Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme G... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 17 décembre 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes les a mis en demeure d'inscrire leurs enfants D... et C... B..., scolarisés à l'école privée hors contrat Le Carré Libre, dans un autre établissement dans les plus brefs délais.
Par un jugement n° 1906525 du 25 mars 2021 le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 mai 2021 et 17 octobre 2022 M. et Mme B..., représentés par la Selarl Valadou Josselin et Associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2019 du recteur de l'académie de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas indiqué en quoi les évaluations périodiques des élèves ainsi que les bilans opérés par l'école ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations des rapports rédigés par les inspecteurs de l'éducation nationale ;
- il est entaché d'une omission de répondre au moyen tiré de l'illégalité des décisions prises dans le cadre de la procédure au regard des dispositions de l'article R. 131-13 du code de l'éducation ;
- il est entaché d'erreurs de fait quant à l'exposé des faits et d'erreur d'appréciation ainsi que de contradiction quant au respect de la liberté d'enseignement ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation au regard de la liberté d'enseignement et des dispositions de l'article R. 131-13 du code de l'éducation dès lors que la pédagogie de l'école n'a pas été prise en compte ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation quant à l'application de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- par l'effet dévolutif, ils entendent reprendre l'ensemble de l'argumentation précédemment développée devant les premiers juges ;
- les différents rapports et courriers pris au cours de la procédure sont insuffisamment motivés en ce qu'ils ne font pas notamment référence à la pédagogie mise en œuvre par l'école conformément aux dispositions de l'article R. 131-13 du code de l'éducation ;
- les services de l'Etat n'ont pas pris en compte et respecté la pédagogie du Carré libre ;
- le contrôle opéré par les services de l'Etat est illégal en ce qu'il repose sur l'exigence d'un contrôle régulier de traces écrites et d'une pédagogie comportant nécessairement une programmation écrite ; il est en outre insuffisant ;
- c'est à tort que le rectorat a considéré que les résultats des contrôles ne permettaient pas de démontrer l'acquisition par les élèves du Carré libre du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ;
- le contrôle réalisé par les services du rectorat est erroné en ce qu'il se limitait à rechercher certains éléments uniquement révélateurs d'une seule pédagogie et en occultant l'ensemble des éléments relatifs à la mise en œuvre de sa pédagogie ;
- il a été fait la démonstration de l'acquisition des connaissances par la prise en considération des tableaux de correspondance activités/compétences/ressources, journaux de bord ; de même, les documents d'évaluation et les classeurs de suivi des apprentissages existent bien et ont été présentés et même complétés et affinés à la demande des inspecteurs lors de chacun des contrôles d'inspection ;
- le Carré libre a permis à de nombreux enfants ou élèves d'acquérir toutes les connaissances et l'instruction utiles nécessaires pour s'intégrer ou se réintégrer dans le système scolaire ultérieur ou dans des formations professionnalisantes ;
- à titre subsidiaire, les dispositions législatives, notamment l'article L. 442-2 du code de l'éducation, sont contraires à l'article 2 du protocole n° 1 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 14 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'elles permettraient d'imposer un contrôle sur des traces écrites produites par les élèves.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 3 novembre 2022, non communiqué, le recteur de l'académie de Rennes conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'éducation ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,
- et les observations de Me Nadan, représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Créée à l'initiative de l'association de l'Ecole démocratique du Pays Glazik, l'école Le Carré Libre, qui appartient au réseau européen EUDEC (European democratic education community) promouvant une approche permettant aux enfant de faire leurs propres choix concernant leurs apprentissages, a ouvert ses portes en septembre 2016 dans des locaux situés avenue Ty Bos à Quimper (Finistère). A la rentrée 2019, l'école, qui disposait d'une équipe pédagogique composée de trois enseignants, trois personnes en service civique et trois bénévoles encadrants, accueillait 48 élèves, âgés de 4 à 18 ans, issus de 35 familles. Le 28 janvier 2019, l'école Le Carré Libre a fait l'objet d'une inspection pédagogique à l'issue de laquelle la directrice a été mise en demeure, par courrier