La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2023 | FRANCE | N°22NT02552

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 avril 2023, 22NT02552


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier spécialisé de Blain à lui verser, à titre principal, la somme de 9 972,53 euros au titre de l'indemnité de précarité prévue par les dispositions de l'article L. 1243-8 du code du travail, due par l'établissement public à l'expiration de ses contrats de travail ou, à titre subsidiaire, la somme de 9 205,46 euros ou, à titre infiniment subsidiaire, la somme de 8 359 euros.

Par un jugement n° 1812007 du

30 juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier spécialisé de Blain à lui verser, à titre principal, la somme de 9 972,53 euros au titre de l'indemnité de précarité prévue par les dispositions de l'article L. 1243-8 du code du travail, due par l'établissement public à l'expiration de ses contrats de travail ou, à titre subsidiaire, la somme de 9 205,46 euros ou, à titre infiniment subsidiaire, la somme de 8 359 euros.

Par un jugement n° 1812007 du 30 juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 août 2022 et 18 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Deniau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 juin 2022 ;

2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Blain à lui verser, à titre principal, la somme de 9 972,53 euros au titre de l'indemnité de précarité ou, à titre subsidiaire, la somme de 9 205,46 euros ou à titre infiniment subsidiaire la somme de 8 359 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2018 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de Blain la somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'indemnité de fin de contrat, prévue par les dispositions de l'article L. 1243-8 du code du travail, lui était due à la fin du contrat conclu pour la période allant du 8 avril 2013 au

29 septembre 2013, et du contrat conclu du 1er novembre 2013 au 30 juin 2015, dès lors qu'il n'a pas conclu avec l'établissement public, à l'issue de ces périodes, de contrat à durée indéterminée, sa nomination en qualité de praticien hospitalier en période probatoire par un arrêté du 1er juin 2015 ne pouvant pas être assimilée à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée ;

- l'indemnité de fin de contrat ne lui a pas été versée, dès lors que la majoration de 10% appliquée sur sa rémunération en application de l'article R. 6152-416 du code de la santé publique ne correspond pas à cette indemnité, mais résulte d'une négociation salariale ;

- son préjudice financier s'établit à 10% de la rémunération totale brute sur l'ensemble de la période contractuelle du 8 avril 2013 au 30 juin 2015, soit la somme totale de

9 972,53 euros ;

- à titre subsidiaire, et à supposer qu'il n'ait pas droit à l'indemnité de fin de contrat pour son second contrat à durée indéterminée, il a droit sur la période du 8 avril 2013 au

29 septembre 2013 et du 1er novembre 2013 au 30 avril 2015, à la somme de 9 205,46 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2022, le centre hospitalier spécialisé de Blain, représenté par Me Bernot, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la créance relative à l'indemnité de fin de contrat qui serait due pour le premier contrat à durée déterminée pour la période allant du 8 avril 2013 au 29 septembre 2013 est prescrite en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un courrier du 3 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, dès lors que seule une formation collégiale du tribunal était compétente pour statuer sur la demande de M. B... qui tendait seulement au versement de l'indemnité qu'il estimait lui être due et qui ne revêtait donc pas le caractère d'une action indemnitaire au sens du 10° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et observations de Me Viault, représentant M. B..., et de Me Roussel, représentant le Centre hospitalier spécialisé de Blain.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., docteur en médecine, a été recruté par le centre hospitalier spécialisé de Blain (Loire-Atlantique) par un contrat conclu le 8 avril 2013 pour une durée de trois mois, pour occuper les fonctions de praticien hospitalier contractuel à temps partiel en remplacement d'un praticien absent, pour la période allant du 8 avril au 7 juillet 2013. Le contrat a été reconduit, par avenants, à deux reprises, jusqu'au 29 septembre 2013. Le centre hospitalier a conclu à compter du 1er novembre 2013, un nouveau contrat avec M. B..., toujours en qualité de praticien contractuel, pour une durée de six mois, qui a été reconduit à deux reprises, par avenants jusqu'au 30 juin 2015. Par un arrêté du 1er juin 2015, M. B... a été nommé en qualité de psychiatre des hôpitaux, pour une période probatoire d'un an, à effet du 19 juin 2015. Il a ensuite été titularisé dans cet emploi à effet du 19 juin 2016. Le 3 septembre 2018, M. B... a formé auprès du centre hospitalier de Blain une réclamation préalable tendant au versement de la somme de 8 359 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat prévue par les dispositions de l'article L. 1243-8 du code du travail. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 7 novembre 2018. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes la condamnation du centre hospitalier à lui verser à titre principal la somme de 9 972,53 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat due pour les deux contrats à durée déterminée conclus. Par un jugement du 30 juin 2022, le tribunal a rejeté cette demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 3 du code de justice administrative : " Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi ". Aux termes de l'article R. 222-13 du même code: " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public, sous réserve de l'application de l'article R. 732-1-1 : / (...) 10° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées n'excède pas le montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. ". Aux termes de son article R. 222-14 : " Les dispositions du 10° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros. ".

