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07/04/2023 | FRANCE | N°22NT02884

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 avril 2023, 22NT02884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 du préfet de la Loire-Atlantique refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui a interdisant de retourner sur le territoire national pour une durée d'un an, ainsi que la décision du 20 juillet 2021 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2110609 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 du préfet de la Loire-Atlantique refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui a interdisant de retourner sur le territoire national pour une durée d'un an, ainsi que la décision du 20 juillet 2021 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2110609 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 septembre et 21 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Poulard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 juin 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 3 juin 2021 et cette décision du 20 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administration dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- son signataire n'était pas compétent ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation sur la valeur probante des documents produits pour justifier de son état civil ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- son signataire n'était pas compétent ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour prive l'obligation de quitter le territoire français de base légale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- son signataire n'était pas compétent ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français :

- son signataire n'était pas compétent ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me Poulard, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant guinéen se disant né le 8 août 2000, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations au mois d'août 2016. Par une décision du

8 août 2018, le préfet de la Sarthe a rejeté la demande de M. A... présentée le 9 juillet 2018 et tendant à son admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions alors applicables de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 avril 2019, le préfet de la Sarthe a, de nouveau, refusé de lui délivrer un titre de séjour et, en outre, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours. S'étant maintenu sur le territoire français, M. A... a, par un courrier du 6 juillet 2020, sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la régularisation de sa situation de séjour en se prévalant des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14, alors applicables, de ce code. Par un arrêté du 3 juin 2021, confirmé par une décision du 20 juillet 2021 rejetant le recours gracieux présenté par l'intéressé, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. L'intéressé relève appel du jugement du

28 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions contestées doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... résidait depuis moins de cinq ans en France à la date de l'arrêté contesté. Son séjour n'était donc pas ancien. A la suite de sa prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance et du refus d'admission au séjour pris à son encontre le 8 août 2018, il a séjourné sur le territoire national principalement en situation irrégulière et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 19 avril 2019. Célibataire et sans personne à charge, il n'avait pas noué dans ce pays des liens personnels anciens, intenses et stables. Il ne ressort pas, de plus, des pièces du dossier que M. A... serait sans attaches personnelles dans le pays dont il a la nationalité, où il a vécu pendant environ seize ans et où résident ses parents et sa sœur. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. A..., le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi en lui refusant la régularisation de sa situation au regard du séjour et n'a pas méconnu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Les dispositions de cet article laissent un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut.

6. M. A... se prévaut de la scolarité dont il a bénéficié en France et qui lui a permis d'obtenir en 2019 un certificat d'aptitude professionnelle d'installateur thermique, de la poursuite d'une scolarité en vue de l'obtention d'un baccalauréat professionnel de technicien en installation des systèmes énergétiques et climatiques, de la réalisation d'un stage professionnel en 2020 ainsi que d'une promesse d'embauche en contrat d'apprentissage à compter du 1er juillet 2021. Toutefois, alors qu'à la date de l'arrêté contesté, l'intéressé, âgé de près de vingt-et-un ans, n'avait jamais travaillé et se trouvait sans ressources personnelles, ces efforts de formation et les qualifications acquises à leur issue ne suffisent pas à établir qu'il serait significativement inséré, notamment au plan professionnel en France. Ainsi compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont il dispose en la matière, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission exceptionnelle de M. A... au séjour en France ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas non plus par des motifs exceptionnels dont l'intéressé aurait fait état. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté.

7. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision de refus de titre de séjour en se fondant seulement sur la circonstance que

M. A... ne remplit pas les conditions prévues par les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de ce que ce refus de titre méconnaît l'article R. 431-10 du même code et est entachée d'une erreur d'appréciation sur la valeur probante des documents produits par l'intéressé pour justifier de son état civil ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

8. En cinquième lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français en litige devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour doit être écarté.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations citées au point précédent doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt.

11. En sixième lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 18 et 19 du jugement attaqué.

12. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A..., célibataire et sans enfant, résidait en France depuis moins de cinq ans à la date de l'arrêté contesté. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire de ce pays, à la suite notamment d'une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre en 2019. Par suite, et alors même que la présence en France de l'intéressé ne représente pas une menace pour l'ordre public, l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an qui a été édictée à son encontre n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation, contrairement à ce qu'il soutient.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.

Le rapporteur,

X. B... Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT028842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02884
Date de la décision : 07/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : POULARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-07;22nt02884 ?
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