du 1er mars 2019, de transmettre des explications sur les manquements constatés dans un délai de deux mois. Une nouvelle inspection pédagogique a été effectuée le 24 mai 2019, qui a conduit à la constatation de manquements persistants notamment en matière d'instruction obligatoire. Une nouvelle mise en demeure a, en conséquence, été notifiée à la directrice de l'établissement le 16 juillet 2019. Par un courrier du 3 septembre 2019, le recteur de l'académie de Rennes a cependant accordé à l'équipe de l'école Le Carré Libre un nouveau délai de trois mois pour démontrer les améliorations attendues dans les enseignements dispensés. À l'issue de la dernière inspection du 13 décembre 2019 et au vu du rapport émis par les inspecteurs le 17 décembre 2019, confirmant le constat des lacunes dans les enseignements dispensés par l'école, le recteur de l'académie de Rennes a, le même jour, avisé le procureur de la République des carences de l'établissement et adressé aux parents d'élèves, dont font partie M. et Mme B..., une mise en demeure d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 25 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision du 17 décembre 2019 les mettant en demeure d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a précisé au point 12 de son jugement l'ensemble des raisons pour lesquelles il a considéré que les évaluations périodiques des élèves ainsi que les bilans opérés par l'école n'étaient pas de nature à remettre en cause les conclusions des rapports rédigés par les inspecteurs de l'éducation nationale. Par suite, ce jugement est suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le jugement attaqué serait entaché d'une omission de répondre au moyen tiré de l'illégalité des décisions prises dans le cadre de la procédure d'inspection pédagogique au regard des dispositions de l'article R. 131-13 du code de l'éducation. Il ressort des écritures de première instance que les requérants ont soulevé précisément le moyen tiré de ce que la décision contestée du 17 décembre 2019 est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle n'a pas pris en compte les méthodes pédagogiques retenues par l'école, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 131-13 du code de l'éducation. Toutefois, il ressort des termes du jugement, et notamment de son point 12, que les premiers juges se sont expressément prononcés sur ce moyen, alors même qu'ils n'ont pas rappelé le texte de ces dispositions. Dès lors, et contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.
4. En troisième lieu, M. et Mme B... soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait et d'erreurs d'appréciation au regard de la liberté d'enseignement et des dispositions de l'article R. 131-13 du code de l'éducation et quant à l'application de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, de tels moyens concernent le bien-fondé du jugement attaqué et sont, par suite, sans incidence sur sa régularité.
Sur le cadre juridique du litige :
En ce qui concerne la liberté de l'enseignement :
5. Aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation : " La scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l'ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. Le socle doit permettre la poursuite d'études, la construction d'un avenir personnel et professionnel et préparer à l'exercice de la citoyenneté. Les éléments de ce socle commun et les modalités de son acquisition progressive sont fixés par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes. (...) ". Aux termes de l'article L. 131-1-1 du même code : " Le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d'exercer sa citoyenneté. / Cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignement. ".
6. Aux termes de l'article R. 131-12 du même code : " Pour les enfants qui reçoivent l'instruction dans la famille ou dans les établissements d'enseignement privés hors contrat, l'acquisition des connaissances et des compétences est progressive et continue dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et doit avoir pour objet d'amener l'enfant, à l'issue de la période de l'instruction obligatoire, à la maîtrise de l'ensemble des exigences du socle commun. La progression retenue doit être compatible avec l'âge de l'enfant et, lorsqu'il présente un handicap tel que défini à l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles, avec ses besoins particuliers, tout en tenant compte des choix éducatifs effectués par les personnes responsables de l'enfant et de l'organisation pédagogique propre à chaque établissement. ". Aux termes de l'article R. 131-13 du même code : " Le contrôle de la maîtrise progressive de chacun des domaines du socle commun est fait au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire, en tenant compte des méthodes pédagogiques retenues par l'établissement ou par les personnes responsables des enfants qui reçoivent l'instruction dans la famille. ".
