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25/04/2023 | FRANCE | N°21NT01614

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 25 avril 2023, 21NT01614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de remboursement de la somme de 50 089,68 euros, ensuite de condamner l'Etat à lui rembourser cette somme ainsi que la majoration de retard qui lui a été infligée, pour un montant total de 55 098,68 euros, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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r un jugement n° 1903012 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de Renne...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de remboursement de la somme de 50 089,68 euros, ensuite de condamner l'Etat à lui rembourser cette somme ainsi que la majoration de retard qui lui a été infligée, pour un montant total de 55 098,68 euros, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903012 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 15 juin 2021, M. A..., représenté par Me Halpern demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de remboursement de la somme de 50 089,68 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser cette somme ainsi que la majoration de retard qui lui a été infligée, pour un montant total de 55 098,68 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la somme de 50 089,68 euros étant en réalité constitutive de rémunérations, la créance invoquée par l'Etat ne correspondait pas à des frais de scolarité mais à des soldes perçues pour services rendus à l'instar des militaires de carrière (comme cela résulte de la combinaison de l'article 2 du décret n° 2008-947 du 12 septembre 2008 et de l'article L. 4123-1 du code de la défense) et était prescrite dans le délai de deux ans suivant sa mise en paiement, en application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ; le 1er mars 2017, date à laquelle elle lui a été réclamée, la créance de l'Etat était prescrite ;

- il a débuté sa scolarité à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr le 2 septembre 2008 et s'est engagé dans l'armée de terre le 9 mars 2011, postérieurement à la fin de sa scolarité ;

par conséquent, les soldes qui lui ont été versées entre décembre 2010 et juillet 2013 ne correspondent pas aux rémunérations perçues au cours de sa scolarité mais aux services qu'il a effectués postérieurement à celle-ci, alors qu'il était sous-lieutenant de l'armée de terre, c'est-à-dire officier de carrière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Un mémoire complémentaire a été présenté, le 29 mars 2023, pour M. A... qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la défense ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2008-947 du 12 septembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Halpern, représentant M. A....

Une note en délibéré, enregistrée le 11 avril 2023, a été produite pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de son admission, le 7 décembre 2010, en qualité d'élève officier à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr, M. A... a souscrit un contrat d'engagement d'une durée de six ans. Il a poursuivi sa scolarité avec le grade de sergent, puis d'aspirant, et enfin de sous-lieutenant. M. A... a sollicité la résiliation de son contrat d'engagement et a, par un arrêté du 5 septembre 2013, été radié des cadres de l'armée de terre. Par un courrier du 1er mars 2017, le centre expert des ressources humaines et de la solde de l'armée de terre l'a informé qu'il était redevable du remboursement de ses frais de scolarité pour un montant de 50 089,68 euros. Le 30 mai 2017, la direction générale des finances publiques a transmis à M. A... un titre de perception correspondant à ce montant. Le 7 juillet 2017, M. A... a formé une demande de remise gracieuse auprès du directeur régional des finances publiques à l'encontre de ce titre. Sa demande a été rejetée le 22 septembre 2017. Une mise en demeure de payer la somme de 50 089,68 euros majorée de 5 009 euros d'intérêts de retard lui a été adressée le 11 août 2017. M. A... s'est acquitté, entre le 15 décembre 2017 et le 15 octobre 2018, de la somme de 55 098 euros et a demandé le remboursement de la somme de 50 089,68 euros par un courrier du 31 décembre 2018 au centre expert des ressources humaines et de la solde. Le 2 mai 2019, il a formé un recours devant la commission des recours des militaires pour demander le remboursement de la somme de 50 089,68 euros dont il a eu à s'acquitter. En l'absence de réponse, une décision implicite de rejet est née.

2. M. A... a, le 6 mai 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de remboursement de la somme de 50 089,68 euros et à la condamnation de l'Etat à lui rembourser cette somme ainsi que la majoration de retard afférente pour un montant total de 55 098,68 euros. Il relève appel du jugement du 14 avril 2021 par lequel cette juridiction a rejeté au fond sa demande, qu'il maintient.