3. La demande d'un fonctionnaire ou d'un agent public tendant seulement au versement de traitements, rémunérations, indemnités, avantages ou soldes impayés, sans chercher la réparation d'un préjudice distinct du préjudice matériel objet de cette demande pécuniaire, ne revêt pas le caractère d'une action indemnitaire au sens du 10° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative. Par suite, une telle demande n'entre pas dans le champ de l'exception, prévue à ce 10°, permettant au président du tribunal ou au magistrat qu'il désigne de statuer seul.

4. En l'espèce, il ressort de la demande de M. B... qu'elle tendait seulement au versement de l'indemnité qu'il estimait lui être due au titre de la fin de ses contrats et non à la réparation d'un préjudice distinct du préjudice matériel, objet de sa demande pécuniaire. Par suite, en ne statuant pas en formation collégiale sur cette demande, le tribunal a entaché le jugement attaqué d'irrégularité et son jugement doit être annulé pour ce motif.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la demande de M. B... tendant à la condamnation du centre hospitalier au versement de l'indemnité de précarité :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (..) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle l'agent aurait dû être rémunéré.

7. Il résulte de l'instruction que l'indemnité de fin de contrat en litige devait être versée à la fin de chaque contrat. Le délai de prescription des indemnités dues par le centre hospitalier spécialisé de Blain à M. B... au titre du contrat conclu le 8 avril 2013 et reconduit jusqu'au 29 septembre 2013, a, dès lors, couru, en application des dispositions citées au point précédent, à compter du 1er janvier 2014 et a expiré le 31 décembre 2017. La demande de versement de l'indemnité due au titre de la fin de ce contrat, présentée par M. B... le 3 septembre 2018, l'a donc été après l'expiration du délai de prescription de la créance en cause. L'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier spécialisé de Blain à cette demande doit donc être accueillie.

8. En second lieu, et d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1243-8 du code du travail, rendu applicable aux praticiens contractuels par l'article R. 6152-418 du code de la santé publique : " Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation. Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant ".

9. D'autre part, aux termes de l'article R. 6152-13 du code de la santé publique : " Les candidats issus du concours national de praticien des établissements publics de santé, à l'exception des praticiens mentionnés à l'article R. 6152-60, sont nommés pour une période probatoire d'un an d'exercice effectif des fonctions, à l'issue de laquelle ils sont, après avis motivé du chef de pôle ou, à défaut, du responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne, du président de la commission médicale d'établissement et du directeur de l'établissement ainsi que, le cas échéant, de la commission statutaire nationale, soit nommés dans un emploi de praticien à titre permanent, soit admis à prolonger leur période probatoire pour une nouvelle durée d'un an, soit licenciés pour inaptitude à l'exercice des fonctions en cause, par arrêté du directeur général du Centre national de gestion. / (...) ".

10. Lorsqu'un praticien contractuel employé dans le cadre de contrats à durée déterminée, est recruté comme praticien hospitalier dans le cadre du statut prévu au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, la relation de travail se poursuit dans des conditions qui doivent être assimilées, pour l'application de l'article L. 1243-8 du code du travail, à celles qui résulteraient de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée. Par suite, sous réserve qu'eu égard aux responsabilités et conditions de travail qu'il comporte l'emploi vacant puisse être regardé comme identique ou similaire à celui précédemment occupé en qualité de contractuel et qu'il soit assorti d'une rémunération au moins équivalente, l'indemnité de fin de contrat n'est pas due en pareille hypothèse.

11. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui a été praticien hospitalier contractuel et a été admis au concours national de praticien hospitalier, a été recruté sur un poste de psychiatre déclaré vacant par le centre hospitalier spécialisé de Blain, pour lequel il avait présenté sa candidature et a été installé dans ses fonctions par un procès-verbal du 19 juin 2015. Cet emploi de praticien hospitalier relève du statut mentionné au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique. La circonstance que l'arrêté du 1er juin 2015 du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, a nommé l'intéressé en qualité de psychiatre des hôpitaux, pour une période probatoire d'un an, comme le prévoient les dispositions de l'article R. 6152-13 du code de la santé publique, est, à cet égard sans incidence sur la nature de ce recrutement de praticien hospitalier. Il n'est pas contesté que l'emploi déclaré vacant sur lequel M. B... a été nommé était identique ou similaire à celui qu'il occupait en qualité de praticien contractuel et était assorti d'une rémunération au moins équivalente. Par suite, la relation de travail avec le centre hospitalier spécialisé de Blain, s'étant poursuivie, à l'issue de son second contrat de travail à durée déterminée, dans des conditions qui doivent être assimilées, pour l'application de l'article L. 1243-8 du code du travail, à celles qui résulteraient de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée, l'intéressé n'avait pas droit à l'indemnité de fin de contrat relative au contrat conclu pour la période allant du 7 novembre 2013 au 19 juin 2015.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander la condamnation du centre hospitalier spécialisé de Blain au versement de l'indemnité de fin de contrat qu'il estime lui être due au titre des contrats en cause.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier spécialisé de Blain, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme que demande le centre hospitalier à ce même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier spécialisé de Blain sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier spécialisé de Blain.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.

Le rapporteur,

X. C...Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT02552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02552
Date de la décision : 07/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-07;22nt02552 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award