7. Aux termes de l'article D. 122-1 du même code : " Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu à l'article L. 122-1-1 est composé de cinq domaines de formation qui définissent les grands enjeux de formation durant la scolarité obligatoire : 1° Les langages pour penser et communiquer : ce domaine vise l'apprentissage de la langue française, des langues étrangères et, le cas échéant, régionales, des langages scientifiques, des langages informatiques et des médias ainsi que des langages des arts et du corps ; 2° Les méthodes et outils pour apprendre : ce domaine vise un enseignement explicite des moyens d'accès à l'information et à la documentation, des outils numériques, de la conduite de projets individuels et collectifs ainsi que de l'organisation des apprentissages ; 3° La formation de la personne et du citoyen : ce domaine vise un apprentissage de la vie en société, de l'action collective et de la citoyenneté, par une formation morale et civique respectueuse des choix personnels et des responsabilités individuelles ; 4° Les systèmes naturels et les systèmes techniques : ce domaine est centré sur l'approche scientifique et technique de la Terre et de l'Univers ; il vise à développer la curiosité, le sens de l'observation, la capacité à résoudre des problèmes ; 5° Les représentations du monde et l'activité humaine : ce domaine est consacré à la compréhension des sociétés dans le temps et dans l'espace, à l'interprétation de leurs productions culturelles et à la connaissance du monde social contemporain. ".
8. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, s'il est loisible aux établissements privés hors contrat de choisir tant leurs rythmes d'éducation que leurs méthodes pédagogiques afin de mettre leurs élèves en mesure d'acquérir, à l'issue de leur période de scolarité obligatoire, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ces rythmes comme ces méthodes ou la manière de les appliquer ne doivent ni, d'une part, conduire ces établissements à ne pas mettre en mesure leurs élèves d'acquérir ce socle de compétences ni, d'autre part, faire obstacle à la possibilité pour l'autorité de l'État compétente de déterminer, dans le cadre d'un contrôle, si les établissements en cause respectent l'objet et le contenu de l'enseignement obligatoire.
En ce qui concerne les modalités du contrôle par les autorités de l'Etat :
9. Aux termes de l'article L. 442-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Mis en œuvre sous l'autorité conjointe du représentant de l'Etat dans le département et de l'autorité compétente en matière d'éducation, le contrôle de l'Etat sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l'enfance et de la jeunesse. / II.- Les établissements mentionnés au I communiquent chaque année à l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation les noms des personnes exerçant des fonctions d'enseignement ainsi que les pièces attestant de leur identité, de leur âge, de leur nationalité et de leurs titres, dans des conditions fixées par décret. / L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation prescrit le contrôle des classes hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l'article L. 131-1-1 et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article L. 111-1. / Ce contrôle a lieu dans l'établissement d'enseignement privé dont relèvent ces classes hors contrat. / Un contrôle est réalisé au cours de la première année d'exercice d'un établissement privé. / Les résultats de ce contrôle sont notifiés au directeur de l'établissement avec l'indication du délai dans lequel il est mis en demeure de fournir ses explications ou d'améliorer la situation et des sanctions dont il serait l'objet dans le cas contraire. / En cas de refus de la part du directeur de l'établissement d'améliorer la situation et notamment de dispenser, malgré la mise en demeure de l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini par l'article L. 131-1-1, et qui permet aux élèves concernés l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1, l'autorité académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale, puis met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l'établissement d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure qui leur est faite. (...) ".