3. Aux termes de l'article 5 du décret du 12 septembre 2008 fixant certaines dispositions applicables aux élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière : " Lors de leur admission en école, les élèves officiers de carrière présentent une demande en vue d'être admis à l'état d'officier de carrière à l'issue de leurs études et s'engagent à servir en cette qualité pour une période, fixée par arrêté du ministre de la défense (...), comprise entre six et huit ans (...) ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " I. - Sont tenus à remboursement : 1° Dans les conditions fixées à l'article 17, les élèves officiers de carrière quittant l'école avant la fin de la scolarité ; / 2° Dans les conditions fixées à l'article 18, les officiers de carrière. / II. - Toutefois : 1° Sur décision du ministre de la défense ou, pour les élèves officiers de carrière de l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale, sur décision conjointe du ministre de la défense et du ministre de l'intérieur, le remboursement n'est pas dû si l'interruption de la scolarité n'est pas imputable aux intéressés ; / 2° Sur décision du ministre de la défense ou, pour les officiers de carrière de la gendarmerie nationale, sur décision du ministre de l'intérieur, le remboursement n'est pas dû si l'inexécution totale ou partielle de l'engagement de servir n'est pas imputable aux intéressés. " Enfin, l'article 18 de ce décret énoncé : " Les officiers de carrière ne satisfaisant pas à l'engagement prévu à l'article 5 sont tenus au remboursement des frais de formation. / (...) / Le remboursement que doivent effectuer, le cas échéant, les officiers de carrière varie en fonction du temps passé au service de l'Etat et porte, conformément au tableau ci-après, sur la totalité ou sur une fraction de la somme des rémunérations perçues au cours de la scolarité (...) ".

Sur la prescription de la créance :

4. En premier lieu, M. A... soutient que la créance invoquée par l'Etat d'un montant de 50 089,68 euros, qui " porte sur des rémunérations qu'il a perçues ", était prescrite.

5. Aux termes, d'une part, de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

6. Aux termes, d'autre part, de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale./ Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement./ L'action en recouvrement des sommes indûment versées se prescrit conformément aux dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales. ".

7. En vertu de l'article 2224 précité du code civil, l'obligation de rembourser les frais de formation à la suite de la rupture de l'engagement de servir des élèves officiers prévue à l'article 18 du décret du 12 septembre 2008 se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle l'administration a eu connaissance de la rupture de l'engagement de servir du militaire. Pour estimer que cette règle de prescription ne s'applique pas à sa situation et contester l'obligation qui lui a été faite le 1er mars 2017 de rembourser la somme de 50 089,68 euros, M. A... soutient de nouveau en appel que cette somme correspondrait, en réalité, à des rémunérations versées à un élève-officier sous forme de soldes et auxquelles s'appliquerait la prescription biennale de l'article 37-1 cité au point 6 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leur relation avec l'administration. Toutefois, les frais de formation - cités à l'article 18 du décret du 12 septembre 2008 rappelé au point 3 - que les officiers de carrière sont tenus de rembourser dès lors qu'ils n'ont pas, comme M. A..., satisfait à l'engagement relatif à la durée de service prévu à l'article 5 du même décret, ne sauraient être assimilés à des rémunérations. Les circonstances que, pour déterminer leur montant, soit pris en compte, à titre de référence de calcul, le montant des sommes perçues au titre de la rémunération pendant la scolarité de l'élève militaire et que, selon le temps passé au service de l'Etat, le montant de ces frais de formation sera égal à la totalité des sommes perçues au titre de la rémunération au cours de la scolarité ou à une fraction de celles-ci, demeurent sans incidence sur la nature des sommes en cause. La prescription biennale dont M. A... revendique le bénéfice ne lui était en conséquence pas applicable. Il résulte de l'instruction que le titre de perception relatif au remboursement de ses frais de scolarité, porté à la connaissance de M. A... le 30 mai 2017, a été émis moins de 5 ans après que ce dernier a été radié des cadres le 5 septembre 2013. Dès lors, M. A... n'est pas fondé, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, à soutenir que la créance de la ministre des armées était prescrite.

Sur le bien-fondé de la créance :

8. En second lieu, M. A... soutient qu'étant devenu officier de carrière au 1er août 2012 avec le grade de sous-lieutenant, il ne pouvait devoir rembourser les soldes perçues en cette qualité, c'est-à-dire entre le 1er août 2012 et le 31 juillet 2013, soit un montant total de 20 427,10 euros pour cette période qu'il convient de déduire du montant de la créance - 50 089,58 euros - dont se prévaut l'Etat à son encontre. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, relatifs à la nature des sommes dont le remboursement est réclamé à M. A... sur la base des articles 5 et 18 du décret du 12 septembre 2008, rappelés au point 3, et qui correspondent aux frais de formation des élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière, le moyen sera écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir, en tout état de cause et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.

Copie en sera transmise, pour information, à la direction départementale des finances publiques de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2023.

Le rapporteur,

O. C...Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. BONNIEU

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT01614 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01614
Date de la décision : 25/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : HALPERN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-25;21nt01614 ?
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