Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 20 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Dinan l'a suspendue de ses fonctions, dans le cadre de l'obligation vaccinale contre la covid-19.
Par une ordonnance n° 2105817 du 11 août 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2022, Mme D..., représentée par
Me Hubert, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 11 août 2022 ;
2°) d'annuler cette décision du 20 septembre 2021, ensemble la décision de rejet de son recours administratif ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Dinan de lui verser à compter du 20 septembre 2021 et pendant toute la durée de la suspension, la rémunération à laquelle elle a droit dans le cadre de l'exercice effectif de ses fonctions, d'assimiler la période de suspension à une période de travail effectif pour la détermination de ses droits à congés payés et pour ses droits à l'ancienneté et de régulariser sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Dinan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce que :
. le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le centre hospitalier de Saint- Malo aurait dû être invité à présenter ses observations propres à permettre un débat contradictoire ;
. cette ordonnance statue infra-petita en ce qu'elle ne s'est pas prononcée sur les moyens qu'elle avait soulevés ;
- l'auteur de la décision de suspension n'était pas compétent ;
- la décision de suspension est insuffisamment motivée par la seule référence à son refus de rencontrer le directeur des ressources humaines sans son avocat et sans que ne soit évoquée sa position en matière de vaccination ou de congés payés ;
- la procédure de suspension prévue par le 2 du II-C de la loi du 5 août 2021 n'a pas été respectée ; le centre hospitalier n'a pas recueilli sa position avant de prendre sa décision de suspension ; elle a été placée d'office en congés entre la date de convocation et celle de l'entretien en méconnaissance des dispositions du décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires ;
- elle n'a pas été invitée à faire valoir ses droits à congés payés et n'a pas été rémunérée de ses heures supplémentaires ou de compte épargne temps et a ainsi été privée des garanties liées à l'exercice de son activité professionnelle ;
- l'annulation de la décision en litige implique que les salaires et avantages qui y sont liés lui soient versés à compter du 20 septembre 2021 et sur toute la période de suspension.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2023, le centre hospitalier de Dinan, représenté par Me Gorand, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 20 septembre 2021, le directeur du centre hospitalier de Dinan a suspendu de ses fonctions Mme A... D..., infirmière diplômée d'État, dans le cadre de l'obligation vaccinale contre la covid 19 à compter du même jour. L'intéressée a, le 29 septembre suivant, saisi le directeur du centre hospitalier d'un recours administratif qui a été explicitement rejeté le 4 octobre 2021. Par une ordonnance n° 2105817 du 11 août 2022, dont Mme D... relève appel, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif, (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux ( ) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".
3. La circonstance que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a statué par une ordonnance prise sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sans audience publique, ne porte, par elle-même, aucune atteinte au respect du principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, ni au droit à un recours effectif. Alors qu'il était loisible à Mme D..., à qui un délai d'un mois a été imparti pour, si elle le jugeait utile, répliquer aux observations en défense présentées par le centre hospitalier de Dinan qui lui avaient été communiquées, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
4. En second lieu, il ressort des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que le premier juge a répondu à l'ensemble des moyens qui étaient soulevés devant lui. Au demeurant, si la requérante soutient que l'ordonnance attaquée aurait omis de se prononcer sur un ou des moyens qu'elle aurait présentés devant le premier juge, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
5. Ainsi, l'ordonnance attaquée n'est pas entachée d'irrégularité.
Sur la légalité de la décision du 20 septembre 2021 :
6. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. ". Aux termes de l'article D. 6143-34 de ce code : " Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ;
3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. " et aux termes de l'article D. 6143-38 du même code qui s'applique sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du même code, les décisions réglementaires des directeurs des établissements publics de santé " sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège (...) ".
7. La décision de suspension critiquée du 20 septembre 2021 a été prise par
M. E... B..., directeur des ressources humaines et de l'organisation des soins en vertu de la décision n° 21-020 du 4 mars 2021 par laquelle le directeur des centres hospitaliers de Saint-Malo-Dinan-Cancale lui a donné délégation à l'effet de signer les actes relevant des attributions de sa direction, à l'exception des sanctions disciplinaires, ce que n'est pas la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
8. En deuxième lieu, la décision de suspension querellée énonce avec suffisamment de précision les éléments de droit et de fait sur lesquels elle repose, permettant ainsi à sa destinataire de pouvoir contester utilement cette décision qui remplit les exigences de motivation posées par les articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
9. En troisième lieu, l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dispose que : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I (...) ". L'article 14 de cette loi prévoit que : " I. (...) B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au
I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / (...) / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (...). Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".
10. Mme D..., ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 2 du C du II de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans sa version issue de l'article 1er de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dès lors qu'étant infirmière exerçant dans un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, sa situation ne peut être régie que par les dispositions, de caractère spécial, du chapitre 2 de la loi du 5 août 2021, en particulier les dispositions citées au point précédent, et non par celles qui, comme le texte de la disposition qu'elle cite, relèvent des dispositions générales de la loi.
11. Par ailleurs, les dispositions mentionnées ci-dessus de l'article 14 de la loi du
5 août 2021 prévoient que l'employeur doit informer l'agent public des conséquences de l'interdiction faite à un agent non vacciné de poursuivre l'exercice de son activité ainsi que des moyens de régulariser sa situation.
12. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier qui lui a été adressé le 16 septembre 2021, que Mme D... a été conviée, le 20 septembre suivant à un entretien avec la direction des ressources humaines afin que lui soient exposées les conséquences de la non-vaccination. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée des garanties découlant de l'exercice de ses fonctions professionnelles.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D... ne peuvent être accueillies.
Sur les frais du litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne permettent pas d'en faire bénéficier la partie perdante ou tenue aux dépens. Les conclusions présentées à ce titre par la requérante ne peuvent dès lors qu'être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme D... la somme de
200 euros qui sera versée au centre hospitalier de Dinan au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera au centre hospitalier de Dinan la somme de 200 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au centre hospitalier de Dinan.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.
La rapporteure,
C. C...
Le président,
D. SALVI
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03249