10. Il résulte des dispositions citées au point 9 que la mise en demeure adressée, à la suite du contrôle d'un établissement privé hors contrat, au directeur de ce dernier, peut lui imposer, au vu des manquements constatés lors de ce contrôle, notamment au regard de l'obligation de dispenser un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, non seulement de fournir des explications, mais aussi d'engager les actions nécessaires, qu'elle doit exposer de manière précise et circonstanciée, pour remédier aux manquements que l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation estime constitués, et ce dans un délai déterminé, au terme duquel l'autorité académique, en cas de refus d'engager les actions ainsi exigées, peut saisir le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale et mettre en demeure les parents des élèves scolarisés dans cet établissement d'inscrire ces enfants dans un autre établissement. Il appartient à l'autorité académique, pour prendre ces décisions, de porter une appréciation sur les suites apportées à la mise en demeure et l'étendue des manquements subsistant le cas échant. L'autorité académique ne saurait être regardée comme placée en situation de compétence liée pour prendre ces décisions, la circonstance qu'elle soit tenue, si son appréciation la conduit à estimer être en présence de faits susceptibles de constituer une infraction pénale, simultanément d'en aviser le procureur de la République et de mettre les parents d'élèves en demeure d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement étant à cet égard sans incidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de mise en demeure du 17 décembre 2019 adressée à M. et Mme B... :
11. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les juges de première instance, d'écarter le moyen tiré de ce que le recteur de l'académie de Rennes n'aurait pas été compétent pour signer la décision contestée.
12. En deuxième lieu, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et est, par suite, suffisamment motivée.
13. En troisième lieu, l'ensemble de la procédure conduisant à la mise en demeure des parents d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement étant régi par les dispositions de l'article L. 442-2 du code de l'éducation et ces dispositions ne prévoyant pas la possibilité pour les parents eux-mêmes de présenter des observations avant cette mise en demeure, le moyen tiré par les requérants de ce que la décision contestée n'aurait pas été précédée d'une procédure contradictoire à leur égard est dépourvu de fondement et ne peut qu'être écarté.
14. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent qu'aucune mise en demeure conforme aux prescription de l'article L. 442-2 du code de l'éducation n'a été adressée à la directrice de l'école Le Carré Libre, il ressort des pièces du dossier que, dans chacun des deux courriers adressés à cette dernière les 1er mars 2019 et 16 juillet 2019, qui ont précédé le courrier du 17 décembre 2019 par lequel il a informé la directrice de l'établissement qu'il avisait le procureur de la République, le recteur de l'académie de Rennes a mentionné de manière précise les manquements et carences qui avaient été relevés ainsi que les mesures nécessaires pour les pallier, et a indiqué les sanctions applicables en cas d'inexécution. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.
15. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des deux mises en demeure ainsi que des rapports d'inspection joints, lesquels étaient précis et détaillés, et du dernier rapport adressés à la directrice de l'école Le Carré Libre, également suffisamment motivé, que les manquements les plus manifestes relevés lors des inspections pédagogiques portaient sur la maîtrise de la langue française orale et écrite, la maîtrise d'une langue vivante étrangère et la maîtrise des fondamentaux mathématiques, les méthodes et outils pour apprendre, les systèmes naturels et les systèmes techniques, les représentations du monde et l'activité humaine, enfin sur le constat d'une exposition régulière et importante, sans aucun filtre, des enfants à F... et plus généralement aux écrans. Sur ces points, le recteur a rappelé notamment la nécessité de permettre aux enfants de bénéficier de progressions structurées leur permettant de développer peu à peu leurs connaissances, leurs compétences et leur culture et que, dans la mesure ou le principe de l'établissement est de répondre aux demandes des enfants, il lui appartenait de proposer aux enfants des situations susceptibles de motiver leur envie d'entrer de manière régulière dans les apprentissages et de les inviter à formaliser des présentations personnelles de leurs apprentissages sous la forme qu'ils choisiraient (schémas, dessins, listes...). Il a relevé également la nécessité de proposer des situations d'apprentissage régulières pour tous et d'installer sur les postes une sécurité informatique.
