Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... et Mme A... E..., M. D... et Mme F... C... et l'association " Les Amis des sites de Mesquer " ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le maire de Mesquer a délivré à la SCF Sainte-Marie un permis de construire portant sur l'extension d'une maison d'habitation située 300, boulevard de l'Océan, ainsi que la décision du 15 mars 2019 de rejet de leur recours gracieux formé contre cet arrêté.
Par un jugement no 1905134 du 28 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 avril 2022, 23 juin 2022, 4 août 2022 et 30 septembre 2022, M. et Mme C... et M. et Mme E..., représentés par Me Le Borgne, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le maire de Mesquer a délivré à la SCF Sainte-Marie un permis de construire portant sur l'extension d'une maison d'habitation située 300 boulevard de l'Océan, ainsi que la décision du 15 mars 2019 de rejet de leur recours gracieux formé contre cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mesquer et de la SCF Saint-Marie une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier faute de comporter l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le dossier de permis de construire comportait des insuffisances ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article Nrb 6 et l'article Nrb 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Mesquer ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mai et 13 octobre 2022, la commune de Mesquer, représentée par la SELARL Cornet-Vincent-Ségurel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de M. et Mme C... et M. et Mme E... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 juillet et 22 septembre 2022, la SCF Sainte Marie, représentée par la SELARL Genesis Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de M. et Mme C... et M. et Mme E... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,
- les observations de Me Bochereau, substituant Me Le Borgne, représentant M. et Mme C... et M. et Mme E..., les observations de Me Léon, substituant Me Marchand, représentant la commune de Mesquer, et les observations de Me Lopes, substituant Me Cassin, représentant la SCF Ste Marie.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 4 décembre 2018, le maire de Mesquer a délivré à la SCF Sainte-Marie un permis de construire portant sur l'extension, pour une surface de plancher créée de 23,5 mètres carrés, d'une maison d'habitation située 300, boulevard de l'Océan, sur la parcelle cadastrée section AD no 5, en zone Nrb du plan local d'urbanisme de Mesquer. Par une décision du 15 mars 2019, le maire a rejeté le recours gracieux formé par M. et Mme E... et M. et Mme C..., voisins immédiats du projet, ainsi que par l'association " Les Amis des Sites de Mesquer " contre cet arrêté. Cette association et les époux E... et C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 du maire de Mesquer et la décision de rejet de recours gracieux. M. et Mme C... et M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 28 février 2022 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la SCF Sainte-Marie :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, situé dans la bande littorale des cent mètres à compter de la limite haute du rivage, consiste en l'édification d'une extension d'une maison d'habitation, d'une hauteur de 5,60 mètres et d'une largeur de 4,80 mètres, qui sera implantée au sud de la construction existante. Les requérants, chacun propriétaire d'une maison d'habitation située immédiatement en face du terrain d'assiette du projet, dont ils ne sont séparés que par le boulevard de l'Océan, soutiennent que l'extension projetée sera visible depuis leur jardin respectif ainsi que depuis les fenêtres des façades ouest de leur maison, et qu'elle constituera un nouvel obstacle à la vue sur l'océan, sans que la réalité de cette allégation soit contredite par les pièces versées au dossier. Le projet d'extension contesté est ainsi de nature à affecter directement les conditions de jouissance de leur bien par les requérants. Ces derniers justifient donc d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté de permis de construire contesté. La fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la SCF Sainte-Marie doit, par suite, être écartée.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (...). " Il n'y a pas lieu de distinguer, pour l'application de ces dispositions, entre les constructions ou installations nouvelles et celles portant extension d'une construction ou d'une installation existante. Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces. L'espace à prendre en considération pour déterminer si un projet de construction se situe dans un espace caractérisé par une densité significative des constructions est constitué par l'ensemble des espaces entourant le sol sur lequel doit être édifiée la construction envisagée ou proche de celui-ci.
6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de la SCF Sainte-Marie se situe intégralement au sein de la bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Ce terrain, qui supporte une maison d'habitation et jouxte au sud une parcelle également bâtie, fait partie d'une rangée de treize parcelles de taille équivalente, situées entre le rivage et le boulevard de l'Océan, qui forment un cordon dunaire d'une longueur de plus de 300 mètres entre l'allée des Sarcelles et l'avenue de Praderoi et ne comportent aucune autre construction. Ce cordon dunaire, resté pour l'essentiel à l'état naturel, est séparé de la zone urbanisée située à l'est par le boulevard de l'Océan. Ainsi, le terrain d'assiette du projet litigieux ne se trouve pas dans un espace urbanisé au sens des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme. Dès lors, c'est par une inexacte application de ces dispositions que le maire de Mesquer a délivré l'arrêté de permis de construire du 4 décembre 2018 autorisant la construction de l'extension litigieuse. Celui-ci doit, dès lors, être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 15 mars 2019 par laquelle le maire de Mesquer a rejeté le recours gracieux formé par les requérants contre cet arrêté.
7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que M. et Mme C... et M. et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C... et M. et Mme E..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Mesquer et la SCF Sainte-Marie demandent au titre des frais exposés par elles à l'occasion du litige soumis au juge.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la commune de Mesquer et de la SCF Sainte-Marie la somme globale de 2 000 euros à verser à M. et Mme C... et M. et Mme E... au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 février 2022, l'arrêté du maire de Mesquer du 4 décembre 2018 et la décision du 15 mars 2019 de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté sont annulés.
Article 2 : La commune de Mesquer et la SCF Sainte-Marie verseront solidairement à M. et Mme C... et M. et Mme E... une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C..., représentants uniques désignés par Me Le Borgne, à la commune de Mesquer et à la SCF Sainte-Marie.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2023.
Le rapporteur,
F.-X. B...La présidente,
C. Buffet
La greffière,
K. Bouron
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22NT01312