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07/04/2023 | FRANCE | N°22NT03873

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 avril 2023, 22NT03873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite née le 14 mai 2021 par laquelle le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2103091 du 28 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Buors, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administra

tif de Rennes ;

2°) d'annuler cette décision du 14 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite née le 14 mai 2021 par laquelle le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2103091 du 28 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Buors, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler cette décision du 14 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier ;

- les premiers juges ont accueilli à tort la fin de non-recevoir opposée par le préfet, dès lors que, ayant présenté un dossier de demande de titre de séjour complet, sa demande devait être regardée comme ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet ;

- cette décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 423-7 et

L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 décembre 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant camerounais, né le 21 mars 1985, est entré irrégulièrement en France en 2015, selon ses déclarations. Par deux arrêtés du 10 mai 2019, le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'une part et a ordonné son assignation à résidence, d'autre part. Par un jugement du 14 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par une ordonnance n° 19NT01841 du 10 octobre 2019, le président de la cour a confirmé ce jugement. M. C... a déposé le 14 janvier 2021 auprès des services de la préfecture du Finistère une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'est vu remettre le même jour une attestation de dépôt de sa demande indiquant que cette dernière était irrecevable en raison de son caractère incomplet. L'intéressé relève appel du jugement du 28 novembre 2022 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, qui serait née du silence gardé par l'administration.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans (...), est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. (...) ". L'article R. 311-2-2 du même code dispose que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants (...) ". Aux termes de l'article R. 313-20 du même code : " Pour l'application des articles L. 313-11, L. 313-11-1 et L. 313-14, l'étranger présente à l'appui de sa demande de délivrance de la carte de séjour temporaire, outre les pièces prévues aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° Les pièces justifiant qu'il entre dans l'un des cas prévus par ces dispositions pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'en dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est incomplet. Le caractère abusif ou dilatoire de la demande doit s'apprécier compte tenu d'éléments circonstanciés. En outre, le refus d'enregistrer une demande tendant à l'octroi d'un titre de séjour, à l'appui de laquelle est présenté un dossier incomplet, ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir, sauf à ce que le requérant justifie du caractère complet du dossier déposé auprès des services préfectoraux.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français déposée le 14 janvier 2021 auprès des services de la préfecture du Finistère, M. C... a justifié de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait alors de produire la carte nationale d'identité de son enfant, la mère de ce dernier se refusant à la lui remettre en dépit notamment des deux demandes que lui avaient précédemment adressées son conseil. Il ressort toutefois de la copie intégrale de l'acte de naissance de l'enfant produite par l'intéressé que la filiation de l'enfant né en France le 31 octobre 2018 avec ses deux parents est établie, par un acte de reconnaissance enregistré le 12 juin 2018 à la mairie de Quimper en ce qui concerne le requérant et que la mère de cet enfant est elle-même née en France, le préfet du Finistère indiquant par ailleurs dans ses écritures qu'elle est de nationalité française. Alors qu'est français, en vertu des articles 18 et 19-3 du code civil, l'enfant dont l'un des parents est français et l'enfant né en France et dont l'un de ses parents y est lui-même né, le dossier ne pouvait, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme étant incomplet au seul motif de l'absence de production de la carte nationale d'identité de l'enfant de M. C.... Dans ces conditions, l'attestation remise à l'intéressé le 14 janvier 2021 à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et indiquant que cette dernière était irrecevable en raison de son caractère incomplet doit être regardée comme un refus d'enregistrer sa demande de titre de séjour sur la base de ce dossier et comme revêtant un caractère décisoire. Par suite, alors que la composition du dossier joint à la demande de titre de séjour de M. C... ne préjugeait en rien de son droit à obtenir la délivrance du titre sollicité, l'intéressé devait être regardé comme demandant l'annulation de ce refus d'enregistrer sa demande, lequel pouvait faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il s'ensuit que le requérant est fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal, qui s'est mépris sur la portée de sa demande, a irrégulièrement rejeté cette demande comme irrecevable. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de son irrégularité, le jugement attaqué doit être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de la décision contestée :

6. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en prenant la décision contestée au motif que le dossier de demande de titre de séjour était incomplet, le préfet du Finistère a entaché sa décision d'une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision du 14 janvier 2021 par laquelle le préfet du Finistère a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique que le préfet du Finistère procède au réexamen de la demande de titre de séjour dont il a été saisi par M. C..., dans un délai de deux mois à compter de sa notification et, dans l'intervalle, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Buors dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2103091 du 28 novembre 2022 du tribunal administratif de Rennes et la décision du 14 janvier 2021 du préfet du Finistère sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la demande de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.

Article 3: L'Etat versera à Me Buors la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT038732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03873
Date de la décision : 07/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : FRANCK BUORS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-07;22nt03873 ?
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