16. S'il a été remédié à la plupart des manquements en matière de sécurité de l'établissement dans les laps de temps qui se sont écoulés entre les trois contrôles réalisés, il a cependant été relevé lors du deuxième contrôle, s'agissant du volet pédagogique, que les " traces " observées par les inspecteurs et fournies par les élèves étaient insuffisantes pour garantir l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture (SCCCC), dès lors que l'acquisition de ces compétences se conçoit nécessairement dans la durée et selon une progression établie sur plusieurs années, ce qui implique des entrainements, des retours réflexifs et une évaluation des progrès non réalisés ou non suffisamment réalisés en l'espèce. Il était indiqué également que, malgré la mise en demeure formulée dans le précédent rapport, la directrice de l'établissement et la facilitatrice d'apprentissage ne montraient pas de documents ou de supports témoignant des apprentissages des élèves et se bornaient à rappeler les principes de l'école démocratique consistant, pour chaque enfant, à apprendre à son rythme quand il en manifeste le désir. Enfin, la lettre adressée par le recteur à la directrice de l'école le 17 décembre 2019 à la suite du troisième contrôle a fait ressortir une persistance à ne pas se conformer à la réglementation en vigueur, et la responsable de l'établissement a été informée qu'en conséquence, conformément aux dispositions de l'article L. 442-2 du code de l'éducation, le procureur de la République serait avisé de cette situation.
17. Il ressort des constatations réalisées et conclusions énoncées aux points 15 et 16 que le recteur, qui a d'ailleurs expressément relevé que l'école permettait d'accueillir des élèves en difficulté dans le système scolaire traditionnel et constituait un sas pour les élèves présentant des problèmes d'adaptation, a pris en compte de manière précise et continue les méthodes pédagogiques mises en avant par l'école et a pu à juste titre estimer, en l'absence d'éléments permettant d'établir que les enfants scolarisés étaient en mesure d'acquérir à la fin de chaque cycle les connaissances prescrites par le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, et sans commettre d'erreur de fait, ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation sur les suites apportées aux mises en demeure et l'étendue des manquements subsistant, que les manquements constatés à trois reprises sur le volet pédagogique, qui devaient s'analyser comme des refus persistants d'améliorer la situation, ne pouvaient permettre de regarder comme conforme aux dispositions de l'article L. 442-2 du code de l'éducation le fonctionnement de l'école Le Carré Libre ni l'enseignement qui y est dispensé.
18. En sixième lieu, aux termes de l'article 29 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Aucune disposition du présent article ou de l'article 28 ne sera interprétée d'une manière qui porte atteinte à la liberté des personnes physiques ou morales de créer et de diriger des établissements d'enseignement, à condition que les principes énoncés au paragraphe 1er du présent article soient respectés et que l'éducation dispensée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales que l'Etat aura prescrites. ".
19. Les requérants ne sauraient utilement soutenir que le contrôle exercé par les services du rectorat ne permet pas à l'école Le Carré Libre d'exercer librement sa pédagogie, en méconnaissance de l'article 29 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que les stipulations de cet article ne créent des obligations qu'entre Etats signataires et ne sont donc pas directement invocables.
20. En septième lieu, aux termes de l'article 2 du protocole n°1 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement à leurs convictions religieuses et philosophiques. ". Aux termes de l'article 14 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à la formation professionnelle et continue. (...) ". Ainsi qu'il a été dit au point 17, les modalités du contrôle de l'école Le Carré Libre n'ont pas eu effet pour effet de remettre en cause ses méthodes pédagogiques. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que les stipulations précitées ont été méconnues.
21. En dernier lieu, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la circonstance que le recteur a notifié à d'autres parents d'élèves une mise en demeure de scolariser dans un autre établissement leurs enfants bien que ceux-ci soient âgés de plus de 16 ans et ne soient donc plus astreints à l'obligation scolaire est sans incidence sur la légalité de la décision qui a été adressée à M. et Mme B....
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit à leur demande. Par suite, leur requête, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., Mme G... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Rennes.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.
Le rapporteur
A. E...La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01450