérieurement à sa suspension de fonctions, selon lesquels le climat délétère régnant au sein du service n'est pas imputable à son management mais à la direction du groupement, témoignages qui ne remettent au demeurant pas en cause les manquements aux obligations de loyauté et d'obéissance hiérarchique reprochés à l'intéressé. Enfin, compte tenu du climat social très dégradé régnant au sein du service, d'une part, et du niveau hiérarchique comme des responsabilités exercées par M. B..., d'autre part, les manquements en question doivent être regardés comme revêtant un degré de gravité suffisant pour justifier la mesure de suspension litigieuse. Il s'ensuit que doit être écarté le moyen tiré de ce que le président du conseil départemental des F... a fait une inexacte application des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 en prononçant la mesure de suspension litigieuse.
9. Par ailleurs, le moyen tiré par M. B... de ce qu'un certain nombre des faits qui lui sont reprochés sont matériellement inexacts ne peut qu'être écarté compte tenu de la vraisemblance des griefs articulés à son encontre et mentionnés au point 8.
10. Eu égard à ce qui vient d'être dit, si M. B... soutient que la mesure de suspension n'a d'autre but que de le mettre à l'écart, en dehors de toute faute disciplinaire et pour des motifs étrangers à l'intérêt du service, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... sur le fondement des mêmes dispositions une somme de 800 euros à verser au département des F... et la même somme à verser au GIP C..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera au département des F... et au GIP C... la somme de 800 (huit cents) euros chacun au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au département des F... et au groupement d'intérêt public C....
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.
La rapporteure,
J. D...
Le président,
O. Couvert-Castéra
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au préfet des F... en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02308