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21/04/2023 | FRANCE | N°22NT02132

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 avril 2023, 22NT02132


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'a

udience.

Le rapport de Mme Chollet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Con...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Chollet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 14 février 1982 à Le Bardo (Tunisie), est entré en France en 2010 muni d'un visa Schengen portant la mention " voyage d'affaires " valable du 15 septembre 2010 au 15 novembre 2010 et s'est maintenu ensuite irrégulièrement sur le territoire français. Il a sollicité en 2016 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police de Paris, par un arrêté du 9 novembre 2016, a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français. Le recours de M. B... contre cet arrêté a été rejeté le 8 mars 2017 par le tribunal administratif de Paris et le 9 novembre 2017 par la cour administrative d'appel de Paris. M. B... n'a pas exécuté cette obligation de quitter le territoire français et a présenté le 2 octobre 2020 une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Il relève appel du jugement du 3 juin 2022 en tant que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de la décision attaquée : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire et sans charge de famille en France. Il ne justifie pas ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où vivent sa mère, trois frères et trois sœurs. Il ne justifie en outre pas que les problèmes de santé de sa demi-sœur, ressortissante française placée sous curatelle, nécessiteraient sa présence à ses côtés en France. Par ailleurs, si M. B... exerce une activité professionnelle en France lui permettant de subvenir à ses besoins, notamment par la création d'auto entreprises, cette activité est exercée de manière illégale et l'intéressé ne justifie d'aucun réseau amical, professionnel et associatif " particulièrement réussi " contrairement à ce qu'il soutient. Ainsi, compte-tenu de ses conditions de séjour en France, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B..., qui n'a pas exécuté la première mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En deuxième lieu, en ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord./ Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. Les éléments de la vie personnelle du requérant, tels que décrits au point 3 du présent arrêt, ne caractérisent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, en tout état de cause, le requérant ne justifie pas non plus de l'existence de motifs exceptionnels lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement des dispositions de cet article. Par suite, le préfet n'a pas manifestement méconnu les dispositions de cet article.

6. En troisième lieu, lorsque l'administration est saisie d'une demande de titre de séjour sur le fondement d'une disposition particulière du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas tenue, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'étranger peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles sa demande de titre de séjour n'était pas fondée et au regard desquels le préfet n'a pas choisi d'examiner d'office cette demande.

7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados, après s'être livré à un examen de la situation personnelle de l'intéressé, se serait estimé en situation de compétence liée par rapport à l'avis de la commission du titre de séjour pour prendre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour. Le moyen tiré de ce qu'il se serait cru dans une telle situation doit être écarté.

8. En cinquième lieu, M. B..., dont le cas a été soumis à la commission du titre de séjour par le préfet du Calvados compte-tenu de sa présence en France depuis plus de 10 ans, laquelle a rendu un avis défavorable le 20 décembre 2021, ne peut utilement soutenir que cette commission l'a privé d'une garantie procédurale en examinant sa situation personnelle de manière lapidaire alors, au demeurant, qu'il résulte des pièces du dossier qu'elle a procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle.

9. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle du requérant, alors qu'en outre un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Le requérant soutient qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Tunisie du fait des opinions politiques de sa famille, de ce qu'il a dénoncé la corruption et la répression policière en Tunisie lorsqu'il était étudiant et compte-tenu de la révolution de Jasmin au moment de son départ en 2010. Toutefois, il ne produit aucun élément probant au dossier permettant de justifier de ses allégations et de la réalité de risques personnels en cas de retour en Tunisie. Au surplus, il n'a pas sollicité le bénéfice de l'asile pour ce motif. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Lelouey et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT02132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02132
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : LELOUEY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-21;22nt02132 ?
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